Scandale ''Farmgate'' : Ramaphosa sera-t-il destitué ? Par Hamid AQERROUT

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Cyril Ramaphosa - Jamais auparavant le Parlement n'avait exercé ses règles de destitution pour révoquer un président.

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Par Hamid AQERROUT (Bureau de la MAP à Johannesburg)

Johannesburg- L'étau se resserre de plus en plus autour du Président sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui doit maintenant faire face à un processus de destitution, à la suite des conclusions accablantes d’une Commission indépendante enquêtant sur les accusations criminelles portées contre lui dans l’affaire «Farmgate». Un "pire cauchemar" pour les tenants du pouvoir.

D’emblée, le panel indépendant mis en place par la présidente du Parlement, Nosiviwe Mapisa-Nqakula, a conclu que le Président a commis une violation grave des articles 96(2) de la Constitution, une violation grave de l'article 34(1) de la Loi sur la prévention et la lutte contre la corruption, une «faute grave» par la violation de l'article 96(2)(b) de la Constitution en agissant d'une manière incompatible avec ses fonctions et une «faute grave» à travers la transgression de l'article 96(2)(b) en s'exposant à une situation impliquant un conflit entre ses responsabilités officielles et ses affaires privées.

Coupable 

Elle affirme ainsi que Ramaphosa doit répondre à de graves violations de la Constitution pour s'être exposé à un conflit d'intérêts, avoir effectué un travail rémunéré à l'extérieur et avoir enfreint la loi sur la prévention des activités de corruption.

Cette recommandation soigneusement formulée à la fin du rapport de 82 pages jettera inéluctablement l'ANC, parti au pouvoir déjà ravagé par des luttes entre clans et des scandales politico-judiciaires, dans le désarroi juste à un moment où Ramaphosa semblait en sécurité en tant que favori dans la course présidentielle de l’ANC avant sa conférence élective prévue du 16 au 20 décembre courant à Nasrec.

Dans son rapport tant attendu, le panel de trois membres soulève des questions sur la source des dollars américains volés à la ferme de gibier Phala Phala de Ramaphosa et sur la manière dont le vol a fait l'objet d'une enquête pour conclure ainsi qu’«il y avait une intention délibérée de ne pas enquêter sur les crimes commis dans la ferme». En atteste d’ailleurs la demande adressée à la police namibienne d’arrêter l’un des voleurs qui s’était enfui en Namibie et de «traiter l'affaire avec discrétion».

Pour les enquêteurs, «Cyril Ramaphosa a abusé de sa position de chef de l'État pour faire enquêter sur l'affaire et demander l'aide du Président namibien pour appréhender un suspect».

Ces conclusions sont intervenues alors que des spéculations antérieures évoquaient la focalisation étroite de la motion du Mouvement pour la transformation africaine (ATM) sur l'article 96 de la Constitution qui interdit aux membres du gouvernement d’effectuer un travaille parallèlement à leur fonction ou de se trouver dans des situations risquant de créer des conflits d'intérêts.

Le dilemme

Il reste maintenant à voir comment le groupe parlementaire de l'ANC, qui s'était auparavant mobilisé pour défendre son président, réagira. Le rapport de la Commission indépendante doit être examiné mardi prochain et adopté par l'Assemblée Nationale pour entrer en vigueur et conduire à l'étape suivante, la création d'un Comité de destitution. Dans tous les cas de figure, la scène po

Au cas où le parti au pouvoir s’opposera au rapport, cela explosera dans un terrain politique déjà tendu et soulèvera de nouvelles questions sur la responsabilité, la transparence et la réactivité des institutions constitutionnelles sud-africaines.

C’est pour éviter un tel scenario que plusieurs voix, au sein même du parti au pouvoir, se sont élevées demandant au Président de se retirer. C’est le cas des anciens président Thabo Mbeki et Jacob Zuma, de la candidate à la présidence de l’ANC et ministre de la Gouvernance coopérative, Nkosazana Dlamini-Zuma et de la ministre du Tourisme, Lindiwe Sisulu.

Le principal parti d'opposition l’«Alliance démocratique» et le parti des Combattant pour la liberté économique ont immédiatement réagi à la publication du rapport, en demandant à Ramaphosa de démissionner.

Le rapport laisse le Président dans une position pratiquement intenable, en particulier en ce qui concerne les règles de son propre parti et la ligne de conduite qu'il a lui-même adoptées contre d'autres responsables de l'ANC, ont-ils soutenu.

Une première

Tout a commencé début juin dernier lorsque l'ancien chef du renseignement, Arthur Fraser, a déposé une requête auprès de la police sur la dissimulation du vol de plus de 4 millions de dollars en devise dans des coussins à la ferme Phala Phala du Président. La plainte accuse Ramaphosa d'avoir dissimulé le cambriolage à la police et l'argent au fisc, d'avoir organisé l'enlèvement et l'interrogatoire des voleurs, puis de les avoir soudoyés pour qu'ils gardent le silence.

Jamais auparavant le Parlement n'avait exercé ses règles de destitution pour révoquer un président. Le Parlement a été vivement critiqué à plusieurs reprises dans le passé pour avoir manqué à son devoir constitutionnel de tenir les membres de l'exécutif responsables de l'exercice de leurs pouvoirs et de l'accomplissement de leurs fonctions.

C'est donc la première fois qu'un panel indépendant est nommé pour évaluer de telles preuves. Un développement qui marque l'un des jalons indicatifs de la maturation de la démocratie constitutionnelle en Afrique du Sud.

Et bien que ce ne soit certainement pas la fin de la carrière politique pour Ramaphosa ou le parti au pouvoir, l'ANC, les choses sont devenues encore beaucoup plus compliquées. Advienne que pourra.

 

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