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Vietnam : 50 ans après la chute de Saïgon, la fierté des soldats du tank 390

La photo prise le 30 avril 1975 à Saigon montre le char 390 des forces de l'armée nord-vietnamienne (ANV) s'emparant du palais présidentiel sud-vietnamien, dernier bastion du gouvernement sud-vietnamien. Lorsqu'ils ont franchi les portes du palais présidentiel de Saigon pour mettre fin à la guerre du Viêt Nam, les jeunes membres de l'équipage du char communiste 390 ont façonné le cours de l'histoire. / AFP)
Il y a 50 ans, le tank 390 fracassait les grilles du palais présidentiel de Saïgon, scellant la fin de la guerre du Vietnam et marquant l’un des tournants les plus symboliques de la Guerre froide. Aujourd’hui, les derniers survivants de cet épisode historique reviennent, avec pudeur et fierté, sur ce moment qui a changé le destin de leur nation. Récit.
Le 30 avril 1975, lorsque le tank 390 a défoncé les grilles du palais présidentiel de Saïgon, son équipage ne pensait pas contribuer à l'un des chapitres les plus glorieux de l'histoire du Vietnam communiste.
"Sur le moment, je considérais le palais de l'Indépendance comme une autre position de l'ennemi, une position qu'on devait éliminer", se rappelle Nguyen Van Tap, le conducteur du char.
"Je n'avais jamais pensé que nous allions faire l'histoire", sourit l'agriculteur à la retraite de 75 ans, qui habite dans la province de Hai Duong, à environ 70 kilomètres à l'est de la capitale Hanoï (nord).
Le pays asiatique se prépare à de grandes festivités mercredi à l'occasion du 50e anniversaire de la chute de Saïgon (aujourd'hui Ho Chi Minh-Ville) que le pouvoir appelle "jour de la réunification" entre le Nord communiste et le Sud pro-américain.
Les trois derniers survivants du tank 390, le quatrième membre étant décédé en 2016, ont assisté en première ligne à cet épisode marquant de la Guerre froide.
Quelques heures avant la dissolution du Vietnam du Sud, leur char T59 de fabrication chinoise a réussi à pénétrer en premier dans l'enceinte du siège de l'administration pro-américaine, malgré un feu nourri et la perte de contact avec leurs supérieurs.
Un autre tank, le 843, un T54 conçu en URSS, avait aussi ouvert les portes du palais, mais sans aller plus loin. Conservés comme des trésors nationaux, les deux blindés sont aujourd'hui exposés dans des musées militaires de Hanoï.
L'histoire officielle a omis, durant deux décennies, la présence du tank 390 jusqu'à ce que des clichés d'une photographe française, Françoise Demulder, révélés dans les années 1990, permette d'établir l'implication d'un deuxième char.
"Tellement fiers"
Son commandant, Vu Dang Toan, s'est longtemps accommodé de l'oubli. Lui-même cachait à ses proches son rôle dans le déroulé de la journée historique.
"Il n'y a pas lieu de se montrer", affirme Toan, 78 ans, à l'AFP, en regardant de vieilles photos de lui avec le tank.
"Nous étions des soldats (...) qui accomplissions notre tâche de combattre (l'ennemi)", observe Toan, dont le salon est aussi orné d'un portrait du leader révolutionnaire Ho Chi Minh -- décédé en 1969, six ans avant la fin de la guerre.
"Beaucoup de nos camarades ont perdu la vie", rappelle-t-il.
Vu Dang Toan a escorté le dernier président sud-vietnamien, le général Duong Van Minh, vers la station de radio où il a lu l'acte de reddition. Après sa retraite de l'armée, en 1985, il cuisinait du tofu pour arrondir ses fins de mois.
Cet épisode a permis au pays de mettre fin à des décennies d'un conflit qui avait commencé après la déclaration d'indépendance par Ho Chi Minh en 1945, et qui s'est traduit par un affrontement d'abord avec les Français puis avec les Américains.
Le Vietnam entretient aujourd'hui des relations nourries avec ses anciens ennemis dans le cadre de sa diplomatie du "bambou", dictée par son pragmatisme commercial.
"Nous avons accompli notre mission", affirme Ngo Sy Nguyen, le premier tireur du tank 390.
"Je suis tellement reconnaissant que l'histoire nous ait fait cet honneur", poursuit l'ancien soldat, depuis sa maison de Hanoï. "Nous sommes tellement fiers d'être des tankistes." (AFP)