Ryad et Téhéran annoncent rétablir leurs relations diplomatiques

5437685854_d630fceaff_b-

Ebrahim Raïssi, président de la République Islamique et Mohammed ben Salmane, prince héritier et Premier ministre d'Arabie Saoudite (AFP=

1
Partager :

 

L'Iran et l'Arabie saoudite, poids lourds du Moyen-Orient ayant rompu leurs liens en 2016, ont annoncé vendredi qu'ils allaient rétablir leurs relations diplomatiques d'ici deux mois à l'issue de pourparlers en Chine.

"A la suite de pourparlers, la République islamique d'Iran et le royaume d'Arabie saoudite sont convenus de reprendre leurs relations diplomatiques et de rouvrir les ambassades et représentations (diplomatiques) dans un délai maximum de deux mois", a indiqué l'agence iranienne Irna, citant un communiqué conjoint publié par les médias d'Etat des deux pays.

L'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite ont rompu leurs liens il y a plus de sept ans après l'attaque de missions diplomatiques saoudiennes par des manifestants dans la République islamique à la suite de l'exécution par Ryad d'un célèbre religieux chiite.

D'autres pays du Golfe parmi lesquels les Emirats arabes unis, le Koweït et Bahreïn avaient par la suite réduit leurs liens diplomatiques avec Téhéran pour soutenir Ryad.

Le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranien Ali Shamkhani se trouve à Pékin depuis lundi "pour des négociations intensives avec son homologue saoudien en Chine visant à résoudre les (derniers) différends entre Téhéran et Ryad", a rapporté Irna.

Les ministres des Affaires étrangères des deux pays vont "mettre en œuvre cette décision et prendre les dispositions nécessaires pour l'échange des ambassadeurs", a ajouté le communiqué, sans plus de précision.

Le chef de la diplomatie iranienne, Hossein Amir-Abdollahian, a salué sur Twitter "le retour à des relations normales" entre son pays et l'Arabie saoudite.

"Le retour à des relations normales entre Téhéran et Ryad offre de grandes possibilités aux deux pays, à la région et au monde musulman", a-t-il déclaré, ajoutant que son ministère allait "lancer activement d'autres initiatives régionales".

A partir d'avril 2021, l'Irak a accueilli une série de réunions entre responsables de la sécurité des deux puissances rivales pour rapprocher ses deux voisins.

"Nouvelle page" 

Dans leur communiqué conjoint, l'Iran et l'Arabie saoudite "remercient la république d'Irak et le sultanat d'Oman d'avoir accueilli des pourparlers entre les deux parties en 2021 et 2022, ainsi que les dirigeants et le gouvernement de la république populaire de Chine pour avoir accueilli et soutenu les pourparlers menés dans ce pays".

L'Irak a salué la "nouvelle page" dans l'histoire des relations diplomatiques entre Téhéran et Ryad qui soutiennent des parties rivales dans plusieurs conflits dans la région, notamment au Yémen.

L'Iran a une influence prépondérante en Irak et au Liban et soutient militairement et politiquement le régime en Syrie.

Ce pays entretient des liens très forts avec Bagdad, où le Parlement est dominé par des partis pro-iraniens et le gouvernement est issu de cette majorité.

Pékin avait signé en 2021 un vaste accord stratégique sur 25 ans avec Téhéran dans des domaines aussi variés que l'énergie, la sécurité, les infrastructures et les communications.

"Les trois pays (Iran, Arabie saoudite, Chine) déclarent leur ferme volonté de déployer tous les efforts pour renforcer la paix et la sécurité régionales et internationales", a indiqué le communiqué conjoint publié vendredi.

A la mi-février, le président iranien, Ebrahim Raïssi, a effectué une visite d'Etat de trois jours en Chine, la première d'un président iranien dans ce pays depuis plus de 20 ans.

Ces derniers mois, les Emirats et le Koweït avaient repris leurs relations diplomatiques avec l'Iran.

