Séisme et stress post-traumatique : La thérapie collective par la participation à la reconstruction

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1957, le Roi Mohammed V et le Roi Hassan II, alors Prince héritier, inspectent le chantier de la Route de l’unité reliant au lendemain de l’indépendance les zones d’occupation française et espagnole

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Par Hassan Zakariaa 

Dans l’ensemble des zones touchées par le séisme d’Al-Haouz, les élèves ont repris leur scolarité. Ce retour en classe est souvent perçu comme un moyen de se défaire du drame ou à défaut d’alléger les séquelles de ce tremblement de terre. Une voie possible aussi pour faire le deuil d’un ou plusieurs proches perdus en moins de temps qu’il ne faut pour le dire par une nuit qui s’annonçait pourtant comme les autres.

Réussir le parcours d’apprentissage n’est plus un projet personnel, mais une envie de mordre dans la vie, de vivre parmi ses pairs d’âge et ses camarades de classe les moyens d’un oubli difficile mais nécessaire. On entre là dans une phase de post traumatisme qu’il faudra gérer individuellement et collectivement, sans rien perdre de la mémoire de ceux qui ont disparu. 

On peut se donner l’air, persister dans une forme de sidération qui risque de cacher les symptômes du trouble de stress post-traumatique qui ne manquera pas se développer chez de nombreuses victimes qui ont été exposées à cet événement traumatisant. Dépression, anxiété, troubles du sommeil et d’alimentation les menacent. Mais pas seulement. Des problèmes de santé physiques, sociaux et Relationnels et des comportements à risque, sont les autres dégâts, pour la plupart encore invisibles, du séisme. Des traitements existent, un accompagnement est incontournable, même s’il faut craindre, en raison de la situation de la médecine psychiatrique au Maroc, ils sont difficile à disposer particulièrement dans une situation où les potentiels patients se comptent par milliers. Mais déjà, il faut envisager des psychothérapies collectives étalées dans le temps. 

Pour l’instant, sous les tentes aménagées en écoles temporaires, les élèves semblent accepter ce que le destin leur a réservé. La foi peut être en effet d’un réel secours. Mais elle, aussi, exige du temps et de la patience. Le formidable élan de solidarité dont ont fait preuve les Marocains depuis le séisme et les multiples actions menées par les autorités publiques au service des populations des zones affectées, agissent sans doute comme réconfort et sédatifs. Mais leur effet s’estompera avec la résurgence des problèmes de tous les jours.

Mais on ne peut d’ores et déjà dire que dans leur esprit, ‘’la douleur a vite laissé place à l’optimisme et à la détermination. 

Dans cette étendue de tristesse et de désolation, on trouve, sans doute, dans les déclarations de certains de ces grands enfants la résolution d’aller de l’avant. Khalid ait Lhoucine, élève en première année de l’enseignement secondaire, a perdu, dans la localité de Fijouka, son frère de 30 ans, qui était pour lui "un père, un ami, un modèle dans la vie", raconte-t-il dans une déclaration à la MAP. Après l’affliction, il a trouvé dans la reprise de sa scolarité dans la commune d’Asni une "consolation", mais surtout une raison de plus pour s’investir davantage dans ses études.

"C’était dur à encaisser, mais je commence à accepter cette nouvelle situation. Que Dieu ait son âme. Il a laissé orpheline son unique fille de quatre ans. Si j’ai à lui promettre quelque chose, c’est de prendre soin d’elle et de poursuivre la conquête du rêve qui était aussi le sien, celui de devenir médecin", confie-t-il dans une déclaration à la MAP.

Des témoignages semblables et le commun de ceux que l’on interroge. Voir devant pour s’en sortir, c’est en général le propre des gens frappés pour le destin.  C’est le cas de Sara Ait Lahcen, inscrite en deuxième année de l’enseignement secondaire, qui a perdu son grand-père, sa tente et deux autres membres de sa famille à Ighil, épicentre du séisme. C’est le cas aussi de Zahra Ait Abdellah, 16 ans, deuxième année du Baccalauréat, qui plus que jamais voit dans le bac le sésame pour sortir du drame et de sa misère. Du moins le croit-elle et c’est une bonne chose. C’est le cas également de bien d’autres qui s’accrochent à leurs rêves et ne veulent pas en perdre une miette.

Dans cette situation, une thérapie collective pourrait offrir une alternative au déficit en effectifs de la psychothérapie marocaine. Il ne s’agira pas d’une thérapie de groupe offrant seulement un environnement de soutien où les membres peuvent partager leurs tragédies et leurs stratégies d'adaptation ou encore de leur permettre de constater qu’ils ne sont pas seuls dans leur drame.

Mais de quelque chose de plus mobilisant comme le fut la construction de la Route de l’Unité pour relier le deux parties du Maroc qui étaient sous occupation française et espagnole, séparées par la frontière factice de Araboua. Au-delà de la nécessité anthropologique de faire contribuer les habitants des provinces sinistrées à la reconstruction de leur douar, la mobilisation de jeunes de la région, et pourquoi pas d’autres régions, scolarisés ou pas, pour qu’ils prennent part activement à la reconstruction des zones affectées par le tremblement de terre. Pareil dessein offre la possibilité de s’investir, de se former et de se sentir utile.  Outre ses effets sur le bien-être psychologique, un tel projet participera au tissage et au renforcement du lien communautaire et national.  

 

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