L’UNION EUROPEENNE EST-ELLE RACISTE ? – Par Gabriel Banon

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Ce que Josep Borrell fait semblant d’ignorer, c’est que contrairement à la Russie, l’Europe a volé et continue de voler les ressources du monde en Asie et en Afrique, au détriment de leurs habitants

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L'AMBASSADEUR AUJOURD'HUI – Par Gabriel Banon

Un 28 juillet 1885, Jules Ferry, maire et député de Paris déclarait à l’Assemblée Nationale à propos des fondements de la politique coloniale de la France : « Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures..., »

Voilà que le 4 novembre 2022, Monsieur Joseph Borrell, Vice-président de la Commission européenne, Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, lors de son discours au Collège d'Europe, décrivait l’Europe comme un jardin où tout fonctionne, désormais menacé par une jungle empiétant au-dessus des frontières européennes.

Les réflexes néocolonialistes ne semblent pas avoir quitté le discours des plus hauts responsables de l’Union européenne.

On se doit de considérer ces propos comme racistes et condamnables, surtout venant d’un responsable de la politique étrangère de l’Union. Cette déclaration faite aux futurs responsables de l’administration de Bruxelles ne dissimule-t-elle pas le néocolonialisme continu de l’Europe en Asie et en Afrique.

Je rappelle ci-après les termes de son allocution : « Oui, l’Europe est un jardin. Nous avons construit un jardin […] Le reste du monde – et vous le savez très bien, Federica [Mogherini] – n’est pas exactement un jardin. La plus grande partie du reste du monde est une jungle, et la jungle pourrait envahir le jardin. » Durs propos pour un socialiste espagnol originaire de Catalogne. 

Au XIXe siècle et pendant une grande partie du XXe, la métaphore favorite employée par les racistes colonialistes européens face au reste du monde consistait à souligner que l’Europe représentait la « civilisation », tandis que le reste du monde incarnait la « sauvagerie » et la « barbarie ».

Les amérindiens ont été décrits très tôt comme des sauvages lors de la ruée vers l’Ouest en Amérique du Nord. Toute résistance aux génocides coloniaux de l’Europe, à l’époque ou plus tard, était considérée comme de la barbarie.

John Stuart Mill, sommité libérale européenne de l’époque s’exprimait ainsi : « Les nations qui sont encore barbares n’ont pas dépassé la période durant laquelle il est probablement dans leur intérêt d’être conquises et soumises par des étrangers. »

En 1848, même Alexis de Tocqueville était avant tout préoccupé par le sort des Américains blancs si les esclaves venaient à être libérés. 

 Le racisme encore vivace en Europe ne semble pas avoir dissuadé Josep Borrell de croire à l’image idyllique qu’il se fait de l’Europe.

 C’était lors de son discours d’ouverture à l’Académie diplomatique européenne que Borell a asséné sa métaphore impérialiste et raciste, la semaine dernière à Bruges. Il a interpellé en ces termes l’experte italienne en islam et ancienne communiste Federica Mogherini, directrice du Collège d’Europe, ancienne Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

 Il lui fait part de ses craintes : « La jungle a une forte capacité de croissance, et le mur ne sera jamais assez haut pour protéger le jardin. »

Comme Alexis de Tocqueville avant lui, le principal souci de Josep Borrell est que les habitants de la jungle n’envahissent pas le jardin.

Josep Borrell pense ceci : « Il y a une grande différence entre l’Europe et le reste du monde – enfin, par le reste du monde, vous comprenez bien ce que je veux dire, non ? – : c’est que nous avons des institutions fortes. […] La grande différence entre les pays développés et non développés n’est pas l’économie, ce sont les institutions. »

« Je ne peux pas aller dans les pays émergents et construire des institutions pour eux – elles doivent être construites par eux », a-t-il ajouté. « Sinon, ce serait une sorte de néocolonialisme. »

Le plus navrant dans ces propos, c’est qu’ils font preuve d’une ignorance crasse des problèmes du colonialisme ainsi que du néocolonialisme de la part d’un si haut responsable de l’Union européenne.  

Ce qui est le plus déconcertant dans le discours de Borrell, ce n’est pas cette ignorance mais le fait qu’il pense qu’elle n’affecte que la « jungle » et non le « jardin ».

On dirait que ce ne sont pas les propres institutions coloniales et néocoloniales de l’Europe qui ont permis de construire ce « jardin » européen, grâce au travail des immigrés du « reste du monde » et aux richesses volées au « reste du monde ». Mais plutôt, selon Josep Borrell et les derniers suprémacistes blancs européens, grâce uniquement à l’ingéniosité fantasmée des Européens eux-mêmes.

Ce sont le colonialisme et l’esclavage qui ont construit le « jardin » européen – du Portugal à la France, en passant par la Belgique et les Pays-Bas 

Josep Borrellva dira plus loin : « Le monde a besoin de l’Europe. L’expérience que j’ai acquise en voyageant dans le monde entier montre que les gens nous regardent comme un phare. Pourquoi tant de gens viennent-ils en Europe ? Y a-t-il des flux de migrants illégaux ou irréguliers vers la Russie ? Pas beaucoup. Non, ils viennent en Europe, mais pour de bonnes raisons. » 

Ce que Josep Borrell fait semblant d’ignorer, c’est que contrairement à la Russie, l’Europe a volé et continue de voler les ressources du monde en Asie et en Afrique, au détriment des habitants de ces deux continents.

Winston Churchill lui-même avouait : « Nous ne sommes pas un peuple jeune au passé innocent et au maigre héritage. (….) Territorialement, nous avons tout ce que nous voulons, et notre prétention à jouir sans encombre de nos immenses et splendides possessions, acquises essentiellement par la violence, largement conservées par la force, parait souvent moins raisonnable aux autres qu’à nous-même. »

Il a déclaré en 1914 : « Nous avons accaparé une part tout à fait disproportionnée de la richesse et des échanges du monde. »

L’appel final lancé par Josep Borrell aux jeunes Européens n’est rien d’autre qu’une directive de plus les invitant à devenir de meilleurs racistes et colonialistes. Le plus sidérant dans cette affaire est le silence assourdissant des médias européens.

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