Dominique Versini, le combat de toute une vie d’une française de Rabat - Par Mustapha JMAHRI

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Dominique Versini quitta le Maroc, à 18 ans, après l’obtention de son baccalauréat. Partie avec sa mère elles s’installèrent à Gennevilliers. Elle vécut mal ce changement de pays

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Dans J’ai rêvé d’un monde plus juste (Flammarion, 2025), Dominique Versini livre un récit puissant mêlant parcours personnel et engagement public. Mustapha Jmahri raconte le livre d’une native du Royaume du soleil.  De son enfance modeste au Maroc à ses responsabilités politiques en France, l’ancienne Défenseure des enfants retrace trente années de lutte contre l’exclusion, la pauvreté et l’injustice sociale. Un témoignage vibrant d’une femme d’action au service des plus fragiles.

De Rabat à Paris : l’enfance lumineuse, le choc de l’exil

Le livre de Dominique Versini, J’ai rêvé d’un monde plus juste, (Flammarion, 2025) est dense par ses sujets, ses réflexions, par les faits racontés et les exemples cités. Dans cet ouvrage, écrit avec force et passion, deux pistes émergent en parallèle : l’histoire personnelle et l’histoire globale. Mais ces pistes ne sont pas parallèles, elles sont convergentes en une personne et une destinée :  le combat d’une femme contre la pauvreté et l’exclusion sur les 30 dernières années en France.

J’ai eu le plaisir de rencontrer l’auteure à El Jadida, venue de France, pour la première fois dans cette ville, le 19 avril 2025. Native de Rabat, cette femme politique française était accompagnée par Daniel Delanoë, fils du mazaganais Guy Delanoë, d’une famille bien connue à El Jadida. Dominique Versini m’a dédicacé son ouvrage par ces termes : « À Mustapha Jmahri, le récit de vie et d’engagements d’une Rabatia de cœur ». Autre raison pour que je me penche à sa lecture

Née en 1954, Dominique Versini a connu la pauvreté avec sa mère célibataire « fille-mère » issue d’une famille corse de fonctionnaires installés au Maroc au temps du protectorat. Cette dernière, Xavière Versini, avait été rejetée par sa famille à la naissance de Dominique. Elle survivait avec sa fille grâce à un petit salaire de dactylo à la Province de Kénitra et l’aide d’un « vieux colon » qui exploitait une ferme dans le Gharb et leur livrait des fruits, légumes et œufs à profusion. Xavière parlait l’arabe couramment du fait de son enfance passée dans la médina de Rabat. Elle avait beaucoup d’ambition pour sa fille qui poursuivit des études brillantes au lycée Lalla Aïcha. 

UNE TRAJECTOIRE POLITIQUE AU SERVICE DES PLUS VULNERABLES

Dominique Versini quitta le Maroc, à 18 ans, après l’obtention de son baccalauréat. Partie avec sa mère elles s’installèrent à Gennevilliers. Elle vécut mal ce changement de pays. À Rabat, malgré la précarité sociale, elles habitaient en plein centre-ville dans un bel immeuble près de l’avenue Mohamed V, alors qu’à Gennevilliers tout était triste dans le HLM qui leur avait été attribué après avoir été sans domicile fixe durant plus d’un an et avoir partagé la petite chambre d’étudiante de Dominique sur le campus de Nanterre entouré de bidonvilles. Elle écrit : « J’avais une nostalgie infinie du Maroc, mon pays de lumières et de soleil ». Néanmoins, Dominique Versini fait ses études de droit à Nanterre et parfait sa formation politique à Sciences Po Paris. Après avoir commencé par travailler dans une entreprise pharmaceutique, elle rencontre le docteur Xavier Emmanuelli et cofonde avec lui à 39 ans, en 1993, le SAMU social de Paris, un dispositif d’urgence qui va au-devant des clochards à la rue pour les mettre à l’abri et leur apporter des soins.

Son combat pour un idéal va la mener loin, Dominique Versini qui a été repérée par Jacques Chirac qui a soutenu la création du Samu social lorsqu’il était Maire de Paris, va devenir secrétaire d'État de 2002 à 2004 au sein des premier et deuxième gouvernements de Jean-Pierre Raffarin, puis Défenseure des enfants du 29 juin 2006 au 30 avril 2011. Jamais encartée, Dominique Versini va porter différentes causes sociales et humanitaires avec des personnalités de droite comme Jacques Chirac puis de gauche. Depuis le 5 avril 2014, elle est élue à Paris et adjointe d’Anne Hidalgo, maire de Paris, chargée de la solidarité, des familles, de la petite enfance, de la protection de l'enfance, de la lutte contre les exclusions et des personnes âgées.

Face à la crise de l'accueil des réfugiés de 2015, elle crée, en partenariat avec l'association Emmaüs Solidarité et l'État, deux centres d'accueil humanitaire. Et s'oppose à la mise en place par le gouvernement d'un fichier biométrique pour les mineurs non accompagnés créé dans le cadre de la Loi asile et immigration du 10 septembre 2018. Elle lance cette même année la Nuit de la Solidarité pour recenser le nombre de personnes sans abri et crée de nombreux lieux d’accueil pour les femmes à la rue ainsi que les familles avec enfants.

Chaque page du livre de Dominique Versini donne au lecteur le sentiment que pour les plus exclus de nos sociétés rien n’est facile et que les enfants – y compris elle-même – restent marqués à jamais par les mauvaises conditions de vie qui leur sont imposées et les violences qu’ils subissent. Elle se bat pour que tous les enfants puissent être protégés et faire des études leur permettant de s’épanouir, qu’ils soient natifs de France ou de l’étranger. Selon l’auteure, le combat demeure l’unique voie pour transformer la réalité face à une injustice sociale persistante.

 

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