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Tensions diplomatiques autour des Afrikaners : Pretoria dénonce une manœuvre politique américaine

Dimanche soir, un premier groupe d’Afrikaners a quitté l’aéroport OR Tambo de Johannesburg à bord d’un vol charter vers les États-Unis
La décision de Washington d'accorder un statut de réfugié spécial à des Afrikaners sud-africains relance les tensions entre les États-Unis et l'Afrique du Sud. Pretoria y voit une manœuvre politique visant à discréditer son régime, tandis que les premiers départs de familles blanches vers l'Amérique ravivent le débat sur la justice raciale et la souveraineté.
Une réinstallation controversée sur fond de loi agraire
Le gouvernement sud-africain a exprimé de vives inquiétudes, vendredi 9 mai, après l'annonce du traitement accéléré, par les États-Unis, de demandes d’asile émanant d’Afrikaners blancs. Ces derniers bénéficieraient prochainement d’une réinstallation sur le sol américain dans le cadre d’un « statut spécial de réfugié », selon le ministère des Relations internationales et de la Coopération de Pretoria.
Dans un communiqué officiel, les autorités sud-africaines ont dénoncé une initiative « motivée par des considérations purement politiques », accusant Washington de chercher à remettre en cause la démocratie constitutionnelle sud-africaine. L’élément déclencheur semble être l’adoption récente par Pretoria de la Loi sur l’expropriation des terres, perçue par plusieurs observateurs comme une mesure de discrimination raciale injuste envers les fermiers blancs, descendants des colons hollandais du XVIIe siècle.
Cette loi, qui autorise l’État à exproprier sans compensation des terres à redistribuer aux communautés historiquement défavorisées, divise profondément. Le président américain Donald Trump, très critique à l’égard de cette réforme, a publié sur sa plateforme Truth Social : « Tout agriculteur d’Afrique du Sud, cherchant à fuir ce pays pour des raisons de sécurité, sera invité aux États-Unis avec une voie rapide vers la citoyenneté. »
Les premiers départs et la position de Pretoria
Dimanche soir, un premier groupe d’Afrikaners a quitté l’aéroport OR Tambo de Johannesburg à bord d’un vol charter vers les États-Unis. Ces départs font suite à un décret signé par Donald Trump en février, ordonnant aux services gouvernementaux américains d’accorder un traitement prioritaire à ces demandeurs d’asile.
La réaction de Pretoria ne s’est pas fait attendre. Chrispin Phiri, porte-parole du Département sud-africain des Relations internationales, a confirmé que l’Afrique du Sud n’entraverait pas les départs volontaires : « Bien que nous contestons les évaluations américaines sur le statut de réfugié, nous respectons la liberté de circulation de nos citoyens. »
Toutefois, les autorités sud-africaines soulignent que les allégations de persécution des fermiers blancs ne sont appuyées par aucune donnée tangible. Selon le ministère, « les statistiques de la police ne corroborent pas les accusations de crimes ciblés à l’encontre d’une ethnie spécifique ou d’une classe sociale ».
Un malaise grandissant entre deux partenaires stratégiques
Les tensions autour de cette affaire ne sont pas seulement humanitaires, mais aussi diplomatiques. Vendredi, un entretien a eu lieu entre le vice-ministre sud-africain Alvin Botes et le Secrétaire d’État adjoint américain, Christopher Landau. Si les détails de l’échange n’ont pas été rendus publics, la presse sud-africaine évoque une tentative d’apaisement face à un contentieux à la portée symbolique et politique majeure.
Selon certaines sources, des dizaines de milliers d’Afrikaners auraient déjà manifesté leur intérêt pour le programme américain, s’inscrivant auprès de l’ambassade à Pretoria. Cette situation pourrait créer un précédent diplomatique délicat, alors que l’Afrique du Sud est régulièrement citée comme modèle de coexistence post-apartheid, malgré des inégalités encore criantes.
Ce geste unilatéral de Washington est perçu à Pretoria comme une remise en question de sa souveraineté et une stigmatisation politique. Plus qu’un simple programme d’accueil humanitaire, la décision américaine jette une ombre sur les relations bilatérales, déjà fragilisées par des différends économiques et géopolitiques croissants.