chroniques
Les institutions
Le dialogue social est avant tout une question de culture et un art qui s’apprend. Il suppose une adhésion forte aux principes de la démocratie et un attachement solide aux valeurs de la justice sociale
Le développement d’un pays se mesure de plus en plus par la qualité de ses institutions. Avoir des institutions fortes, crédibles et réellement représentatives est un facteur de stabilité politique, de paix sociale et d’attractivité à l’international. C’est pour cela que le « capital institutionnel » est considéré de plus en plus comme une source de richesse, fut-elle immatérielle, au même titre que le capital physique ou le capital humain.
Les institutions constituent en quelque sorte les piliers et les fondements de l’Etat. Un Etat fort nécessite des institutions fortes. Et tout affaiblissement de ces dernières affaiblit, par voie de conséquence, l’Etat dans son fonctionnement et le rend vulnérable face aux turbulences et aux crises sociales aigues.
Ce sont les partis politiques, les organisations syndicales et la société civile dans sa diversité qui jouent le rôle d’intermédiaires entre la population et l’Etat. Pour ne parler que des syndicats, dont le rôle est bien défini par la Constitution (art.8), on ne comprend pas bien les raisons du « blocage » du dialogue social et ce malgré l’appel de SM le Roi à l’institutionnalisation de ce dialogue. Pour rappel, le Souverain, dans Son discours prononcé à l’occasion de la célébration de la fête du trône en juillet dernier a appelé à « œuvrer avec célérité à l’aboutissement du dialogue social ». Et le Roi de poursuivre : « Nous exhortons les différents partenaires sociaux à tenir compte de l’intérêt supérieur du pays et à faire preuve de sens des responsabilités et d’esprit de consensus pour procéder à l’élaboration d’un pacte social équilibré et durable, à même de rehausser la compétitivité de l’entreprise et de renforcer le pouvoir d’achat des travailleurs dans les secteurs public et privé ».
Il faut bien le souligner, ce blocage n’est dans l’intérêt de personne. S’il persiste, il conduirait à des crispations et ouvrirait la voie sur l’inconnu en affaiblissant davantage les syndicats qui ne se trouvent pas en bonne posture, à l’instar, du reste, des autres corps intermédiaires. L’affaiblissement des syndicats serait mauvais pour le pays et créerait un vide difficile à combler. Le gouvernement, Son Chef en premier lieu, doit faire preuve d’ouverture d’esprit et de capacité d’écoute pour ramener de nouveau les partenaires sociaux à la table des négociations sur la base de propositions défendables et soutenables. Au Chef de Gouvernement, dans l’esprit de la volonté royale précédemment soulignée, de trouver l’équilibre nécessaire entre les impératifs de la compétitivité de l’économie et les nécessités de l’amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs dans les secteurs public et privé. L’efficacité économique et la justice sociale ne sont nullement antinomiques. Au contraire !
Cependant, on ne peut pas négocier d’une façon sereine en restant cramponné sur des positions figées et inamovibles : négocier c’est par définition, faire preuve de souplesse pour avancer dans le sens de trouver des compromis et aboutir à un modus vivendi. Ainsi, chaque partie est appelée à lâcher du lest. La politique du « tout ou rien » prônée par certains syndicats n’a jamais été concluante. La position du gouvernement selon laquelle « à prendre ou à laisser » s’apparente à une provocation et suscite une réaction systématique de rejet. Sans parler de l’attitude frileuse du patronat qui reste prisonnier dans une logique étriquée de compétitivité! Entre ces différentes approches et positions, il y a un espace de « jeu démocratique » pour que chaque partie fasse valoir son argumentaire. Dans l’intérêt bien compris du pays.
Par ailleurs, et cela est important, tout dialogue suppose que les parties concernées définissent de commun accord une méthodologie de travail et se mettent d’accord sur une feuille de route avec obligation de résultat. A ma connaissance, cela ne s’est jamais produit si ce n’est en des termes évasifs et approximatifs. Ce qui explique, en partie, les blocages qui se produisent fréquemment. Surtout quand on est sur le point de boucler l’accord, comme cela a été le cas lors des négociations d’avril 2016. Depuis, on n’a pas avancé d‘un iota. Le dialogue social est avant tout une question de culture et un artqui s’apprend. Il suppose une adhésion forte aux principes de la démocratie et un attachement solide aux valeurs de la justice sociale. Il est utile enfin de rappeler ce proverbe de chez nous : « qui veut tout perd tout»
Œuvrons donc pour l‘aboutissement de ce dialogue afin de sortir le pays de cette morosité ambiante. Hic et nunc !!