La gauche en tête, la vague d'extrême droite limitée, pas de majorité absolue, la France plonge dans l’ingouvernabilité 

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Une large coalition de gauche est en tête des élections législatives françaises, devant les centristes du président et l'extrême droite, sans qu'aucun groupe n'obtienne la majorité absolue, selon les projections. (Photo Alain JOCARD / AFP)

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Coup de théâtre en France : les législatives ont placé dimanche l'alliance des partis de gauche en tête selon les premières estimations, devant le camp présidentiel d'Emmanuel Macron et l'extrême droite en troisième position, aucun des blocs n'obtenant la majorité absolue.

Le Rassemblement national (RN, extrême droite) entre en force à l'Assemblée nationale, avec un nombre historique de députés élus (entre 115 et 152), mais reste loin du pouvoir en enregistrant un score décevant par rapport à sa poussée du premier tour.

La France, un pays pilier de l'Union européenne, se retrouve plongée dans l'inconnu, à trois semaines de l'ouverture des Jeux Olympiques.

Avec 172 à 215 députés, selon les premières estimations des instituts de sondage, l'alliance de gauche du Nouveau front populaire (NFP), composée de partis en désaccord sur nombre de dossiers, créé la surprise en devenant la première force.

Un mois après une dissolution en forme de coup de poker décidée par Emmanuel Macron, le camp présidentiel fait preuve d'une résilience inattendue, avec 150 à 180 élus, contre 250 en juin 2022.

Premier à réagir, le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, membre du NFP, a estimé que le Premier ministre Gabriel Attal devait "s'en aller" et l'alliance de gauche "gouverner", ajoutant : "notre peuple a clairement écarté la solution du pire", celle de l'extrême droite.

Jordan Bardella, qui visait les fonctions de chef du gouvernement, a dénoncé de son côté une "alliance du déshonneur" privant les Français d'un "gouvernement de redressement". Selon lui, le RN "incarne plus que jamais la seule alternance".

Le président Emmanuel Macron attendra de connaître la "structuration" de la nouvelle chambre basse du Parlement pour déterminer qui il va appeler pour devenir Premier ministre, a annoncé dimanche soir l'Elysée.

Coalition inédite en vue ? 

Cette tripartition jette la France dans le brouillard, au terme d'un scrutin qui a fortement mobilisé les électeurs avec une participation d'environ 67%, la plus forte depuis 1981. Car faute d'atteindre la barre de 289 députés, synonyme de majorité absolue, ou même de s'en approcher, aucun bloc n'est en mesure de composer seul un gouvernement.

En attendant les chiffres consolidés et les intenses tractations à venir, la nature du prochain gouvernement reste incertaine. Mais le "front républicain", bâti entre les deux tours de ce scrutin pour limiter la vague RN attendue dans l'hémicycle, a clairement porté ses fruits.

Au RN, le sentiment est forcément mitigé. Côté pile, le parti à la flamme et ses alliés engrangent de nouveaux élus à un niveau historique. Côté face, il voit s'évaporer le rêve former un gouvernement, qui aurait été le premier d'extrême droite en France depuis la Deuxième guerre mondiale. Une victoire dont l'objectif était de paver la voie de la conquête du pouvoir par Marine Le Pen à la présidentielle de 2027.

Reste une foule de questions.

Les partis de gauche et le camp macroniste trouveront-ils un improbable accord politique, après deux ans à ferrailler pied à pied ? L'union de la gauche, qui paraît si fragile, survivra-t-elle à ce scrutin ?

Face à une "Assemblée divisée", "il va falloir se comporter en adulte", a jugé Raphaël Glucksmann (gauche). "Il va falloir parler, il va falloir discuter, il va falloir dialoguer", a-t-il ajouté.

La question se pose aussi de la stratégie des Républicains (LR, droite), plongés dans la tourmente après le ralliement de leur chef Eric Ciotti au RN mais qui conservent un contingent d'élus suffisant (57 à 67) pour se présenter comme un pivot à l'Assemblée.

Rassurer les partenaires internationaux 

A trois semaines de l'ouverture des JO qui la propulseront sous les projecteurs du monde entier, la France pourrait aussi s'orienter vers un gouvernement technique, comme celui qui avait sauvé l'Italie de la crise de la dette en 2011. A condition de parvenir à un consensus sur des personnalités.

Dans des conditions si floues, l'actuel Premier ministre s'est déclaré disponible pour assurer la continuité de l'Etat "aussi longtemps que nécessaire".

Le chef de l'Etat sort affaibli de cette séquence. Et la campagne éclair pour les législatives se sera déroulée dans une atmosphère tendue, marquée par des nombreuses agressions de candidats et de militants et une libération de la parole raciste, révélatrices d'une France divisée.

Attendu mercredi au sommet de l'Otan, Emmanuel Macron devra rassurer les partenaires et les milieux financiers sur la stabilité de la France pendant que se multiplieront d'âpres négociations pour les postes clés à l'Assemblée, avant l'ouverture le 18 juillet de la nouvelle législature.

Les législatives françaises ont été scrutées avec attention dans le monde entier, certains pays européens, Allemagne en tête, ayant manifesté à plusieurs reprises leur inquiétude face à la montée de l'extrême droite.

D'autres comme l'Italie de Giorgia Meloni ou la Russie de Vladimir Poutine avaient exprimé, plus ou moins ouvertement, leur satisfaction. (AFP)

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