Quelles perspectives encore pour le PAM ? Par Bilal TALIDI

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La dirigeante du PAM Fatima-Zahra El Mansouri (G), à l’image du secrétaire général du PAM, Abdellatif Ouahbi (D), n’a pas soufflé mot sur ses. Intentions pourla direction du parti à l’issue de son très prochain congrès

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Le Parti authenticité et modernité (PAM) tiendra, le week-end prochain, son 5ème congrès national avec une seule préoccupation: qui sera le secrétaire général du deuxième parti du gouvernement ?

Je scrute depuis un bout de temps les déclarations de l’actuel patron du PAM, Abdellatif Ouahbi au sujet des enjeux du prochain congrès, mais dans ses propos aucune perception politique ou une quelconque déclinaison de ce que pourrait être la prochaine étape. L’homme ne s’est jusqu’ici prononcé ni pour ni contre un nouveau mandat, alors que la commission préparatoire du congrès a annoncé l’ouverture des candidatures. Il se préserve certainement pour le sprint final. 

La dirigeante du PAM Fatima-Zahra El Mansouri n’a pas non plus soufflé mot sur ses intentions, préférant laisser les choses aux maîtres de Céans, elle, qui délègue, disent ses détracteurs dans les coulisses du PAM et de son département, la gestion de presque tous les dossiers en lien avec ses missions de ministre de l'Aménagement du territoire national, de l'Urbanisme, de l'Habitat et de la Politique de la ville, et de Maire de la ville de Marrakech.

Les voix des opposants potentiels au secrétaire général sortant sont restées tout autant muettes, hormis  quelques escarmouches sur les réseaux sociaux et des déclarations sibyllines de son prédécesseur Abdelhakim Benchamass dans lesquelles, évoquant les poursuites judiciaires à l’encontre de certains dirigeants du PAM dans l’affaire dite « Escorbar du Sahara », il a tiré à boulets rouges indistinctement sur l’ensemble du paysage politique. 

Dans sa critique, M. Benchemass a dilué les reproches qu’il fait à son propre parti dans celles qu’il fait à l’ensemble des autres composantes du paysage politique, se limitant à constater que le PAM passe par une crise aigüe liée, selon lui, à une gangrène politique venue se greffer à une nécrose morale.

Les connaisseurs des arcanes du PAM savent que M. Benchamass, après avoir accordé une longue période de grâce à l’actuelle direction du parti, cherche un « placement », surtout après qu’une nomination espérée à la Cour constitutionnelle n’a pas été au rendez-vous. Ses détracteurs et ceux opposés à son retour, par ailleurs fort improbable, avancent qu’il n’est pas le mieux placé pour parler de morale et de relation entre argent et pouvoir.

L’ancien secrétaire général du PAM, Ilias El Omari, observe de son coté un silence inhabituel chez lui. N’ayant encore rien démontré à travers son retour au secteur du journalisme avec lequel il avait flirté un temps, il s’est abstenu pour l’instant de toute critique du parti, comme s’il avait conclu un engagement à ne plus jamais revenir à la direction du PAM et à ne plus s’approcher de son bureau politique.

Le crise politique avec son corolaire moral qui secoue le PAM suite à l’affaire ‘’Escobar du Sahara’’,  même si le parti ne peut y être impliqué en tant qu’entité, a brouillé toutes les cartes, si bien que plus personne n’est apparemment en mesure de décrypter le message, si message il y a, avec précision, et encore moins de cerner l’actuel vocation de ce parti et son devenir, la voie étant ouverte sur toutes les hypothèses. Certains conjecturent que le message derrière ce séisme est d’acter « la fin du PAM », peu probable pour l’instant, tandis que d’autres soutiennent que le message consiste à confirmer que « l’initiative est entre les mains de qui de droit » et que toute velléité de passer outre serait une aventure périlleuse aux conséquences incalculables.

En réalité, l’analyste politique ne dispose pas d’outils ou d’une grille de lecture permettant de sonder et d’anticiper l’avenir du PAM. A moins d’une semaine du congrès national, la direction tout comme les bases du parti semblent dans une situation d’attentisme déstabilisante. Vue de l’extérieur, l’ambiance froide de la préparation du congrès, coupléé à l’immobilisme et aux hésitations qui entourent les aspects organisationnels, politiques et communicationnels, outre l’absence d’un nom, d’un projet, d’un enjeu ou même d’un slogan pour ce congrès, laissent transparaitre que les temps sont à l’incertitude. 

le monde semble attendre un signal de quelque part pour ajuster l’angle de tir et préciser le cap. En l’absence de l’inspiration ou du retard de son accomplissement, les dirigeants, sans négliger ce que cette attitude peut recouvrer de tactique, semblent perdre jusqu’à la capacité d’annoncer leurs intentions de candidater, voire de présenter officiellement leurs candidatures.

L’analyse de ces aspects politiques et organisationnels du PAM n’a d’importance, ici, que du fait qu’elle permet d’éclairer la situation d’expectative qui prévaut au sein du parti. Mais l’attention est encore une fois axée sur l’analyse de la mission que pourrait assumer cette formation dans un avenir proche, pour essayer de savoir si elle est encore nécessaire au paysage politique marocain.

