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Chômage au Maroc : une légère baisse globale qui masque des fragilités profondes

Chez les jeunes de 15 à 24 ans, le taux de chômage explose à 37,7%, contre 35,9% un an plus tôt
Malgré une création nette de 282.000 emplois en un an, le marché du travail marocain reste confronté à de profondes tensions, c’est ce qui ressort de la note d’information du Haut-Commissariat au Plan sur la situation du marché du travail au T1-2025. Chômage des jeunes, sous-emploi en hausse, inégalités territoriales : le ralentissement du déséquilibre masque une fracture sociale persistante. On note toutefois le léger redressement du taux d’emploi (de 36,7% à 37,2%) qui montre que la relance post-Covid continue de porter ses fruits.
Création d’emplois en ville, repli en campagne
Variation nette de postes d’emploi entre le premier trimestre de 2024 et celui de 2025 selon les secteurs d’activité économique et le milieu de résidence
Au premier trimestre 2025, le Maroc a créé 282.000 emplois nets, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP). Une performance et une bonne nouvelle en contraste avec la perte de 80.000 postes observée l’année précédente. Ce redressement est tiré exclusivement par les zones urbaines, avec 285.000 créations d’emplois, pendant que le milieu rural en perdait 3.000.
Les emplois rémunérés ont bondi de 319.000 postes, alors que les emplois non rémunérés reculaient de 37.000, signe d’une transformation progressive de l’emploi informel ou familial vers des formes salariées.
Le secteur des services tire à lui seul la moitié de la croissance, avec 216.000 postes créés, notamment dans les services sociaux, le commerce, la finance et les assurances. L’industrie a ajouté 83.000 postes (+6%), tandis que le BTP a créé 52.000 postes. Seule l’agriculture, forêt et pêche est en recul, avec une perte de 72.000 emplois, un signe alarmant pour les zones rurales.
Chômage : une amélioration en trompe-l’œil
Taux de chômage selon les régions au premier trimestre de 2025 (en%)
Le nombre total de chômeurs au Maroc est passé de 1.645.000 à 1.630.000 personnes en un an. Le taux de chômage a légèrement baissé, passant de 13,7% à 13,3%. En milieu urbain, la baisse est plus marquée (de 17,6% à 16,6%), mais le chômage grimpe en milieu rural (de 6,8% à 7,3%).
Ce recul global cache une réalité plus inquiétante : chez les jeunes de 15 à 24 ans, le taux de chômage explose à 37,7%, contre 35,9% un an plus tôt. Les femmes (19,9%) et les diplômés (19,4%) sont également plus touchés que la moyenne.
Si les détenteurs de diplômes de qualification professionnelle ou de cadre moyen enregistrent une baisse de leur chômage, les jeunes diplômés peinent encore à trouver un emploi à la hauteur de leurs compétences.
Sous-emploi : la bombe à retardement
Le sous-emploi, souvent moins visible que le chômage, progresse fortement : 1.254.000 actifs en sont victimes, contre 1.069.000 un an plus tôt. Le taux passe de 10,3% à 11,8% à l’échelle nationale. En milieu rural, il grimpe de 12,5% à 14,8%.
Deux formes de sous-emploi se distinguent : celui lié à une durée de travail insuffisante (6,3%) et celui dû à une inadéquation entre formation et emploi ou à un revenu insuffisant (5,6%).
Tous les secteurs enregistrent une hausse du sous-emploi, mais le BTP est le plus touché (22,6%), suivi par l’agriculture (14,4%).
Inégalités sociales et territoriales persistantes
Casablanca-Settat concentre à elle seule 23% des chômeurs du pays, suivie de Fès-Meknès, de l’Oriental, de Rabat-Salé-Kénitra et de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma. Les régions les plus frappées par le chômage sont l’Oriental (25,2%) et les régions du Sud (23,8%).
À l’inverse, Drâa-Tafilalet (8%) et Marrakech-Safi (8,9%) affichent les taux les plus bas. Mais ces chiffres reflètent parfois une précarité cachée sous un emploi informel ou occasionnel, sans couverture ni stabilité.
Seulement 31,1% des actifs bénéficient d’une couverture médicale, avec un écart saisissant entre le milieu urbain (42,4%) et rural (12,3%).
Un marché en mutation, mais encore vulnérable
Le léger redressement du taux d’emploi (de 36,7% à 37,2%) montre que la relance post-Covid continue de porter ses fruits. Mais le système productif reste trop concentré sur les services, tandis que l’emploi industriel, bien qu’en croissance, reste insuffisant pour absorber le flux des jeunes diplômés.
Le profil de l’actif marocain reste marqué par une forte polarisation : 47% des actifs n’ont aucun diplôme, contre 20% ayant fait des études supérieures. Les femmes (14,8% de taux d’emploi) et les jeunes (33,7% des actifs) restent les plus fragiles.
Face à ces constats, une réforme structurelle du marché du travail, liée à la formation, à la flexibilité de l’emploi et à l’investissement régional, devient urgente.