Le temps des orages - Par Seddik MAANINOU

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C’est bien la première fois que les deux corporations des journalistes, Marocains et Espagnols, se retrouvent, surtout à Laâyoune, pour débattre de questions communes

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Le Présent - Par Seddik MAANINOU

Sur invitation de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ), Je me suis rendu à Laâyoune pour participer à un colloque réunissant des journalistes marocains avec des confrères espagnols. C’est bien la première fois que les deux corporations se retrouvent, surtout à Laâyoune, pour un face-à-face en vue de débattre du «voisinage naturel et [des] perspectives des relations maroco-espagnoles». 

Cette rencontre aux allures d’un regard croisé se tient à un moment où les relations entre les deux pays passent par une période d’embellie et d’entente, permettant l’amorce d’un dialogue serein et dépassionné au sein de la tribu des journalistes.

Ouverture officielle

Après l’ouverture officielle ponctuée des allocutions de circonstances et autres salamalecs d’usage, Mohamed Berrada, un vétéran de la presse marocaine, a donné le coup d’envoi des travaux de cette rencontre, soulignant au passage la nécessité pour la famille de la presse d’œuvrer pour un climat propice à l’accompagnement des événements.

Le colloque a été modéré par le journaliste hispanophone Saïd Jedidi qui a déclaré sa conviction d’une relation bilatérale empreinte de respect et d’optimisme dans un avenir promis à un développement serein.

Parole d’Espagnols

Le journaliste espagnol Rafael Esparza Machini a rappelé les temps forts qui ont jalonné des siècles durant l’histoire des relations entre le Maroc et l’Espagne. Son compatriote Manuel Fernando Vidal a plaidé pour davantage de sincérité et de compréhension de part et d’autre, estimant que les Espagnols ont une «vision brouillée » du Maroc.

Le journaliste marocain Nabil Darouiche a enchaîné avec en listant les principaux événements qui ont marqué les relations bilatérales avec leur lot de tensions et d’escalades, tandis que l’acteur associatif Bahi Larbi Nass a appelé à intensifier les échanges entre les deux parties pour aller ensemble à la rencontre de l’Afrique.

Des conflits en cascade

Dans mon intervention, j’ai plaidé pour de nouvelles approches en mesure de traiter en profondeur les relations bilatérales, selon une vision géostratégique guidée par les principes du réalisme et du pragmatisme, loin des idéologies et des utopies éphémères.

J’ai souligné l’importance de prendre en considération les situations troubles qui prévalent en Libye, en Tunisie et en Algérie, car tout effondrement en Afrique du Nord aura des répliques incalculables au Maroc et en Espagne. 

Revenant sur les relations bilatérales, j’ai rappelé que la région vit au rythme de secousses dont il faut impérativement tenir compte. Contexte oblige, j’ai consacré une partie de mon intervention à l’accroissement de la menace terroriste au Sahel, à la débâcle française après une intervention militaire de plus de dix ans, et à la situation franchement inflammable que vit la région avec l’afflux des hommes et des armes vers les groupuscules terroristes.

Migration et drogues

J’ai noté que l’immigration non-réglementaire est une source de préoccupation majeure des deux rives de la Méditerranée et que le Maroc et l’Espagne se trouvent aux avant-postes de ce défi aux ramifications multiples. Ainsi ai-je rappelé les efforts déployés par le Maroc en vue de contenir le flux migratoire, notamment à la faveur d’une politique volontariste qui a permis la régularisation de la situation de plus de 50 mille immigrés. La coopération pluridimensionnelle et multipartite devrait se poursuivre et se renforcer davantage dans ce domaine, car il est absurde de croire que le Maroc pourrait s’ériger, seul, en rempart devant la déferlante migratoire, pour protéger l’Europe.

J’ai de même attiré l’attention sur les menaces que font planer, autant sur l’Afrique que sur l’Europe, le déferlement des drogues et le trafic des cigarettes, des médicaments, de l’argent sale et des armes, dans une région devenue poreuse aux réseaux de trafic des drogues dures en provenance de l’Amérique du Sud.

Climat

Le contexte climatologique étant ce qu’il est, les dérèglements climatiques que connaît le monde se font naturellement inviter, le Maroc et l’Espagne n’étant pas à l’abri de la parcimonie du ciel, de la raréfaction des ressources hydriques, des dégâts causés à l’agriculture et de la hausse consécutive du nombre de chômeurs. J’ai par la même occasion évoqué des rapports d’experts et de bureaux d’études qui annoncent invariablement une période de sécheresse qui risque d’être beaucoup plus sévère pour la région au cours des années à venir.

Orages

Terrorisme, migration illégale, trafic de drogues, changement climatique ou troubles politiques en Afrique du Nord, et particulièrement au Sahel où les putschs militaires nous rappellent ou nous ramènent aux années 60 du siècle dernier... L’agrégation de ces ingrédients réunis pèse de tout son poids sur les perspectives d’une coopération plus avancée entre le Maroc et l’Espagne et appelle à une entente plus solide qui, affranchie des chaines du passé et de ses atavismes, des slogans creux et des surenchères oiseuses, ouvre une voie royale à la conjuration rationnelle des orages qui tonnent à l’horizon. 

 

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