L’option d’Alger, le choix de Riyad – par Hatim Bettioui

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Les présidents algérien Abdelmadjid Tebboune et tunisien Kais Saied : Alger, Tunisie, Libye ou la coalition des crises

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Dimanche dernier a marqué un tournant dans le cours des relations arabo-arabes. À Riyad, une réunion au niveau des ministres des Affaires étrangères s'est tenue entre le Conseil de coopération du Golfe, l'Égypte, le Maroc, et la Jordanie (chaque pays séparément). Et à Alger, en marge des travaux du septième sommet du Forum des pays exportateurs de gaz, il a été annoncé un accord tripartite prévoyant une rencontre tous les trois mois entre l'Algérie, la Tunisie et la Libye, dans une des capitales des trois pays.

Les deux réunions mettent en lumière la situation que vit le monde arabe, offrant deux voies ou plutôt deux choix : celui de l'Algérie, et celui de Riyad. Le premier repose sur une coalition avançant sans cohérence et sans stratégie réfléchie et concrète sur le terrain, tandis que le second est celui d'une coalition de pays homogènes sachant ce qu'ils veulent, réunis par leur nature de régimes monarchiques majoritairement jouissant du bien-être, de la sécurité et de la stabilité. L'Égypte, bien que son régime soit républicain, ses vues et sa démarche convergent avec celles des Etats du Golfe, du Maroc, et de la Jordanie sur de nombreuses questions régionales et internationales.

Une coquille vide

L'Algérie tente, à travers ce projet né boiteux en raison de l'absence de Rabat et de Nouakchott, de sortir de son isolement après la détérioration de ses relations avec ses voisins du Sahel et du Sahara, notamment avec le Mali et le Niger. A l’opposé, Rabat, déjà ouvert sur les nouveaux régimes au Mali, au Niger, au Burkina Faso et au Gabon, outre la progression à pas sûrs du projet de gazoduc reliant le Nigeria au Maroc, propose son initiative atlantique qui permettra aux pays du Sahel africain (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad) d’accéder à l'océan Atlantique pour commercialiser leurs produits et réaliser un développement global pour leurs citoyens,. 

Le bloc tripartite est autant une coquille vide ne reposant sur aucune vision politique et stratégique dans une région remplie de défis, qu'une simple manœuvre dans le cadre de la diplomatie de "réaction" adoptée par l'Algérie face aux succès et aux percées diplomatiques marocaines.

La confusion est désormais la marque la diplomatie algérienne, dotée d’une formidable capacité à passer d'un extrême à l'autre. Sa démarche actuelle n’est-elle pas aux antipodes des déclarations, nombreux sont ceux qui s’en souviennent, du ministre des Affaires étrangères algérien Ahmed Attaf qui,l y a quelques mois à la chaîne qatarie "Al Jazeera", exprimait "la volonté de son pays de continuer à construire le Maghreb en accélérant la recherche d'une solution au différend avec le Maroc qui réaliserait la fraternité et la poursuite du rêve maghrébin".

Le bloc tripartite illustre l'adage "un noyé s'accrochant à un autre noyé". Et les observateurs des actions algériennes ne manquent pas de s’interroger sur ce que peut offrir l'Algérie à la Tunisie et à la Libye, sachant que ces deux pays vivent depuis plus d'une décennie des crises économiques, politiques et sociales étouffantes, sachant également que l'Algérie ne se distingue pas par une économie forte, solide et structurée capable d'aider les économies tunisienne et libyenne chancelantes.

Se pose également la question sur la valeur ajoutée que la Tunisie et la Libye pourraient apporter à l'Algérie. La Tunisie ne s'est pas encore relevée des conséquences du prétendu printemps arabe. Elle a choisi de se placer sous l'égide de l'Algérie dans l'espoir de bénéficier d'une solution magique pour sortir de ses difficultés économiques, tandis que la Libye s'est perdue dans le désert de ses divisions, s'éloignant de l'unité depuis le départ du régime du colonel Mouammar Kadhafi, d'autant plus que Mohamed al-Menfi, président du Conseil présidentiel, reste un président honorifique d'un pays où l'est et l'ouest sont en conflit.

