Discours royal : au-dessus de la mêlée, au plus près du citoyen - Par Bilal TALIDI

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L’entièreté di discours a montré que l’intérêt royal dépasse l’horizon de réflexion des acteurs politiques et porte exhaustivement sur l’ambition d’asseoir la stabilité et de renforcer ses fondements. Le Souverain ne réagit pas aux petits calculs politiciens, mais scrute murement les perspectives en vue d’y puiser les voies et moyens de consolider les bases du vivre-ensemble et du vivre bien autant que faire se peut

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Le discours royal à l’occasion de la fête du Trône se sont accordés  a été un modèle du large spectre qui va de la réforme du Code de la famille à la main tendue à l’Algérie, en passant par la prédominance de la question sociale dans les préoccupations du Roi, la mise en garde de certains lobbies contre l’exploitation de la crise par la hausse des prix et l’appel à transformer les défis auxquels le Maroc est confronté du fait de la guerre russo-ukrainienne en opportunités pour la relance de l’économie nationale.

A noter en premier lieu que le discours royal s’est intéressé à ce qui est stratégique et a éludé toute allusion au conflit politique qui a éclaté récemment entre majorité et opposition, et entre des composantes de l’opposition et le ministère de l’Intérieur. De l’intendance !

Une lecture erronée

Les islamistes ont accueilli ce discours avec contentement, le Roi s’étant rangé du côté du référentiel islamique pour trancher la controverse autour du Code la famille, tout comme lors de la polarisation tranchée entre les marches de Casablanca et de Rabat en mars 2000. Le Souverain a réitéré sa célèbre règle : «En qualité d’Amir Al-Mouminine (...), Je ne peux autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a permis».

Mais ce n’est guère suffisant pour expliquer la satisfaction des islamistes. L’absence de commentaire royal sur les dynamiques politiques à l’œuvre, et plus particulièrement la toute dernière polémique entre le PJD et le ministère de l’Intérieur qui a mouché Abdalilah Benkirane sur son commentaire des résultats des législatives partielles, les islamistes ont voulu y voir un signe rassurant. Et le fait que le rapport du Wali de Bank Al-Maghrib ait cité 2021 comme une année d’amélioration des indicateurs économiques a été perçue par les dirigeants du PJD, du moins les précédents, comme un satisfecit cautionnant leur gestion gouvernementale.

D’aucuns sont tentés de considérer ces données comme des indicateurs qui révèlent l’échec des forces modernistes dans la bataille pour l’égalité homme-femme dans l’héritage, voire une victoire des islamistes et de leur attachement à faire de la charia et de ses finalités comme socle de toute révision de la Moudawana. Ils pourraient tout aussi bien présumer que la référence du discours royal au rapport de Bank Al-Maghrib comme une louange à la gestion précédente et, en creux, une critique de la gestion actuelle. 

Ce serait toutefois aller un peu vite en besogne et une lecture erronée. Ces interprétations demeurent, en effet, celles d’acteurs politiques qui tentent de s’appuyer sur des paragraphes du discours royal pour conforter leurs positions, ou cherchent plutôt à entraîner le Roi et la monarchie dans l’appui à leur position dans la guéguerre politique.

Une approche transcendante 

Cette herméneutique politicienne ne tient pas la route. La vision royale transcende les positions des acteurs politiques. Elle est sous-tendue par une orientation stratégique à long terme qui rend factice toute lecture tronquée des axes du discours. Ce dernier doit, en effet, être appréhendé de manière systémique subordonnée à un fil conducteur qui concentre résolument l’intérêt royal sur les questions stratégiques et vitaux du Royaume.

Les axes du discours s’articulent tous autour des défis de la stabilité. La révision de la Moudawana est mise à l’abri de l’éclatement du corps social en deux groupes, l’un moderniste et l’autre conservateur, un antagonisme comportant le risque d’ébranler les fondements du vivre-ensemble et de la cohésion de la société. Sans pour autant négliger l’application rigoureuse des dispositions du Code de la famille de 2004 et la révision si besoin de certains articles défaillants, n’hésitant pas chemin faisant à montrer du doigt le conservatisme de certains hommes de loi.  

Il en est ainsi aussi de la question sociale, avec tous ses impératifs. Qu’il s’agisse de l’opérationnalisation diligente du Registre Social Unifié pour faciliter l’octroi du soutien aux catégories cibles, de la généralisation de la couverture sociale, des mesures d’allègement des souffrances de larges catégories sociales, ou de la ferme lutte contre des groupes de pression qui cherchent à profiter de la crise pour augmenter les prix et ralentir la dynamique du développement du pays, toutes ces mesures participent du souci majeur de décongestionner la tension sociale et d’écarter ses menaces sur la paix et la stabilité sociale.