En effet, le lancement en 2008 du « Mouvement pour tous les démocrates » et sa transformation rapide en PAM, a été animé par une mission précise : combler le vide laissé par les partis de la Koutla démocratique de par leur incapacité à créer un équilibre politique face au poids des islamistes. Les élections de 2007 ont permis de secouer le cocotier et d’ouvrir la perspective de remodelage du paysage politique par la création d’un parti proche de l’autorité, en mesure de répondre au scénario de « l’hégémonie des islamistes ».

Dans le sillage du Mouvement du 20 février, l’enjeu a changé de camp, les cercles du pouvoir ressentant alors le risque de l’option « parti de l’autorité ». L’intelligence politique a dicté à ce moment la prise d’une certaine distance avec le PAM tout en lui préservant sa fonction et mission initiales : contenir la poussée islamiste.

Le mandat d’Ilyas El Omari a incarné l’apogée de cette fonction, celle de la confrontation frontale avec les islamistes. Mais le scrutin de 2016 a révélé les limites de cette recette et l’inefficience de la méthode avec laquelle cette confrontation a été menée. Il en a résulté un paysage politique en quasi jachère qui a, contre toute attente, profité au PJD en dépit d’une forte présence de cinq ans, pas toujours probante, au gouvernement.

Beaucoup attendaient du mandat de M. Ouahbi une transformation sui generis ou une phase de révision interne au parti, sans avoir besoin du coup de pouce de l’autorité. Lui-même prêchait ouvertement pour une son autonomisation. Son profil convenait d’ailleurs parfaitement à la nouvelle fonction du PAM ; à savoir débarrasser le parti de son image ‘’parti du pouvoir’’ à laquelle a contribué avec succès Abdalilah Benkirane à travers le fameux slogan de la lutte contre ‘’attahakoum’’, et favoriser sa normalisation avec le paysage politique, tout en maintenant son créneau de ‘’contonment’’ des islamistes.

Tout le monde était parfaitement conscient que le fait de tourner la page du passé du PAM, et corollairement de sa mise à niveau pour une éventuelle normalisation avec le paysage politique, passait nécessairement à l’époque par l’établissement de nouvelles relations avec le Parti de la justice et du développement (PJD), et plus précisément avec son secrétaire général Abdalilah Benkirane qui s’est opposé avec acariâtretés au PAM. D’ailleurs, c’est la mission que M. Ouahbi s’est attelé à accomplir en multipliant les visites à M. Benkirane chez-lui pour tisser des relations humaines de nature à faciliter la normalisation avec le PAM.

Aujourd’hui, la scène politique se trouve à l’orée de deux paradigmes majeurs, où ni les islamistes participationnistes constituent une force qui requiert un contrepoids, ni le PAM lui-même a besoin d’accomplir une mission de normalisation. Le paysage politique, dans son ensemble, n’a plus besoin d’une confrontation électoralo-idéologique avec les islamistes du PJD, faisant perdre du coup au PAM une bonne partie de sa raison d’être. Se pose dès lors la question de son utilité ? Aura-t-il pour fonction de rivaliser avec d’autres formations similaires et de servir de régulateur au sein des élites que l’on qualifie habituellement ‘’ des élites du pouvoir’’ pour qu’aucun camp n’étende son hégémonie sur l’ensemble ? Ou sera-t-il appelé à libérer les notables pour les renvoyer à leurs fiefs de départ ?

Pratiquement, une bonne partie d’entre eux ont déjà quitté d’eux-mêmes le navire le jour où le Rassemblement national des indépendants a été donné vainqueur des élections de 2021.  Il en subsiste néanmoins du PAM l’image d’un parti proche de des autorités qui, n’ayant plus la contrainte à court terme de remporter des élections, n’abandonne pas pour autant l’ambition d’occuper un jour les avants postes du gouvernement.

Avec l’affaire « Escobar du Sahara » et les poursuites engagées contre des figures considérées, à tort ou à raison, comme proches de l’autorité, un exode ou un gel de plusieurs ‘’piliers’’ du parti demeurent probables et affaibliraient considérablement les chances du PAM de rester, en attendant de meilleurs jours, un acteur de premier plan. Ceci étant, on ne se bouscule pas non plus à son portillon. 

Attentisme donc à la veille du congrès national, inexistence de tout enjeu politique et hésitations des dirigeants à annoncer leurs couleurs, autant d’indicateurs qui révèlent, au fond, l’absence d’une réponse définitive sur l’avenir du PAM, ou, plus précisément, l’existence d’une divergence de points de vue entre ceux qui plaident pour la fin immédiate du rôle du parti et ceux qui appellent à son maintien mais en retrait en perspective des éclaircies à venir. Dans les deux cas de figure, le poste de secrétaire général tout comme le projet politique du parti ne sont pas d’une urgence brûlante. Que M. Ouahbi parte ou qu’il reste n’aura d’incidence notable qu’au vu du besoin d’un gouvernement en attente d’un remaniement qui se fait désirer.

 

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