IDH 2025 : Ce que le Maroc a gagné, ce qu’il lui reste à construire ! Par Abdeslam Seddiki

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En procédant à un ajustement de l’IDH à travers les inégalités, celui-ci descend à 0,517 au lieu de 0,710, soit une perte de 27,2%. Ce qui place le Maroc parmi les pays les plus inégalitaires du monde

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Si le Maroc célèbre son entrée dans le club des pays à développement humain élevé avec un IDH de 0,710, la route vers un véritable progrès reste semée d’inégalités criantes, de défis éducatifs, économiques et de justice sociale. Pour Abdeslam Seddiki, le dernier rapport du PNUD rappelle que l’heure est moins à l’autosatisfaction qu’à l’accélération des réformes structurelles, dans une vision où l’intelligence artificielle, bien intégrée, pourrait devenir un levier pour un développement plus équitable et inclusif.

Le rapport annuel du PNUD 2025 vient d’être publié le 5 mai dernier. Outre le classement habituel des pays selon l’IDH (Indice du développement humain), le rapport traite d’une problématique d’actualité à savoir l’intelligence artificielle sous le titre « Une affaire de choix : individus et perspectives à l’ère de l’IA ».

Comme toute nouvelle technique, l’IA suscite des espoirs, mais aussi des craintes et des critiques. On le sait, la technologie est rarement neutre, elle peut faire du bien comme elle peut faire du mal. Elle peut servir la vie comme elle peut provoquer la mort.  C’est à cette dichotomie que le rapport du PNUD apporte des réponses pour assurer et dissiper les craintes. Pour les rédacteurs du rapport, c’est d’abord une question de choix des politiques publiques. Dans ce sens, trois orientions sont proposées : bâtir une économie complémentaire entre intelligence humaine et IA ; saisir toutes les opportunités offertes ; investir dans capacités qui comptent le plus pour la société dont principalement l’éducation et de la santé.

Une démarche rassurante.

Le véritable progrès a besoin que ce soient les humains qui tiennent les rênes. Des innovations audacieuses, des investissements intelligents, des institutions inclusives et un engagement à écouter les populations dont l’IA devrait être au service.

« Ensemble, nous bâtissons un avenir où l’IA peut transformer la vie d’une multitude de personnes, et pas seulement de quelques privilégiés. »

Une démarche rassurante qui ouvre des perspectives prometteuses et qui s’inscrivent dans une vision optimiste apportant ainsi une lueur d’espoir pour un monde meilleur et plus juste et une vie décente pour tous les humains.

C’est dans cette vision empreinte d’optimisme qu’il convient d’analyser les données sur le développement humain dans le monde en nous intéressant tout particulièrement à notre pays. 

Le Maroc a -t-il réalisé un progrès sur la voie de son développement humain ? La réponse à cette question est controversée. Oui dans la mesure où l’IDH vient de franchir pour la première fois la barre de 0,700 avec 0,710 plaçant ainsi notre pays dans la catégorie des pays à développement humain élevé. D’ailleurs, c’est cette nouvelle qui a fait la Une de certains média le lendemain de la publication du rapport en criant victoire avec un grand V. Il y a jusqu’à l’ONDH (Observatoire National du Développement Humain) qui s’est fendu d’un communiqué pour saluer l’intégration du Maroc dans la catégorie des pays à développement humain élevé.

La réponse peut être également nuancée dans la mesure où ce progrès en 2023 est somme toute limité même s’il a permis d’améliorer notre classement de 2 points passant de 122 en 2022 à 120 en 2023 sur 193 pays. Au lieu de se fixer sur une avancée, réelle mais limitée, voyons les choses dans leur globalité.

Le Maroc classé parmi les 5 derniers de son groupe.

Précisons tout d’abord que les 193 pays analysés sont répartis en quatre catégories : la catégorie des pays à développement humain très élevé se compose de 74 pays ayant un IDH supérieur à 0,800. Les premiers de la liste enregistrent un IDH voisin de 1 ; la deuxième catégorie, celle qui enregistre un IDH compris entre 0,700 et 0,800, fait partie des pays à développement humain élevé. Elle se compose de 93 pays ; la troisième catégorie concernant les pays à développement humain moyen, compris entre 0,700 et 0,550, se compose de 43 pays ; la quatrième et dernière catégorie se compose des pays à développement humain faible avec IDH inférieur à 0,550, et qui sont au nombre de 26. Le dernier de la liste est le Soudan Sud avec un IDH de 0,388.

Avec un IDH de 0,710, le Maroc fait partie des 5 derniers de son groupe ! Il a dû batailler plus de 30 ans, depuis la publication du premier rapport du PNUD en 1990, pour passer d’un IDH de 0,451 en 1990 à 0,710 en 2023. Le progrès fut lent mais continu et régulier. Il doit absolument passer à une vitesse supérieure s’il tient vraiment à rejoindre les pays avancés sur le développement humain. Car à ce rythme, il lui faudrait attendre encore une trentaine d’années pour y parvenir ! D’ailleurs, la situation actuelle, nonobstant ces progrès timides, est loin d’être réjouissante en comparaison même avec les pays arabes. Ainsi, l’IDH Maroc est inférieur à la moyenne des pays arabes (0,799), de l’Amérique Latine (0,783) et de la moyenne mondiale (0,756).

Les inégalités, un mal social.

Par rapport aux trois composantes de l’IDH : espérance de vie à la naissance, nombre d’années de scolarité, et revenu national par habitant en parité du pouvoir d’achat (PPA), le Maroc n’est pas non plus en bonne posture à l’exception de l’espérance de vie.  Ainsi, le Maroc enregistre une espérance de vie de 75,3 années (77,6 pour les femmes et 73,2 pour les hommes), contre une moyenne des pays arabes de 72,5 et une moyenne mondiale de 73,4. Pour les deux autres composantes, il a encore du pain sur la planche :  le nombre des années de scolarité de 6,2 est nettement inférieur à la moyenne arabe (8,1) et à la moyenne mondiale (8,8) ; il en est de même du PNB/habitant. Avec 8653 $ en PPA, le Maroc dépasse à peine 40% de la moyenne mondiale et 50% de la moyenne arabe. Encore faut-il préciser qu’il s’agit d’une moyenne nationale qui ne tient pas compte des inégalités au niveau de la répartition du revenu.

En procédant à un ajustement de l’IDH à travers les inégalités, celui-ci descend à 0,517 au lieu de 0,710, soit une perte de 27,2%. Ce qui place le Maroc parmi les pays les plus inégalitaires du monde. Dans le même ordre d’idée, Le Maroc pâtit également de l’inégalité genre. Ainsi l’IDH femmes est de 0,642 contre 0,748 pour les hommes. Cette discrimination est due fondamentalement à la différence du revenu entre les deux sexes de 1 à plus de 4, résultant d’un faible taux d’activité des femmes ! Avec un indice de l’inégalité genre de 0,539, le Maroc est classé 113ème au niveau mondial.

Servir et non se servir

Ces données nous incitent à la persévérance et à plus de sérieux. L’amélioration de notre place dans le développement humain passe, il va sans dire, non par des vœux pieux et des discours alambiqués, mais par   la poursuite audacieuse des réformes structurelles, la réduction concrète des inégalités sociales, l’intégration réelle et pleine de la femme dans la vie économique sociale et politique en allant droit vers la parité... Bref, le pays a besoin de sérieux et de l’engagement sincère des responsables à servir les intérêts suprêmes de la nation   au lieu de se servir.   

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