L’appel à transformer les défis nés des répercussions de la guerre russo-ukrainienne en opportunités pour servir la relance économique et renforcer le tissu entrepreneurial s’inscrit également dans la détermination de prémunir le pays des risques des déséquilibres et de l’instabilité économiques.

La main tendue à l’Algérie, l’exhortation des Marocains à préserver l’esprit de fraternité, de solidarité et de bon voisinage qui les anime à l’égard des frères algériens ; ainsi que l’aspiration à œuvrer avec la présidence algérienne pour tourner la page du conflit représentent, au fond, une réponse aux menaces potentielles qui pèseraient sur la stabilité régionale, susceptibles d’emporter l’ensemble de la région dans la tourmente de l’instabilité et de compromettre la relance des économies de ses pays.

Une perception globale des problèmes

L’entièreté di discours a montré que l’intérêt royal dépasse l’horizon de réflexion des acteurs politiques et porte exhaustivement sur l’ambition d’asseoir la stabilité et de renforcer ses fondements. Le Souverain ne réagit pas aux petits calculs politiciens, mais scrute murement les perspectives en vue d’y puiser les voies et moyens de consolider les bases du vivre-ensemble et de vivre bien autant que faire se peut, les temps ne sont pas faciles. 

Les cheminements de l’analyse pertinente de la nature de la crise que vit le Maroc, conduit le Roi à convoquer pour l’expliquer les répercussions de la guerre russo-ukrainienne, mais aussi à en attribuer une bonne partie à des lobbies mus par le seul profit personnel, qui découragent les investisseurs, notamment extérieurs, et ralentissent le développement du pays.

Et s’il n’échappe pas au Souverain que des parties en Algérie seront enclins à considérer la politique de la main tendue comme «une adulation, une ruse voire une défaite et un échec de la politique du Makhzen», réaction épidermique déjà vue, il ne s’interdit pas de réitérer son appel à tourner la page du conflit et à engager un dialogue sans conditions dans le temps et le lieu que choisirait l’Algérie, constamment conscient qu’il est de ce qui est stratégique et essentiel et indifférent au secondaire et au futile. Car les défis qui planent sur la stabilité de la région et les besoins de ses économies en termes de résilience et de relance sont au-delà des petites querelles dont le temps a démontré l’inutilité et l’inefficience.

Au-delà des considérations d’ordre macro-économique et géopolitique, il n’est pas inintéressant de se pencher sur l’accueil réservé par l’opinion publique au discours royal, tant les gens aspirent à des mesures concrètes pour alléger leurs souffrances et renforcer leur pouvoir d’achat.

Le Roi a commencé par rappeler les actions menées par l’Etat durant la difficile conjoncture du Covid-19 et les mesures prises pour alléger l’impact de la sécheresse. Il a donné ses instructions pour l’opérationnalisation rapide du Registre social unifié qui permettra de définir les bases et les mécanismes d’octroi du soutien aux couches démunies. Le Souverain veille également à l’action du gouvernement en matière d’application de ses orientations relatives à la généralisation de la couverture sociale et donne ses instructions aux autorités et à l’administration territoriale pour prendre les mesures nécessaires à la lutte contre les hausses des prix.

En réalité, le Roi a dit avec la plus grande clarté ce que les gens pensent et ressentent. Il a été à la fois au-dessus de la mêlée et au plus près du citoyen. 

Les Marocains savent qu’ils ne vivent pas dans des conditions normales et que la crise a forcément des retombées. Mais ils considèrent qu’ils souffrent plus que d’autres du fait que certaines parties sont entrées sur la ligne de la crise et tentent de réaliser des profits personnels, quitte à approfondir davantage les souffrances sociales.

Aujourd’hui, la balle est dans le camp du gouvernement, car c’est à lui que revient la charge d’accélérer ce qui reste dans son agenda social (Registre social unifié, couverture sociale). Le ministère de l’Intérieur et les autres institutions concernées sont appelés, au cours des prochains jours, à rassurer la société, en montrant aux Marocains leur capacité à lutter fermement contre les lobbies qui profitent de la crise, grèvent le développement du pays et mettent à mal le pouvoir d’achat des citoyens.

 

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