Le PJD face à sa crise : L’instinct de conservation - Par Bilal Talidi

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De G à D : Idriss El-azami Idrissi, président du conseil national, Saad Dine El Otmani, secrétaire général du PJD et Amina Maelainine, membre du conseil national

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Sans tarder, le PJD a mis en œuvre lors de son conseil national extraordinaire du 18 septembre, la réponse organisationnelle à la défaite électorale en approuvant la mise en place d’une commission préparatoire – un président et trois membres - du congrès non moins extraordinaire. Le conseil signifiait ainsi que cette question primait sur l’analyse et le débat autour des causes de la défaite et de ses implications. 

C’est un message clair du conseil national qui considère par-là qu’en présentant sa démission politique et en assumant la responsabilité de la défaire électorale, le secrétariat général a pavé le voie à une nouvelle Direction politique. Et toute insistance pour revenir de nouveau aux commandes ne serait pas seulement un acte à contrecourant du tsunami de colère qui a submergé le parti, mais aussi contraire aux règles et à l’éthique politiques.

Le choix de la mesure

D’aucuns ont vu dans les noms désignés pour la préparation du congrès des proches de Abdalilah Benkirane. Il n’en est rien Ce sont là les mêmes personnes qui ont supervisé avec succès des échéances organisationnelles importantes, sans oublier que Jamaâ Môatassim, désigné pour présider la commission préparatoire, est celui-là même qui a été à la tête de la commission préparatoire du congrès qui a couronné Saad Dine El Otmani secrétaire général du PJD en remplacement de Abdalilah Benkirane auquel le conseil national avait refusé un troisième mandat. 

Dans son communiqué final, le conseil national a choisi de ne pas suivre la tendance, réduite, qui poussait à une remise en cause politique de l’opération électorale. Il s’est contenté d’adopter le plafond fixé par le secrétariat général se limitant à qualifier les résultats du scrutin d’illogique te d’incompréhensible n’exprimant ni la véritable carte politique du Maroc ni la position qu’y occupe le PJD. 

Le conseil national s’est refusé à surenchérir sur cette position du secrétariat général qui a dirigé de bout en bout les élections, et qu’en conséquence il ne pouvait s’y substituer pour adopter des positions que la Direction a été incapable d’exprimer ou qu’elle ne partage pas.

Le rapport Etat-PJD

La tendance générale du conseil a été de se consacrer aux questions de l’avenir pour explorer les possibilités qu’a le parti de recouvrer sa position et pour déterminer si un changement de leadership suffisait au redressement de la barre. Ou, au contraire, s’il n’est pas nécessaire de revoir le projet islamiste dans sa globalité, y compris son rapport à l’Etat et à la société ainsi que ses relations avec d’autres composantes du projet réformiste avec lesquelles il est lié par un partenariat stratégique comme c’est le cas du Mouvement Unicité et Réforme. 

Le comportement de l’Etat à l’égard du PJD, a suscité quant à lui d’importantes interrogations sur l’avenir de son rapport au parti et, dans le sens inverse, le rapport du parti à l’Etat 

 Une composante du PJD voit dans l’élimination politique qu’a subie le parti une mutation stratégique dans la position de l’Etat, tandis qu’une autre considère que ce changement participe d’une interaction avec l’environnement international et régional, le percevant en même temps comme une réponse aux exigences de défis internes et à la nécessité de saisir les opportunités de décollage économique dans un contexte régional extrêmement tendu. Une troisième composante enfin affirme qu’il n’y a rien de stratégiquement constant dans les relations de l’Etat avec les acteurs de l’action politique au Maroc. De ce point de vue, on estime que c’est l’attitude du parti qui détermine la relation Etat-parti et qu’il serait de ce fait plus utile d’interpeler son soi-même et d’interroger ses propres comportements au lieu de se préoccuper des changements de la position de l’Etat et de ses humeurs.

L’instinct de conservation  

Les options pratiques qui canalisent l’intérêt de l’ensemble du parti est de nature conservative : Assurer au parti une transition démocratique qui permet l’émergence d’une nouvelle direction, préserve l’unité des rangs et permet la restauration des relations au sein du parti. 

Sauf que le problème du PJD est beaucoup plus complexe que ce diagnostic dicté par l’instinct de conservation. La confrontation entre les dirigeants a dépassé les divergences intellectuelles et politiques, voire psychologiques qui enveniment d’habitude les rapports entre pairs au sein des directions historiques. C’est une crise de confiance que traverse aujourd’hui le parti. Certains, ils en sont convaincus, affirment que le parti a perdu l’autonomie de ses décisions et qu’une partie tierce influente a été autorisée par des dirigeants à entrer en ligne pour en conditionner les positions qui déploient désormais une autre orientation et un autre agenda que ceux du parti. 

Continuité et nouvelle direction de rupture

Les tenants du diagnostic conservatif iront tout au plus au congrès et plus précisément à l’élection du secrétaire général. Mais c’est à l’étape de la désignation par le nouveau secrétaire général de son équipe (secrétariat général) qu’apparaitront clairement l’orientation et le devenir du parti. Seulement alors on saura si le nouveau leadership va actionner le principe de la réconciliation et de « tous dans un même navire », ou dégagera-t-il une nouvelle direction autonome capable de barrer la voie à toute partie tierce prétendant à la configuration de la vision du parti et à la formulation de ses décisions.

Une partie des cadres avance que la réflexion sur les thèses doctrinales et politiques à la hauteur de l’étape à venir doit précéder, pour en déterminer la forme, la restructuration du parti. Mais pareil débat, pour être efficient, doit se dérouler sous les auspices d’une direction légitime et non pas d’une direction responsable de l’échec électoral et politiquement démissionnaire. Son argumentaire est que les thèses politiques, quel qu’en soient la qualité et le nombre, restent tributaires des directions qui peuvent les activer, les annihiler ou les adapter selon leurs besoins ou désidératas.

Sous la direction de Abdalilah Benkirane, le mot d’ordre était à la lutte démocratique pour affronter le PAM. Une fois Chef du gouvernement le mot d’ordre a été adapté en « partenariat pour l’édification de la démocratie ». Avec Saad Dine El Otmani, a disparu tout ce qui se rapporte à la démocratie, seule la préservation du partenariat a prévalu. Aujourd’hui, après la débâcle électorale, certains aspirent au retour à la « lutte pour la démocratie. Sans groupe parlementaire, ni gestion communale, ni syndicat représentatif, autrement sans armes ni crocs. 

Et quoi qu’il advienne, l’avenir du PJD, comme d’habitude, est entre les mains de la direction. C’est à elle qu’il appartient de le configurer. Les tendances conservatives, qui craignent toujours la scission et veulent rester unies préserver le projet réformiste, n’ont pour alternative que conserver les commandes. Une démarche susceptible de les sauver, mais aussi de nature à les couler davantge. 

 

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