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Trump, le Maroc et les nouveaux équilibres : une sérénité renforcée – Par Abdelhamid -Jmahri

Un haut responsable diplomatique marocain, interrogé par l’auteur du texte, affirme que les critères structurels décisifs dans la relation américano-marocaine sont définis par le président des États-Unis lui-même et traduits par son entourage proche
La recomposition de l’équipe diplomatique autour de Donald Trump, avec les nominations stratégiques de Mike Waltz à l’ONU et de Marco Rubio aux Affaires étrangères, alimente l’optimisme du Maroc. Abdelhamid Jmahri y voit le signe d’un alignement renouvelé des priorités américaines sur ses intérêts, en particulier sur la question du Sahara, où la diplomatie marocaine table sur une continuité stratégique favorable.
Une configuration américaine perçue comme gagnante pour Rabat
Une large partie des élites politiques et médiatiques marocaines n’a pas hésité à voir dans la nouvelle configuration de l’administration américaine un atout stratégique majeur pour le Royaume dans la gestion de son dossier prioritaire : la question du Sahara. Cette lecture optimiste s’est fondée sur deux nominations clés décidées par Donald Trump : celle de son conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz, comme ambassadeur permanent des États-Unis auprès des Nations Unies (un poste équivalent à un ministère dans l’administration américaine), et celle de Marco Rubio, nouveau chef de la diplomatie américaine, chargé temporairement de superviser le dossier.
Mike Waltz est considéré comme le véritable « interprète » de la doctrine Trump en matière de sécurité nationale et d’équilibre des puissances internationales. De ce fait, son positionnement à l’ONU est perçu comme un atout supplémentaire pour la diplomatie marocaine, tant il est fidèle et proche de l’ancien président Trump. Il avait d’ailleurs reçu, au début du mois d’avril, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, juste avant que Marco Rubio n’annonce un changement concret et opérationnel dans la gestion américaine du dossier du Sahara, que Washington supervise historiquement au Conseil de sécurité.
La rencontre entre Waltz et Bourita, à la veille de la session annuelle du Conseil de sécurité sur le Sahara, n’était ni protocolaire ni symbolique. Elle a précédé de quelques heures une annonce officielle américaine consolidant le soutien des États-Unis à la souveraineté du Maroc sur le Sahara, confirmé dès le premier mandat de Trump. Cette fois, l’appui s’est précisé autour de la reconnaissance de l’autonomie comme seule solution sérieuse au conflit, conformément aux résolutions onusiennes, y compris la plus récente (2703), qui appelle à une solution dans un délai raisonnable, avec un engagement de Washington à faciliter les négociations entre les parties concernées : le Maroc, l’Algérie, le Polisario et la Mauritanie.
Un communiqué succinct mais clair a suivi les rencontres entre Waltz, Rubio et Bourita, insistant sur la profondeur stratégique du partenariat entre les États-Unis et le Maroc, et sur leurs priorités communes en matière de sécurité et de stabilité régionales.
Waltz et Rubio : relais d’une doctrine pro-marocaine
La nomination de Mike Waltz à l’ONU, selon les observateurs et décideurs marocains, place donc un expert de la doctrine Trump au cœur du dispositif diplomatique onusien, chargé de mettre en œuvre la nouvelle approche américaine sur le Sahara, en coordination étroite avec Marco Rubio.
Il convient de rappeler que ce dernier a déclaré à plusieurs reprises – notamment lors de son audition au Congrès pour la confirmation de sa nomination, en janvier 2024 – que le Maroc constitue à ses yeux un modèle de stabilité régionale et continentale, ainsi qu’un partenaire fiable. Le Royaume occupe selon lui une place prioritaire dans la stratégie régionale américaine au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, et dans la bande sahélo-saharienne. Le partenariat bilatéral s’étend de la lutte contre le terrorisme à la coopération militaire**, comme en témoigne l’exercice « African Lion » avec l’OTAN, en passant par la coordination sur plusieurs dossiers régionaux sensibles.
