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Les négociations sur le climat, un bras de fer diplomatique entre blocs de pays, la présidence émartie interpelée…
Une femme s'occupe d'un troupeau de moutons près du village d'Amellagou où résident les derniers nomades du Maroc, le 2 septembre 2022. La Conférence des Nations Unies sur le changement climatique COP28 se tiendra du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï. (Photo FADEL SENNA / AFP)
C’est ce jeudi que s’ouvre la COP28 sous présidence émartie. Les pollueurs sont connus mais ils ne veulent pas être les payeurs. Pour détourner l’attention à la veille de ce rendez-vous, on n’a pas trouvé mieux que d’accuser Sultan Al Jaber, qui préside cette COP, ‘avoir voulu user de sa position à la tête de la conférence de l'ONU pour promouvoir des projets pétroliers et énergétiques des Emirats dans plusieurs pays, comme des documents révélés cette semaine l'ont évoqué. Ce qu’il dément catégoriquement. Les vrais, les grands pollueurs sont à l’abri de ce type d’interpellation. Autant dire qu’on n’est pas sorti de l’auberge.
Les négociations sur le climat font l'objet d'un bras de fer diplomatique continuel entre des blocs de pays regroupés par intérêts, mais parfois aussi divisés par les tensions géopolitiques.
La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) regroupe les pays en cinq blocs pour des raisons administratives: africain; arabe; asiatique; européen de l'Est; occidental (Europe de l'Ouest, États-Unis, Canada, Australie...); Amérique latine et Caraïbes. Mais des coalitions d'intérêts plus ou moins informelles se sont créées au fil du temps autour de l'Union européenne, des pays les moins avancés ou des Etats insulaires.
En termes de responsabilités, la CCNUCC compte trois catégories: les pays développés (OCDE), les pays développés ayant des responsabilités financières spéciales (tous les pays développés sauf les économies en transition, comme la Russie ou la Turquie) et les pays en développement.
Mais les thèmes à négocier sont transversaux et ne dépendent pas de critères géographiques ou économiques: baisse des émissions, adaptation, financement, "pertes et dommages" climatiques subis par les pays vulnérables...
Des pays ayant des "responsabilités spéciales" peuvent ainsi faire partie d'un bloc de négociation aux côtés d'un pays en voie de développement.
Certains blocs de négociation sont un héritage du passé (G77), d'autres ont émergé dans le contexte des négociations sur le climat.
De nombreux pays, en particulier parmi les pays en développement, sont membres de plusieurs groupes en même temps.
Tout au long des négociations - qui doivent durer officiellement treize jours pour la COP28 à Dubaï mais se sont souvent prolongées lors des éditions précédentes de la COP - les alliances entre les blocs et les différents pays se tissent et se défont en fonction des propositions sur la table et des difficultés rencontrées.
- Rarement un front uni -
"Pendant assez longtemps, on a eu le sentiment que les négociations climatiques étaient en quelque sorte immunisées" par rapport aux tensions géopolitiques, explique à l'AFP le politologue François Gemenne, membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). "Comme si ces négociations étaient tellement importantes qu'elles étaient sanctuarisées par rapport aux frictions de l'actualité. Ce n'est plus le cas", observe-t-il.
"Les pays en développement montrent rarement un front uni. Le fait qu'ils restent unis sur la question des pertes et dommages est inhabituel", relève pour sa part Jennifer Allan, experte à l'International Institute for Sustainable Development (IIDD).
Voici la liste des principaux groupes de négociation au sein de la COP.
G77 (et la Chine):
Le groupe de 77 pays en développement est né en 1964. Il est passé de ce nombre initial aux 134 actuels, généralement alliés à la Chine. Il s'agit du plus grand bloc de négociation et il agit en tant que tel non seulement au sein de la CCNUCC, mais aussi dans de nombreux autres forums de l’ONU. Il dispose d'une présidence tournante annuelle, qui a été confiée cette année à Cuba pour la première fois.
Pays les moins avancés (PMA):
Ce groupe compte 46 pays et, comme son nom l'indique, rassemble les pays les plus pauvres. Il est présidé par le Népal.
Les négociations thématiques amènent parfois le G77 et le groupe des PMA à afficher des positions différentes.
Climate Vulnerable Forum (CVF):
Il regroupe 58 pays qui se disent particulièrement affectés par le changement climatique, avec une population totale d'environ 1,5 milliard de personnes. Fondé en 2009, il est actuellement présidé par le Ghana.
Alliance des petits États insulaires (AOSIS):
Fondée en 1990 par des îles ou archipels en développement dont l'existence est menacée par la montée des eaux, elle réunit 39 Etats et, bien qu'ayant une petite structure, elle est très active lors des conférences sur le climat. Elle est présidée par les Samoa.
Union européenne (UE):
Elle regroupe les 27 Etats membres de l'Union européenne, mais ils ne disposent pas d'un vote distinct. Le Conseil de l’UE est présidé par l'Espagne jusqu'en décembre de cette année.
Umbrella Group:
Il s'agit d'une coalition créée après l'adoption du protocole de Kyoto (1997) par un certain nombre de pays développés: Australie, Canada, États-Unis, Islande, Israël, Japon, Kazakhstan, Nouvelle-Zélande, Norvège, Royaume-Uni et Ukraine. Elle est généralement opposée au G77 ou aux PMA.
BASIC:
Il réunit les puissances émergentes: Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine et est apparu en 2009 lors de la COP15 à Copenhague.
Association indépendante d'Amérique latine et des Caraïbes (AILAC):
Coalition fluctuante créée en 2012, qui tend à présenter une position conciliante entre le Nord et le Sud, elle est actuellement composée de la Colombie, du Costa Rica, du Guatemala (qui la préside), du Honduras, du Panama, du Paraguay, du Pérou et du Chili.