L’OCP en question – Par Naïm Kamal

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Mostafa Terrab, Dg de l'OCP

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Une polémique orchestrée ou une légitime critique ? L’attaque de Le360 contre Mostafa Terrab et l’OCP agite les cercles politico-économiques et réveille de vieilles rivalités. Entre rumeurs, luttes d’influence et questionnement sur la vocation de l’Office, Naïm Kamal estime qu’il faut dépasser l’écume de l’actualité pour réfléchir à l’équilibre entre les ambitions.

Par Naïm Kamal

Voilà qu’on oublie tout et on ne parle plus que de ça : l’attaque frontale de Le360, secondée plus tard par quelques sites, contre l’Office Chérifien des Phosphates, et plus exactement contre son directeur général, Mostafa Terrab.

Chronique d’une déflagration médiatique

A la première sortie, on conclut à une escarmouche diversement interprétée. Les plus intéressés s’interrogent, les plus blasés font la moue. Le deuxième article ? Une réplique à une réplique supposément commandée. Au troisième, ce qui était un article prend les allures d’une campagne pamphlétaire contre Mostafa Terrab. Un texte fleuve écrit au lance-flamme.

Disons les choses comme elles le sont : rien dans cette affaire n’aurait pris une telle ampleur n’eut été la personne politico-morale de Le360, et de ce qu’on lui prête.  Même ChatGpt lorsqu’on lui pose la question aboutit à la même conclusion.

Les salons feutrés des deux capitales du Royaume, la politique et l’économique, en manque de sujets palpitants, se mettent rapidement à bruire. La machine à rumeurs s’emballe. Pêle-mêle on évoque une guerre des clans et d’influences, un affrontement entre centres de pouvoir, chemin faisant on croise dans les récits une histoire de terrains fonciers, tandis que d’autres parlent de la main de l’étranger quand ce n’est pas la main invisible alors même, si l’on emprunte cette piste, elle n’est pas si invisible que cela.

Si bien que mardi, jour du conseil des ministres, la rumeur fait état du départ imminent de « l’homme lige » devenu homme cible. Dans le meilleur des cas, on allègue un rappel à l’ordre. Le communiqué du Cabinet Royal sanctionnant le conseil est guetté, à l’affût d’une mention OCP. Rien.

Au Quid, on observe, on se pose des questions, on interroge, on consulte pour à l’arrivée, comme tous, à l’exception des vrais initiés, nous perdre en conjectures. La seule certitude que l’on a alors, c’est que si ce foisonnement de supputations fait choc, il ne fait pas chic.

On comprend aussi que la personnalité de Terrab n’a pas été conçue pour faire l’unanimité, autrement il serait sans aspérités, inintéressant. Que son parcours est enviable. Que sa politique puisse être critiquée. Que son poste fait saliver. Mais, pour reprendre le bon vieil adage, il faut savoir raison garder. Ce haro n’est bon pour personne. Pas plus pour l’OCP que pour l’État auquel il appartient que pour le Maroc auquel nous appartenons tous.

La ligne rouge de la stabilité

On peut apprécier diversement le bilan économico-politico-diplomatico-sociétal de ces vingt dernières années de l’OCP. Mais on ne peut dénier à ce bilan d’avoir sorti l’Office Chérifien d’une longue léthargie en dépit des ‘’pointures’’ qui ont de tout temps présidé à sa destinée. 

Qui se souvient encore de l’OCP, qu’on ne désignait que par ‘’l’Etat dans l’Etat’’ et dont peu de gens osait parler ? Aujourd’hui, il emplit notre quotidien, enrichit nos débats, contribue à notre enseignement, alimente nos articles, et on le retrouve sur bien des créneaux.

C’est notamment ce que certains lui reprochent, estimant qu’il devrait se limiter à son cœur de métier. En revanche, bien d’autres considèrent que c’est précisément la vocation d’un mastodonte économique stratégique.   

L’OCP n’est pas qu’une entreprise : c’est un levier de souveraineté, un pilier industriel, un vecteur d’image. En fragiliser le commandement ou semer le doute sur sa trajectoire, c’est mettre en péril bien plus qu’un homme.

Qu’on le veuille ou non, cette affaire pose une question fondamentale : à l’heure où les États s’appuient sur leurs champions nationaux pour affronter les défis géopolitiques, est-il opportun de les fragiliser de l’intérieur ? Il ne s’agit pas d’éviter la critique, mais de choisir ses moments, ses méthodes, et surtout, ses intentions.

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