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Assassinat dans une mosquée du Gard : silence politique et indignation à géométrie variable – Par Hassan Zakariaa

Olivier Hadzovic, meurtrier présumé de l'attaque de la mosquée de Grand-Combe, près d'Alès, dans le Gard
Aboubakar Cissé, jeune Malien poignardé à 57 reprises dans une mosquée du Gard, est mort dans un silence glaçant. Deux semaines après les faits, alors que son meurtrier, Olivier H, qui en cavale en Italie, a été extradé et mis en examen en France pour "assassinat à raison de la race ou de la religion", on se perd en tentatives d’explications. Pour Hassan Zakariaa, la quasi absence de réactions politiques et la retenue médiatique interrogent. Et se demande : Que se serait-il passé si l’auteur avait été musulman et la victime chrétienne ou juive ?
Par Hassan Zakariaa
Un crime abominable dans un lieu de culte, relégué aux faits divers
Le 25 avril, dans la petite commune de La Grand-Combe, un homme fait irruption dans la salle de prière de la mosquée Khadidja. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, Aboubakar Cissé, jeune Malien de 19 ans, est sauvagement poignardé à 57 reprises. L’assassin, Olivier H., 20 ans, inconnu des services de police, s’enfuit avant de se rendre trois jours plus tard en Italie.
Deux semaines plus tard, il est extradé vers la France, où il esrt mis en examen pour "assassinat à raison de la race ou de la religion" et placé en détention provisoire. Son avocat évoque une ‘’incapacité à s'exprimer’’, des ‘’troubles psychiatriques’’, et prévient d’emblée : "aucune connotation à caractère terroriste n'a jamais été juridiquement envisagée".
Et c’est justement là que le malaise commence. Comment un crime aussi barbare, commis dans un lieu de culte, sur fond de haine raciste et islamophobe revendiquée, dans une ambiance générale anti musulmane délétère, peut-il être aussi peu considéré comme acte de terrorisme ? Pourquoi si peu de voix se sont élevées, du côté politique comme médiatique, pour condamner cet acte avec la force qu’il mérite ?
Et si les rôles avaient été inversés ?
Imaginons un instant. Un jeune homme musulman, inconnu des services, entre dans une église ou une synagogue et poignarde 57 fois un fidèle juif ou chrétien en pleine prière. Aussitôt, les réseaux sociaux s’embraseraient. Les chaînes d’info se mettraient en boucle. Le ministre de l’Intérieur convoquerait une conférence de presse. Le président twiterait pour dénoncer une "attaque contre la République et ses valeurs".
Avant même que le parquet ne se prononce, le mot "terrorisme" ornerait les unes, suivi d’un torent de es communiqués horrifiés, les "Je suis la victime" en trending topic, des éditos cinglants et une union sacrée pour défendre les valeurs de la France. Mais là ? Rien ou si peu.
On essaye plutô de comprendre, voire d’excuser. On parle de troubles psychiatriques, d'incapacité à lire, d’antécédents familiaux. On fait appel à des expertises. Le mot "terroriste" est soigneusement évité. Ce que certains appellent la "double grille de lecture" est flagrant.
Une mise en examen sous silence, un crime politiquement gênant ?
Pourtant, la mise en examen est explicite : le parquet retient bien "assassinat à raison de la race ou de la religion". Ce n’est pas une rixe, ce n’est pas un délire passager. Il s’agit d’un acte prémédité, motivé par la haine de l’autre. Dans une vidéo tournée le jour du meurtre, le suspect tient des propos racistes et anti-musulmans.
Et pourtant, certains persistent à présenter Olivier H. comme un pauvre jeune homme "isolé", sans passé judiciaire, ni réseau, ni formation, ni emploi. On parle de sa tante musulmane qui l’aurait recueilli, comme pour diluer la portée du crime. Le miaitre-mot ici est atténuation.
À la Grande mosquée de Paris, les obsèques du jeune Aboubakar ont été célébrées en toute discrétion. Peu d’élus, encore moins de ministres. Aucun hommage national. Et surtout, pas de question sérieuse sur ce que ce meurtre dit de l’état de l’islamophobie en France.
Un crime aussi haineux dans une mosquée aurait dû provoquer une onde de choc. Il n’en est rien. Le déni est profond. Il trahit une gêne, voire une peur d’admettre qu’un terrorisme d’extrême droite, même non revendiqué, est possible. Que les incitateurs professionnels à la haine qui étouffent au quotidien l’atmosphère socio-politique de la France sont complices. Mais ce crime-là est gênant. Il ne colle pas au récit habituel. Alors on le marginalise, pn le secondifie.
Le racisme anti-musulman, quand il tue, ne suscite ni journée de deuil national, ni mobilisation politique, ni vague d’indignation. Et pourtant, l’histoire retiendra qu’Aboubakar Cissé a été poignardé 57 fois dans un lieu de culte au même instant où on ne sait de quel désespoir il se plaignait à Dieu.