Dieu préserve la Libye de ses amis de Berlin (Par Naïm Kamal)

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D’un Berlin l’autre ! Berlin 1884 et Berlin 2020. Une manière comme une autre de résumer en une poignée de mots la réunion que la capitale germanique a accueillie pour, d’après ce que l’on a dit, ramener le calme en Libye et restaurer l’Etat libyen plus proche de l’Etat failli que de l’Etat constitué. Et encore, c’est un euphémisme.

C’est peut-être un peu court de faire un véritable parallèle entre la conférence de Berlin de 1884 et la réunion de Berlin de 2020. La première a pris aux protagonistes presque quatre mois de discussions marathoniennes, tandis que la seconde n’a duré qu’une orpheline journée. La première se rapportait au partage de l’Afrique toute entière, la seconde ne concerne que la désolante Libye et les pauvres Libyens. L’hôte de la première était un homme, Otto Van Bismarck, ministre-président du Royaume de Prusse et chancelier de l’Allemagne du Nord. Celui de la seconde est une dame, Angela Meckel, chancelière de l’Allemagne réunifié sous son nom de toujours, la Germanie, une Germanie qui a beaucoup fait parler d’elle au cours du dernier siècle au point de devenir, implacable loi du vainqueur et du vaincu, à elle seule responsable de tous les maux de la terre.

Des acteurs et des figurants

Autour de la table de Berlin 1884, on retrouve à peu près les mêmes grandes puissances qu’aujourd’hui, moins la Chine à l’époque en hibernation : L’Allemagne bien sûr. La France cela va de soi. La Grande Bretagne, une abonnée. La Russie pas encore bolchévique. L’empire Ottoman en attente de son dépeçage à venir. Et les Etats Unis d’Amérique qui n’étaient pas encore l’omnipuissance actuelle et qui déjà disait à tout ce beau monde, vous ne perdez rien à attendre. Comme en 2020, gravitaient autour de ces grands prédateurs, quelques Etats-menu-fretin, tous attendant consciemment ou inconsciemment que l’une ou l’autre de ces puissances les absorbent ou se les partagent. 

Berlin 1884 a été l’avant-goût d’un siècle, le vingtième, dont la première moitié a été la plus meurtrière de tous les temps. Quand on regarde ce qui s’est passé et ce qui se passe depuis, on est contraint de concéder que la prédation et les guerres qui en émanent ne sont pas l’exception. C’est un angle de vue que les pacifistes et autres romantiques peuvent contester à loisirs. Il a l’avantage, cependant, de nous prévenir contre les déceptions que nous causeront certainement en Libye les irrésolutions de Berlin 2020 où les belligérants sur le terrain n’ont même pas posé pour la photo de famille où l’on pouvait admirer les acteurs, les figurants et les futures victimes.  . 

A partir de là, parler pour la Libye de succès ou d’échec de la réunion de Berlin devient superfétatoire. C’est en fait un échec et un succès. Un échec pour la Libye et ses vrais amis, si elle en a, et un succès pour les puissances dont le souci majeur est que ce pays reste un Etat failli sans que cela rejaillisse sur la production et l’exportation du pétrole.