Des décennies de tensions entre l'Iran et l'Arabie saoudite

Les relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite, deux poids lourds du Moyen-Orient, sont tendues depuis des décennies en raison d'une rivalité religieuse et d'une lutte d'influence dans la région.

Révolution iranienne, guerre 

Après la création de la République islamique d'Iran en avril 1979 à la suite d'une révolte, les pays sunnites accusent l'Iran de vouloir "exporter" la révolution chez eux.

En 1980, l'Irak attaque l'Iran, déclenchant une guerre de huit ans au cours de laquelle l'Arabie saoudite soutient financièrement le régime irakien.

Pèlerins tués, liens rompus 

En 1987, les forces de sécurité de La Mecque, en Arabie saoudite, répriment une manifestation anti-américaine non autorisée, organisée par des pèlerins iraniens.

Des Iraniens en colère pillent l'ambassade d'Arabie saoudite à Téhéran et, en 1988, Ryad rompt ses relations diplomatiques jusqu'en 1991.

Opposés en Syrie et au Yémen 

Alors que les manifestations du Printemps arabe touchent la région en 2011, Ryad envoie des soldats à Bahreïn où les chiites protestent. L'Arabie saoudite accuse l'Iran d'attiser les tensions.

Les deux pays rivaux s'affrontent à nouveau en 2012, au moment où la crise syrienne éclate. L'Iran soutient le président Bachar al-Assad, tandis que l'Arabie saoudite soutient les rebelles.

Au Yémen, Ryad forme en 2015 une coalition arabe sunnite pour intervenir en faveur du président yéménite, tandis que Téhéran soutient les rebelles Houthis chiites.

Bousculade meurtrière à La Mecque 

Une bousculade lors du grand pèlerinage annuel à La Mecque en 2015 fait environ 2.300 morts parmi les pèlerins étrangers, incluant des centaines d'Iraniens.

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, provocateur, déclare que l'Arabie saoudite ne mérite pas de gérer les sites les plus sacrés de l'islam.

Liens à nouveau rompus 

En 2016, l'Arabie saoudite exécute pour "terrorisme" l'éminent religieux chiite Nimr al-Nimr, l'un des fers de lance des manifestations antigouvernementales.

L'Iran est furieux. Des manifestants attaquent les missions diplomatiques saoudiennes en Iran. Ryad rompt à nouveau ses relations avec Téhéran.

Hezbollah, Qatar 

La puissante milice chiite libanaise Hezbollah, alliée de l'Iran, est classée comme "terroriste" en 2016 par les monarchies arabes du Golfe.

En 2017, c'est depuis Ryad que le Premier ministre libanais, Saad Hariri, annonce sa démission, invoquant "l'emprise" de l'Iran sur son pays à travers le Hezbollah. Il se rétractera par la suite.

La même année, l'Arabie saoudite et ses alliés rompent leurs relations diplomatiques avec le Qatar, l'accusant d'entretenir des liens trop étroits avec l'Iran et de soutenir l'extrémisme, ce que Doha dément. L'Arabie saoudite et ses alliés rétablissent leurs relations en 2021.

Nucléaire iranien 

En 2018, le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane (MBS), prévient dans une interview à la télévision américaine que si Téhéran se dote de l'arme nucléaire, "nous ferons de même dès que possible".

MBS qualifie le guide suprême iranien de "nouvel Hitler". "Il veut créer son propre projet au Moyen-Orient, un peu comme Hitler qui voulait s'étendre à l'époque", affirme le prince héritier.

Rétablir les relations 

Le 10 mars 2023, l'Arabie saoudite et l'Iran sont convenus de "reprendre les relations diplomatiques et de rouvrir les ambassades et les missions dans les deux mois", selon une déclaration tripartite signée par Ryad, Téhéran et Pékin.

L'accord négocié par la Chine a été annoncé alors que les parties se trouvaient à Pékin depuis plusieurs jours pour des pourparlers.

lire aussi