C’était la Tunisie – Par Mohamed Tantaoui

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Comment les partis politiques et les syndicats tunisiens vont réagir à cette mise en danger de l’existence de leur pays. La société civile ? Les élites ? Le patronat ? Et l’Armée tunisienne va-t-elle continuer à suivre, pendant longtemps encore, les dérives de ce docteur Folamour sans réaction salvatrice. Il y a des raisons d’en douter.

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Par Mohamed Tantaoui

Ce que l’on peut d’ores et déjà mettre à l’actif du Président tunisien Kaïs Saïed — ou du moins ce qu’Histoire en retiendra probablement — c’est qu’il a réussi à vassaliser la Tunisie au service des généraux algériens en deux temps trois mouvement.

Son accueil, officiel et protocolaire, à l’occasion de la Ticad 8, du chef des séparatistes du Polisario a aligné la Tunisie sur une thèse que l’Algérie n’a pas réussi à vendre en 45 ans, à savoir celle de la création au Maghreb d’un 6ème Etat, un fail state, et l’amputation du Maroc du 1/3 de son territoire national.

Sur ce dossier la Tunisie a toujours navigué à vue, avec une diplomatie habile et inspirée, sans vouloir susciter l’ire d’aucun de ses puissants voisins. Malgré la pression d’Alger parfois irrésistible, malgré Gafsa en 1980, malgré les coups tordus sous couvert de terrorisme islamiste dans le mont Chaambi, malgré une invasion d’espions algériens sur tout le territoire du pays et dans tous les secteurs, la Tunisie avait tenu bon.

Tout ce capital de lutte permanente pour l’indépendance, l’autonomie et la souveraineté de la Tunisie, a été dilapidé par un Président à la légitimité contestable, à la trajectoire illisible et à l’attachement au droit — un comble pour un professeur de droit constitutionnel — à géométrie variable. Il vient de transformer la Tunisie en la 49ème Wilaya d’Algérie. Cette soumission à un protectorat algérien ne se fera pas sans conséquences.

Si on ajoute à cela le démantèlement systématique des acquis du printemps arabe — et même certains acquis du bourguibisme—, la dissolution du parlement, l’institution d’une justice d’exception, l’installation d’un pouvoir autocratique sans contre-pouvoir démocratiques par biais d’une constitution boycottée par 70% des Tunisiens, la boucle est bouclée.

Ce que les généraux algériens savent le mieux exporter c’est la guerre civile. La dernière chez eux a fait plus de 250 000 victimes. Celle qui se profile en Tunisie sous le mode libanais ou libyen fera combien de victimes ? Kaïs Saïed dans son infinie ignorance géopolitique ne sait pas que désormais toutes les puissances régionales vont mettre le doigt dans le pot de confiture tunisien. Le résultat est connu d’avance. Pense-t-il que le Qatar ne bougera pas pour sauver ses alliés d’Ennahda ? Les turcs également ? Croit-il que les Emiratis et Saoudiens vont rester inerte sur cette mise sous tutelle algérienne de la Tunisie. La France, la Chine, la Russie, les USA finiront fatalement par se prendre à ce jeu de massacre. La France pour sauver « la démocratie tunisienne modèle du monde arabe » ! La Russie, les USA et la Chine pour rester dans le jeu continental et pour défendre leurs intérêts. Nous voyons déjà cette mécanique mortifère à l’œuvre chez le voisin libyen. Kaïs Saïed a ouvert les portes de l’enfer sur la paisible Tunisie.

Comment les partis politiques et les syndicats tunisiens vont réagir à cette mise en danger de l’existence de leur pays. La société civile ? Les élites ? Le patronat ? Et l’Armée tunisienne va-t-elle continuer à suivre, pendant longtemps encore, les dérives de ce docteur Folamour sans réaction salvatrice. Il y a des raisons d’en douter.

Pour 300 millions de dollars non libérés par des généraux algériens psychopathes, Kaïs Saïed a vendu le pays, annihilé sa démocratie, dégradé sa diplomatie, ruiné son image dans le monde. Il faut vraiment être doué pour arriver à ces résultats catastrophiques en si peu de temps.

Maintenant croyez-vous que la nouvelle position de la Tunisie aura une conséquence quelconque sur le dossier du Sahara marocain ? Aucune. Le Sahara est marocain et il le restera. La vraie question, du moins la plus pertinente, à se poser est de savoir si la Tunisie restera tunisienne après cette pantalonnade de Kaïs Saïed ? Il est permis d’en douter. Car le problème de fond n’est pas le Sahara marocain — la nation marocaine unie s’occupe de sa cause sacrée — mais que va devenir la Tunisie de Kaïs Saïed ? Serat--elle toujours viable ? Pour combien de temps ? Comment réagiront les Tunisiens au démantèlement de l’Etat, de la démocratie et de leur souveraineté nationale ?

Il est très peu probable qu’un peuple aussi cultivé, authentique et légitime que le peuple tunisien laisse faire encore longtemps Kaïs Saïed sous la tutelle ostentatoire et cynique des généraux fous d’Alger. Sinon ils détruiront la Tunisie, comme ils ont détruit l’Algérie.

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