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France: Marine Le Pen mise sur la ''haine'' de Macron pour remporter la présidentielle

Des manifestants brandissent une banderole "Quand tout sera privé, nous serons privés de tout" sur un balcon surplombant un rassemblement du président français et candidat centriste du parti La République en Marche (LREM) à sa réélection, Emmanuel Macron, lors du dernier jour de campagne, à Figeac, dans le sud de la France, le 22 avril 2022, avant le second tour de l'élection présidentielle française. M. Macron affronte le candidat du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN) l
A deux jours du second tour de la présidentielle en France, la candidate d'extrême droite Marine Le Pen mise pour l'emporter sur l'hostilité d'une rare violence suscitée chez certains par le président sortant Emmanuel Macron, dans un pays réputé pour sa relation d'amour-haine à ses dirigeants.
Lors de son dernier meeting de campagne jeudi soir, Mme Le Pen a intensifié ses attaques sur la personnalité d'Emmanuel Macron, l'accusant d'avoir fait preuve de condescendance et "d'une arrogance sans limites" lors du débat télévisé d'entre-deux-tours.
"Chacun, hier soir, a compris qu'Emmanuel Macron n'aimait pas les Français, et tout particulièrement ceux qui ne sont pas d’accord avec sa politique", a-t-elle dit.
Les haussements de sourcils du président sortant et son ton offensif lors du débat - il a de manière répétée attaqué Mme Le Pen et affirmé que son programme "n'a aucun sens" - ont depuis été largement commenté par les analystes.
"Le président était par moment assez inutilement agressif", estime auprès de l'AFP Jean-Yves Camus de la Fondation Jean-Jaurès.
Un rejet viscéral
Rien de nouveau dans ces critiques pour le plus jeune président de la République française, diplômé de la prestigieuse Ecole nationale d'administration (ENA), pur produit du système et ex-banquier d'affaires. Ce qui est ressenti chez lui comme de l'arrogance est un point faible qui le poursuit depuis le début de sa carrière politique.
Son côté clivant a suscité de très nombreux articles, livres et commentaires sur les plateaux télé, summum atteint lors des manifestations du mouvement social des "Gilets jaunes" en 2018 et 2019. Les violences ayant émaillé ces manifestations - et le nombre élevé de blessés, notamment des personnes éborgnées par des tirs d'armes anti-émeutes des forces de sécurité - ont profondément choqué une partie des Français.
"Il y a une sorte de haine qu'il concentre et que nous n'avions jamais rencontrée auparavant", explique à l'AFP le journaliste Nicolas Domenach, qui a écrit deux livres sur le président sortant.
"Ça revenait au cours de ce quinquennat, par moments de manière brutale" et cela "menaçait de revenir n'importe quand, ou à n'importe quel moment", ajoute le coauteur de "Macron, pourquoi tant de haine ?".
Seul l'ancien président Charles de Gaulle avait suscité un rejet aussi viscéral par une partie de la population lorsqu'il était au pouvoir, poursuit M. Domenach, principalement à cause de l'indépendance accordée à l'Algérie en 1962, une décision vue par ses détracteurs comme une trahison.
Cependant, jusqu'à présent, M. Macron devance Marine Le Pen dans les sondages de 55% contre 45%.
Haine de classe
L'image que dégage Emmanuel Macron déplaît à certains, tout comme son ton et l'impression d'un pouvoir ultra-centralisé.
Son passage par la banque Rothschild accentue sa réputation élitiste aux yeux de beaucoup.
Pour un certain nombre de Français, son parcours et ses sorties perçues comme méprisantes - les gens "qui ne sont rien", les "fainéants" réfractaires à toute réforme ou la prétendue possibilité pour les chômeurs de "trouver du travail en traversant la rue" - l'ont fait apparaître trop déconnecté de leur réalité quotidienne.
"Il cristallise la haine de classe qui puise ses racines dans la société française", commente l'historien Jean Garrigues, qui étudie le rôle de la haine en politique.
"Il apparaît pour certains comme une forme archétype de la France des privilégiés, des élites, la France des riches", déclare-t-il à l'AFP.
Les nombreuses manifestations contre Emmanuel Macron ont plusieurs fois fait référence à la Révolution française de 1789 qui a vu la monarchie déposée et le roi Louis XVI décapité.
Lors de certaines manifestations de "Gilets jaunes", des mannequins à l'effigie de M. Macron ont même été guillotinés en public. Des portraits ont été plantés au bout de piques.
"Il y avait une dimension révolutionnaire, un esprit insurrectioniste", a indiqué à l'AFP Igor Maquet, un vétéran des manifestations de "Gilets jaunes" à Nantes (ouest de la France).
-"Macron aime les gens"
Marine Le Pen a choisi de se présenter comme la voix des opprimés, alors que - avocate de formation - elle est elle-même issue d'un milieu familial parisien privilégié et héritière du parti co-fondé par son père, Jean-Marie Le Pen.
Malgré cette détestation d'une partie des Français, M. Macron, centriste-libéral, réalise de meilleurs scores dans les sondages que Mme Le Pen qui, issue de l'extrême droite xénophobe, est jugée "inquiétante" par la moitié de la population française.
L'entourage de M. Macron est exaspéré de l'image qu'il dégage, qui contraste, selon eux, avec l'homme charmant et aimable qu'ils affirment côtoyer en privé.
"Macron aime les gens", a récemment affirmé à l'AFP un député de haut rang, qui ajoute que le président et son épouse Brigitte étaient gênés par le "fossé" qui s'est creusé selon eux entre sa véritable personnalité et son image publique.