Sénégal: Sonko prédit une large victoire de son parti au 1er tour en l'absence de fraude

5437685854_d630fceaff_b-

Des partisans du chef de l'opposition sénégalaise Ousmane Sonko et du candidat à la présidence Bassirou Diomaye Faye fêtent la libération des deux hommes, à Dakar, le 14 mars 2024. Le chef de l'opposition sénégalaise, Ousmane Sonko, et son second, le candidat à la présidence Bassirou Diomaye Faye, ont été libérés de prison à Dakar le 14 mars, dix jours avant les élections. (Photo JOHN WESSELS / AFP)

1
Partager :

 

L'opposant sénégalais Ousmane Sonko a prédit vendredi la large victoire de son second, Bassirou Diomaye Faye, dès le premier tour de la présidentielle du 24 mars, si l'élection se déroule sans fraude.

"Si l'élection se déroule bien, je ne pense pas qu'on fera moins de 60%", a-t-il dit lors de sa première apparition devant la presse depuis des mois, au lendemain de sa sortie de prison.

Il a cependant appelé "les Sénégalais à rester vigilants, d'autant qu'il y a des rumeurs de corruption qui circulent", ajoutant ne pas disposer de "preuves suffisantes" à cet égard.

M. Sonko a renoué avec les longs monologues qui le caractérisent, revenant sur le processus électoral en cours et sa disqualification de la présidentielle par le Conseil constitutionnel en janvier. Il a accusé cet organe de l'avoir éliminé "sur commande".

Il a affirmé son intention de se mettre au service de la victoire, sans mettre en avant sa personne dans la campagne. "Ma personne n'est pas le plus important. Mon objectif, c'est d'aider à gagner l'élection", a-t-il dit.

Depuis son emprisonnement en juillet 2023, il n'a "jamais rien décidé sans en parler à Bassirou Diomaye" Faye, a-t-il assuré.

Après sa disqualification, le camp de M. Sonko avait désigné M. Faye à sa place en janvier.

Il a rapporté avoir demandé aux députés de son camp de voter contre la loi d'amnistie qui a été adoptée la semaine dernière, et qui a permis sa sortie de prison et celle de M. Faye.

L'opposant a désigné le candidat du camp présidentiel, l'ancien Premier ministre Amadou Ba, comme "le plus grand danger qui guette le Sénégal aujourd'hui".

"Cette élection ne sera pas une guerre", a-t-il dit. Cependant il a évoqué des comptes à rendre par les actuels responsables en cas de victoire de son camp.

"Il n'y aura pas de vengeance, il y aura de la justice. Je ne dis pas qu'il y aura une impunité totale", a-t-il affirmé.

La Cour suprême a pour sa part épargné au pays un nouveau coup de théâtre en rejetant vendredi les requêtes de candidats disqualifiés à la présidentielle, dont Karim Wade, qui demandaient la suspension des décrets fixant la date de l'élection et la durée de la campagne. La Cour a déclaré ces requêtes "irrecevables".

Une foule difficilement quantifiable d'au moins plusieurs milliers de Dakarois en liesse s'était pressée jusque tard dans la nuit de jeudi parmi chants et danses pour célébrer la remise en liberté des deux hommes, devant la prison du cap Manuel, le long de leur cortège et devant le domicile d'Ousmane Sonko.

Ce dernier, acteur d'un bras de fer meurtrier de plus de deux ans avec le pouvoir, était resté invisible du plus grand nombre.

Son second, candidat à la présidentielle, s'est montré brièvement, se dressant à travers le toit ouvrant de sa voiture pour s'adresser à la foule, en boubou bleu, casquette blanche et drapeau national sur les épaules.

Souriant après presque un an de détention et posé malgré les clameurs, il a salué le "soutien et (la) solidarité" montrés par ses partisans. Il a mis en avant ce que son camp appelle "le projet" pour signifier que l'accession à la présidence n'est pas une affaire de personnes entre lui et M. Sonko.

"Effet multiplicateur"

MM. Faye et Sonko ont bénéficié d'une loi d'amnistie adoptée la semaine passée à l'instigation du président Macky Sall pour, a dit ce dernier, apaiser les esprits après trois ans de tensions, ravivées par un report de dernière minute de la présidentielle.

Après des jours de conjectures, la loi a été promulguée et "c'est parce qu'elle est promulguée (qu'ils) sont sortis", a dit Yoro Dia, porte-parole de la présidence.

Le rassemblement spontané autour d'eux est le plus important ayant accompagné les candidats, 19 au total, depuis le lancement de la campagne. Il confirme l'influence de M. Faye et bien plus encore de M. Sonko, dont le nom était dans toutes les bouches bien qu'il ne soit pas candidat. Cet effet d'entraînement va être mis à l'épreuve de la campagne.

"Ousmane Sonko dehors (cela) change complètement la donne de l'élection (...) Le faire sortir en pleine campagne peut avoir un effet multiplicateur", assure Maurice Dione, enseignant en sciences politiques à l'Université de Saint-Louis.

La campagne officielle s'est ouverte le 9 mars sans que M. Faye ni M. Sonko n'y prennent part. M. Faye a été empêché d'enregistrer ses messages pour la télévision publique.

Son camp a fait campagne pour lui, présentant le programme d'un homme qui se veut le "candidat du changement de système" et d'un "panafricanisme de gauche", promet de restituer au Sénégal sa souveraineté et renégociera, s'il est élu, les contrats d'exploitation du gaz et du pétrole ainsi que les accords de défense.

Souverainistes, panafricanistes 

Cette plateforme décline les thèmes caractéristiques de M. Sonko, dont les diatribes contre la corruption, les élites, les multinationales et l'emprise économique et politique exercée selon lui par l'ancienne puissance coloniale française, ont fait le succès du Pastef, son parti.

La mise en cause de M. Sonko par la justice, conjuguée aux tensions économiques et sociales et au flou longtemps maintenu par le président Sall sur un troisième mandat, a donné lieu entre 2021 et 2023 à différents épisodes d'émeutes, pillages et saccages.

Le président Sall a renoncé à se représenter. Mais le report in extremis de la présidentielle initialement prévue le 25 février a causé de nouveaux heurts.

Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées depuis 2021 au cours de troubles qui ont fortement ébranlé un pays considéré comme l'un des plus stables d'une Afrique de l'Ouest secouée par les coups de force.

M. Sonko, 49 ans, a finalement été interpellé fin juillet 2023, et inculpé pour appel à l'insurrection, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et atteinte à la sûreté de l'Etat. Son parti a été dissous.

M. Sonko a été disqualifié de la présidentielle en janvier, son camp désignant alors M. Faye à sa place.

Ce secrétaire général du Pastef était lui-même détenu depuis avril 2023. Il a été inculpé d'outrage à magistrat, diffamation et actes de nature à compromettre la paix publique, selon un de ses avocats. (AFP)

lire aussi