À l’ombre des remparts de Fès, le souffle millénaire de Jajouka a résonné une fois encore. Bachir Attar, figure tutélaire de cette tradition musicale du Rif, raconte l’âme d’une musique sacrée aux racines royales et au destin universel.

Une musique née dans les brumes du temps

Rencontré en marge de la 28e édition du Festival de Fès des Musiques Sacrées du Monde, Bachir Attar remonte le fil d’un héritage fascinant. “La musique de Jajouka est une mémoire vivante”, confie-t-il à MAP. Ses origines se perdent dans les âges. Elle fut la musique des sultans, celle que l’on jouait dans les palais de Marrakech, Fès et Meknès, bien avant que la colonisation ne la relègue aux marges.

“Ibn Khaldoun lui-même est venu à Jajouka. C’est dans ses écrits, mais trop souvent oublié.” C’est dire l’ancienneté et la légitimité de cette tradition musicale, première musique attachée à la dynastie Alaouite. Pour Attar, elle demeure un fil sacré entre passé et présent.

Un souffle mystique à l’épreuve du monde

Au-delà de son rôle historique, la musique de Jajouka est une expérience sensorielle. Hypnotique, transgressive, elle mêle rythmes de transe, flûtes envoûtantes, tambours profonds. “Ce n’est pas une musique à écouter passivement. Elle vous habite, elle vous traverse.”

Si elle s’est fait connaître à l’international, c’est grâce à la fascination qu’elle exerce sur des artistes de tous horizons : Brian Jones des Rolling Stones, Ornette Coleman ou encore Maceo Parker ont cherché à capter cette énergie brute. “Ce sont des rencontres spirituelles, pas seulement musicales”, insiste Attar.

À Fès, dans ce festival dédié à l’élévation de l’âme par le son, Jajouka n’a pas seulement été écoutée. Elle a été ressentie, comme une vibration venue d’un autre monde — celui des origines.