Le fait que Marco Rubio cumule les portefeuilles des Affaires étrangères et de la Sécurité nationale n’est pas anodin. Il s’agit de la première double nomination de ce type depuis Henry Kissinger dans les années 1970, architecte de la diplomatie réaliste américaine et figure tutélaire de la stratégie géopolitique. Cette configuration reflète la nécessité, pour l’administration américaine, d’une vision à double vitesse : une diplomatie immédiate, réactive et courte dans le temps, incarnée par le ministère des Affaires étrangères, et une réflexion à moyen et long termes, portée par le conseiller à la sécurité nationale.
Waltz et Rubio incarneraient ainsi une complémentarité stratégique. Le premier analyse les tendances de fond et les dynamiques structurelles ; le second manœuvre dans l’instant diplomatique. Mais tous deux convergent vers une même direction : renforcer l’ancrage du Maroc comme allié stratégique dans une région traversée par de multiples tensions, et faire du dossier du Sahara un levier majeur pour redessiner les équilibres régionaux.
En somme, pour Rabat, le retour de Trump dans le jeu diplomatique mondial s’annonce porteur de continuités stratégiques favorables, notamment avec des personnalités comme Mike Waltz et Marco Rubio aux postes clés. La sérénité marocaine repose ainsi sur un réseau de convictions partagées au sommet de l’État américain.
Marco Rubio réussira-t-il ? Attendons pour voir. En attendant, le Maroc le considère comme le second pilier d’un duo étroitement coordonné, lui et Mike Waltz appartenant tous deux à la nouvelle génération du Parti républicain (nés dans les années 1970). Ils ont collaboré ensemble dès 2016, lorsqu’ils s’étaient soutenus mutuellement face à Donald Trump lors des primaires républicaines. Tous deux sont élus au Congrès et disposent d’un poids réel dans les dossiers de politique étrangère et de défense, siégeant dans les commissions concernées des deux chambres. Ils partagent en outre une lecture commune des questions internationales et des nouveaux équilibres géostratégiques, notamment avec la montée en puissance de la Chine et les répercussions de l’activisme russe, bien qu’ils puissent diverger sur certains points.
Trump, continuité stratégique et assurance pour le Maroc
Les deux hommes seront directement impliqués dans le dossier du Sahara marocain. On attend d’eux qu’ils activent le plan américain à ce sujet, l’un depuis le Conseil de sécurité (Waltz), l’autre en dehors de cette enceinte (Rubio), tout en accompagnant l’envoyé spécial du président Trump pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, l’américano-libanais Massad Boulos. L’approche repose sur un principe fondamental : le Sahara marocain est au cœur de la stabilité et de la sécurité régionales. Ce même principe guide le Maroc dans son analyse des évolutions internes américaines, des prises de position officielles, et dans la définition de ses partenariats stratégiques.
Un haut responsable diplomatique marocain, interrogé par l’auteur du texte, affirme que les critères structurels décisifs dans la relation américano-marocaine sont définis par le président des États-Unis lui-même et traduits par son entourage proche. En ce sens, les orientations sont déjà tracées, d’autant que « Waltz comme Rubio entretiennent de bonnes relations avec la diplomatie marocaine ».
À la question : le Maroc a-t-il à gagner de ce redéploiement, notamment avec la nomination de Mike Waltz à l’ONU ? La réponse est sans équivoque : « le Maroc n’en sortira pas perdant ».
Concernant l’annonce officielle de la nomination de Mike Waltz par Trump, relayée par la presse, le vice-président DJ Vance y voit une promotion, d’abord parce que le poste d’ambassadeur à l’ONU nécessite obligatoirement l’approbation du Congrès, ensuite parce qu’il est intervenu dans un contexte délicat lié à des fuites militaires concernant les Houthis, qui aurait pu signer la fin politique de Waltz. Et surtout, Trump n’a exprimé aucun désaccord public avec son conseiller, contrairement à ce qu’il avait fait avec John Bolton lors de son premier mandat, ce dernier ayant multiplié les initiatives hostiles, voire ouvertement adverses, à l’encontre du Maroc.
Autant d’éléments qui renforcent la sérénité de Rabat.