Culture
Cinéma, mon amour de Driss Chouika: « GOOD WILL HUNTING », UN CONTE SUR LA VULNÉRABILITÉ ET LA RÉHABILITATION

Bien plus qu’un simple drame psychologique, "Good Will Hunting" est traité dans la pure tradition de Gus Van Sant, c’est-à-dire avec une approche intimiste et humaniste, donnant vie à une histoire d’une sensibilité remarquable, évitant les clichés du "génie incompris"
Véritable hymne à la rédemption et à la vulnérabilité masculine, Good Will Hunting, Pour Driss Chouika, transcende le simple drame psychologique par la finesse de son écriture, la justesse de ses interprètes, et l’approche profondément humaniste de Gus Van Sant. Vingt-sept ans après sa sortie, le film reste un chef-d'œuvre inaltéré sur le génie blessé, la douleur tue et la puissance libératrice de la parole.
« Quand j'ai lu le scénario, j'ai été frappé par sa sincérité. C'était une histoire sur la vulnérabilité, sur un gars qui était incroyablement intelligent mais complètement bloqué émotionnellement. Et c’était aussi une histoire sur la façon dont les autres essaient de le sauver – ou du moins, essaient de l’aider à se sauver lui-même ».
Gus Van Sant.
Sur un scénario de Matt Damon et Ben Affleck, qui y interprètent également des rôles principaux aux côtés de Robin Williams, “Good Will Hunting“ (1997) est le premier film de Gus Van Sant dont il n’a pas écrit le scénario. Grand succès à la fois critique, populaire et commercial, le film a remporté deux Oscars (Meilleur scénario original et Meilleur acteur dans un second role pour Robin Williams), et une grande quantité de distinctions dans des festivals prestigieux dont u nun double Ours d’Argent pour le scénario et l'interprétation de Matt Damon à la Berlinale 1998, un Golden Globe pour le meilleur scénario original également, entre autres. Le réalisateur avait d’ailleurs bien confirmé avoir bien été particulièrement impressionné par la grande qualité du scénario : « Quand j'ai lu le scénario, j'ai été frappé par sa sincérité. C'était une histoire sur la vulnérabilité, sur un gars qui était incroyablement intelligent mais complètement bloqué émotionnellement. Et c’était aussi une histoire sur la façon dont les autres essaient de le sauver – ou du moins, essaient de l’aider à se sauver lui-même ».
Bien plus qu’un simple drame psychologique, "Good Will Hunting" est traité dans la pure tradition de Gus Van Sant, c’est-à-dire avec une approche intimiste et humaniste, donnant vie à une histoire d’une sensibilité remarquable, évitant les clichés du "génie incompris" pour livrer un portrait profondément humain. L’histoire est basée sur la vie de Will Hunting, un Génie mathématique mais émotionnellement prisonnier dans un état profondément maladif. C’est un jeune homme au QI exceptionnel, capable de résoudre des problèmes mathématiques complexes que même de brillants professeurs peinent à maîtriser. Pourtant, il travaille comme balayeur et passe ses soirées dans les bars du Sud de Boston avec ses amis. Ainsi le paradoxe de Will réside dans son incapacité à se libérer de ses propres démons. Bien qu’il possède une intelligence analytique hors norme, il est émotionnellement bloqué par un passé marqué par la violence et l’abandon.
UN CONTE SUR LA VULNÉRABILITÉ ET LA RÉHABILITATION
Le réalisateur avait reconnu que les scénaristes-comédiens, Matt et Ben, « avaient une telle compréhension de leur personnage et de l’histoire. Ils avaient écrit quelque chose de très personnel, et ça se sentait dans chaque scène. En tant que réalisateur, mon travail était de ne pas trop intervenir, de laisser leur écriture et leurs performances briller ». Mais cette reconnaissance n'empêche pas l’évidente présence de la maîtrise technique et esthétique du réalisateur qui explore avec finesse les thèmes du potentiel inexploité, des traumatismes passés et de la rédemption à travers ce personnage de Will Hunting, un surdoué des quartiers populaires de Boston. Gus Van Sant a réussi, dans la lignée de son approche humaniste particulière, à présenter une sorte de conte moderne sur la vulnérabilité et la réhabilitation.
Le film montre brillamment que l’intelligence ne suffit pas à construire une vie épanouie. Will utilise son esprit comme une forteresse, repoussant ceux qui tentent de le comprendre, y compris la psychologue Skylar (Minnie Driver), qu’il sabote par peur de l’abandon. La rencontre entre Will et le professeur Sean Maguire (Robin Williams), un psychologue atypique, marque un tournant dans le film. Contrairement aux autres figures d’autorité, Sean ne se laisse pas impressionner par l’intellect de Will. Il le confronte à ses mécanismes de défense, révélant une vulnérabilité que Will refuse d’admettre. Et le réalisateur lui-même reconnaît l’immense apport du comédien Robin Williams à la réussite du film : « Robin avait cette capacité à passer de l’humour à une émotion brute en quelques secondes. Dans les scènes avec Matt, il y avait une alchimie incroyable. Il improvisait beaucoup, et certaines de ses répliques les plus mémorables ne figuraient même pas dans le script original ». La scène du parc, où Sean répète à Will que "Ce n’est pas ta faute… Ce n’est pas ta faute ", représente l’un des moments les plus poignants du film. Elle symbolise à elle seule la démolition du mur émotionnel que Will avait construit autour de lui.
Il est aussi à noter que le film soulève également des questions sociales, opposant deux mondes contradictoires : celui de l’élite universitaire (représentée notamment par le professeur Lambeau, joué par Stellan Skarsgård) et celui des quartiers ouvriers de Boston. Si Lambeau voit en Will une opportunité, un prodige à exploiter pour renforcer sa propre réputation, Sean en revanche, bien qu’issu du même milieu que Lambeau, comprend parfaitement que Will a besoin d’une orientation humaine, pas seulement académique.
Après près de trois décennies de sa première sortie, “Good Will Hunting“ demeure un film à voir avec un plaisir cinéphile sans cesse renouvelé.
FILMOGRAPHIE DE GUS VAN SANT (LM)
« Mala noche » (1985) ; « Drugstore » (1989) ; « My Own Private Idaho » (1991) ; « Even Cowgirls Get the Blues » (1993) ; « To Die For » (1995) ; « Good Will Hunting » (1997) ; « Psycho » (1998) ; « Finding Forrester » (2000) ; « Gerry » (2002) ; « Elephant » (2003) ; « Last Days » (2005) ; « Paranoid Park » (2007) ; « Harvey Milk » (2008) ; « Restless » (2011) ; « promised Land » (2012) ; « The Sea of Trees » (2015) ; « Don’t Worry, He Won’t Get Far on Foot » (2018).