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Les espoirs de l'Algérie pour que la Libye, dans sa situation actuelle, joue un rôle positif dans le bloc tripartite ne sont qu'illusion et chimères. Ce pays maghrébin est entré dans un labyrinthe vicieux qui l'a propulsé au milieu de tensions régionales et de conflits externes, difficiles à résoudre pacifiquement, tandis que son système politique actuel repose sur des mécanismes provisoires en attendant une solution internationale pour assurer la sécurité et la stabilité. Pourtant, La Libye ne manque ni de richesses ni de capacités humaines, mais malheureusement la sagesse des parties en conflit lui fait défaut.

En créant une structure alternative à l'Union du Maghreb Arabe, l'Algérie donne l'impression d'avoir définitivement renoncé à cette union, qui vit depuis 2005 dans un état de mort clinique, après l'échec de la tenue du sommet maghrébin à Tripoli. En réalité, l'initiative algérienne a précipité l'enterrement du rêve maghrébin à la mort duquel elle a grandement contribué.

La réunion de Riyad, une alliance locomotive 

Depuis sa création en 1989 à Marrakech, l'Algérie n'a jamais cru en l'Union du Maghreb Arabe autant qu’elle a cru à une union à sa mesure. Elle a toujours promu un "Maghreb des peuples" au détriment d'un "Maghreb des États", espérant y intégrer sa création, la "république Sahraouie" établie depuis 1976 sur son territoire, dans un système maghrébin totalement soumis à elle.

À travers le bloc tripartite, l'Algérie tente également de donner l'impression qu'elle détient la majorité numérique dans la région maghrébine. Parmi les cinq pays formant l'"Union du Maghreb Arabe", qu'elle a paralysée, l'Algérie a capturé la Tunisie et la Libye, cependant que le Maroc et la Mauritanie sont restés en dehors du trio.

L'Union du Maghreb Arabe, lancée le 17 février 1989, porte en elle les stigmates de sa destruction opérée par Alger, lestant ainsi la vitesse du train de l'union pour que jamais il n’atteigne son but.

Comment parler sérieusement d’une Union du Maghreb Arabe alors que l'Algérie accueille sur son sol des milices armées (Front Polisario) avec les armes les plus sophistiquées et ne cesse de provoquer le Maroc et de nuire à son intégrité territoriale au nom d’un prétendu "droit du peuple sahraoui à l'autodétermination". Comment l'Algérie réagirait-elle si le Maroc accueillait sur son sol un mouvement pour l'autodétermination de la région de Kabylie (le MAK) réclamant l'indépendance et l'armait pour lancer des attaques contre elle ?

Dans ce tourbillon qui tire vers le vas et les pire, les pays du Golfe, l'Égypte, le Maroc et la Jordanie avancent sur une même voie, avec des rythmes harmonieux et homogènes malgré quelques divergences de positions et de points de vue.

Le roi marocain Mohammed VI a résumé la relation de son pays avec les pays du Golfe dans un discours prononcé lors du sommet du Golfe à Riyad en avril 2016, soulignant que "Malgré les distances géographiques qui nous séparent, nous sommes unis par des liens forts qui ne reposent pas seulement sur la langue, la religion et la civilisation, mais aussi sur l'adhésion aux mêmes valeurs, principes et orientations".

Il a ajouté que "le partenariat entre le Maroc et les pays du Golfe n'est pas le fruit d'intérêts conjoncturels ou de calculs éphémères, mais tire sa force de la foi sincère en notre destin commun et de la concordance des points de vue sur nos questions communes".

L'état actuel du monde arabe nécessite une réévaluation des mécanismes des institutions de l'action arabe commune. La Ligue des États arabes, dans son état actuel, appartient au passé et n'est pas adaptée aux changements que connaissent les relations arabo-arabes.

Et peut-être que la scène, telle qu'elle s'est présentée dimanche à Riyad et à Alger, nécessite une action rapide pour renforcer l'alliance entre les pays du Golfe, l'Égypte, le Maroc et la Jordanie. Cette alliance est capable à elle seule de servir de locomotive et de créer de nouveaux mécanismes pour le travail commun entre les pays arabes proches et harmonieux, qui aspirent à un meilleur avenir basé sur la confiance, la compatibilité et le respect mutuel.

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D’après Annahar al-arabi

 

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