La résolution 2703 sur le Sahara : La double déception d’Alger - Par Bilal TALIDI

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Le ministre des AE algérien Ahmed Attaf

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La résolution 2703 relative au différend sur le Sahara marocain, adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 30 octobre dernier, a mis un terme à l’espoir d’Alger qui misait sur la France pour enrayer les progrès diplomatiques du Maroc dans le dossier de son intégrité territoriale. Cette résolution a clairement mis un terme à une situation d’équivoque et de confusion ayant entouré, au départ, un éventuel changement de position de Paris, voire de Washington, au sujet du conflit du Sahara.

Une lecture minutieuse de cette résolution permet de conclure qu’elle traduit le trend positif et favorable à la position marocaine, depuis la résolution 2602 que le Conseil de sécurité a adoptée en 2021. Mieux, l’adoption de la nouvelle résolution 2703, qui s’inscrit dans le prolongement des deux résolutions précédentes de 2021 et 2022, indique que la brouille franco-marocaine, en particulier, n’a pas affecté la position française au sujet du conflit du Sahara. A contrario, l’Algérie, qui s’est tant investie à ériger ses rapports avec la France au rang de «relations stratégiques et d’exception» semble sortir bredouille en échouant dans l’incitation de Paris à prendre une position hostile à Rabat.

Le Maroc, par la voix de son ministère des AE, Nasser Bourita, ainsi que de son ambassadeur Représentant permanent auprès de l’ONU Omar Hilale, a considéré que la nouvelle résolution est une victoire pour le Royaume et ses positions sur au moins trois niveaux. 

Le premier pour avoir conforté le soutien international au plan marocain d’autonomie (plus de 100 pays favorables, plus d’une trentaine de consulats généraux ouverts à Dakhla et à Lâayoune, plus de 84 pays membres de l’ONU ne reconnaissant pas le Polisario). 

Le deuxième pour avoir identifié les parties principales au conflit et mis à nu la non implication directe prétendue par Alger, pays cité à six reprises, soit en tant que partie principale tenue d’assumer ses responsabilités dans la recherche d’une solution définitive au différend, soit en tant que principale partie prenante à la formule des tables rondes préconisées par l’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour progresser vers une solution. Naturellement, cette citation à comparaître n’arrange pas Alger qui prétend n’être concerné ni par les tables rondes ni par une éventuelle participation à cette formule de négociation. 

Le troisième niveau, enfin, tient au fait que la résolution a consacré la nature du processus et en a conforté la finalité, pour avoir souligné qu’un règlement définitif ne peut être qu’une «solution politique, réaliste, pragmatique, durable et basée sur le compromis», ce qui appuie l’initiative marocaine d’autonomie déjà qualifiée par la même résolution de «sérieuse et crédible».

Fait inhabituel, l’Algérie s’est emmurée dans le silence, son ministère des AE n’ayant accouché d’aucune réaction. Quand on sait par quelle virulence Alger s’en était pris à la résolution 2602 (2021) et à la France accusée d’avoir exercé des pressions sur le Conseil de sécurité, ce mutisme d’Alger ne peut qu’attiser la curiosité : que dissimule-t-il ?

Le double-choc occasionné au Palais El Mouradia par la position de la France, et ensuite par celle de Moscou, est une partie de la réponse.

La diplomatie algérienne pensait certainement que la conjoncture entre 2021 et 2023 ayant beaucoup évolué, installant les relations entre Rabat et Paris sous tension continue, couplée à une embellie des relations franco-algériennes, l’attitude de son homologue française allait suivre la même tendance avec un impact rectificatif de la position française de 2021 dénoncée par Alger. Mais non seulement Paris n’a pas changé de position, mais son explication du vote a enfoncé le clou en appuyant l’initiative marocaine, tout en montrant son irritation devant les atermoiements dans sa mise ne œuvre. 

L’autre déception d’Alger lui est venue de Moscou. Comptant sur une capitalisation de la visite du président Abdelmadjid Tebboune à Moscou et de sa cour maladroite à Poutine, l’Algérie nourrissait l’espoir d’obtenir, en échange, un appui favorable à «sa cause» dans la question du Sahara. Elle a ainsi entretenu l’illusion de voir Moscou, qui l’a pourtant lâché au dernier sommet des BRICS, lui fournir un lot de consolation en s’opposant frontalement à une résolution que la diplomatie russe estimait déséquilibrée. Moscou a préféré préserver son véto pour des sujets plus cruciaux.   

Le Polisario, dans le sillage d’Alger, a préféré fermer les yeux sur les avancées consacrées par les trois dernières résolutions du Conseil de sécurité, plutôt satisfaisantes pour la thèse marocaine, tant en ce qui concerne l’identification des parties au conflit que le format du processus et sa finalité. En lieu et place, il s’est laissé emporter par la nostalgie d’une histoire ancienne, rappelant des résolutions désuètes du Conseil de sécurité, reflétant des rapports de force révolus.

C’est dans cette désillusion qu’il faudrait peut-être inscrire l’acte terroriste du 29 octobre contre la ville d’Es-Semara, la veille donc de l’adoption au Conseil de sécurité de la nouvelle la résolution 2703. 

Le Maroc a soumis l’affaire pour enquête au Parquet compétent, sans en imputer la responsabilité à une quelconque partie avant l’aboutissement des investigations. Mais ce qu’il est intéressant de noter, c’est que les Forces Armées Royales ont été tenues à l’écart de cette enquête, l’objectif étant d’examiner d’abord l’hypothèse d’une attaque locale et d’éliminer momentanément celle d’une agression au-delà du Mur de défense. 

La revendication de cette attaque terroriste par le Polisario n’a pas changé grand-chose à la position marocaine pour qui, cette revendication témoigne encore une fois de l’implication du Polisario, sans pour autant entamer la poursuite sereine des investigations.

Cette nouvelle donne renseigne sur l’enlisement dans la stérilité de l’Algérie et du Polisario, notamment après le constat d’aucune évolution dans le sens espéré de position de la France, voire américaine, dans cette affaire. Le Conseil de sécurité de l’ONU a encore une fois insisté sur le rôle de l’Algérie en tant que partie au conflit. Elle devrait, à ce titre, assumer sa responsabilité pour parvenir à sa solution définitive et participer au mécanisme mis en place par l’Envoyé personnel du SG de l’ONU pour les négociations des parties (tables rondes). Il a ainsi et de facto exclu toute référence à l’option du référendum.

Il est fort possible que l’attaque terroriste contre Es-Semara préfigure une sorte de riposte que l’Algérie face à ses échecs diplomatiques. L’implication du Polisario et la réplique judiciaire actuelle du Maroc renvoient forcément au scénario que le Maroc a adopté au lendemain du blocage du passage d’El Guerguerat, en octobre 2020, tablant principalement sur le pondération, la  patience et la retenue pour conclure l’épisode sans dérapage, sans pour autant laisser cet acte, quel qu’en soit l’auteur, comme l’a déclaré l’ambassadeur du Maroc à l’ONU, « impunis».

 

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