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Cristobal Lopez Romero : l’archevêque qui ne voulait pas du trône – Par Mustapha Saha

Il plait au cardinal Cristobal Romero de rappeler que que titre de ‘’souverain pontife’’ signifie en latin maître des ponts. Lui-même a débarqué au Maroc dans la ville de Kénitra, dont le nom se traduit par petit pont. Une prédestination
Dans un monde religieux souvent miné par les intrigues, la déclaration du cardinal Cristobal Lopez Romero fait figure d’exception. En affirmant qu’il fuirait en Sicile s’il était élu pape, l’archevêque de Rabat rappelle à Mustapha Saha que la foi, à la manière des moines de Toumlilin, ne se conquiert pas par ambition, mais se vit dans l’ancrage, le lien, et la simplicité.
Côtes d'Armor. Lundi, 5 mai 2025. Je découvre, dans la presse internationale, une déclaration du cardinal Cristobal Lopez Romero, archevêque de Rabat. Soixante-douze ans révolus. Un sacré communicant. " Si je suis élu pape, confie-t-il au quotidien italien Il Messaggero, je m'en fuis en Sicile". Le propos me rappelle une formule du moine bénédictin Dom Denis Martin, fondateur du monastère de Toumlilin à Azrou.
1952, les religieux chrétiens s'installent dans le Moyen Atlas en pleine guerre d'indépendance. Le commandant de l'armée coloniale veut les mettre sous protection militaire. Don Denis Martin lui réplique : "Si les soldats pénètrent dans notre sanctuaire, nous nous enfuyons dans la forêt".
Ponts, foi, humilité
J'ai fait la connaissance du Cardinal Cristobal Romero, en juillet 2024, au pèlerinage des Sept Dormants, Vieux Marché, Bretagne, créé, en 1954, par Louis Massignon. Nous avons fait une conférence ensemble où son humour percutant a fait mouche. Il a rappelé que titre de souverain pontife signifie en latin maître des ponts. Lui-même a débarqué au Maroc dans la ville de Kénitra, dont le nom se traduit par petit pont. Une prédestination.
Le pape serait ainsi un constructeur d'arches, de passerelles entre humains. Un pasteur ancré dans la terre. La papauté n'intéresse manifestement pas le cardinal Cristobal Lopez Romero. A moins que ce ne soit un judicieux stratagème. Ou bien qu'il préfère philosophiquement continuer à creuser sa voie dans les périphéries planétaires. Il explique que la course au Saint-Siège est motivée par la soif du pouvoir.
L’église est prophétique ou n'est pas. Le choix du nouveau pape se fait dans le secret total, à huis clos, dans la chapelle Sixtine, à la majorité des deux-tiers. Le rituel est immuable. Une fumée blanche annonce le nouveau patron spirituel. Les conspirations, les luttes d'influence, les intrigues florentines, les actions en sous-main sont de mise. Les jeux pour le règne suivant sont généralement faits de longue date.