Le dernier roi de France - Par Seddik MAANINOU

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Emmanuel Macron – Manupiter s’est amusé à titrer une fois le journal français Libération, un surnom valise de Manu diminutif d’Emmanuel et piter qui termine Jupiter, dieu des dieux dans la mythologie romaine

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Décisions douloureuses – Par Seddik Maâninou

La crise des relations maroco-françaises focalise l’attention des politiciens, des journalistes et des universitaires qui en décortiquent les causes et les dessous. Leurs commentaires mettent à l’index l’intransigeance et l’arrogance de la «diplomatie macronienne». Ils retiennent dans ce registre tour à tour les mesures voulues punitives prises par le président français Emmanuel Macron en matière de réduction des visas, le retrait avant terme de l’ambassadrice de le France à Rabat, l’irruption intempestive de M. Macron à la Mosquée de Paris ou encore le «gel des relations bilatérales avec le Maroc ».

Obsession excessive

Des commentateurs pointent du doigt la fixation du président Macron sur l’Algérie qui tourne au tropisme - elle a commencé bien avant qu’il ne devienne président -, pour se réconcilier une ‘’une nation algérienne’’ sur l’existence de laquelle ‘’avant la colonisation française’’, il avait insidieusement émis des doutes publiquement. D’autres se sont interrogés sur la pertinence du déplacement, début octobre dernier à Alger, de la moitié du gouvernement français pour une visite qui s’est soldée par la conclusion de maigres conventions couvrant la recherche universitaire et la production cinématographique.

Selon toute vraisemblance, le président français cherche désespérément un ‘’exploit’’ pour immortaliser son passage à l’Elysée après un premier mandat entaché par une contestation populaire rarement vécue par ses prédécesseurs, dont le mouvement des Gilets jaunes a été le marqueur. 

Au cours de ce premier mandat, M. Macron s’est montré dépassé par la crise du coronavirus. Manque flagrant de masques, carence en lits d’hôpitaux, ratage magistrale du vaccin, polémiques sans fin sur sa gestion cahoteuse de la pandémie etc. Pour un pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, qui n’a cessé de voir son classement mondial se dégrader pour occuper le 7ème rang derrière l’Allemagne (4ème), le Royaume Uni (5ème) et la lointaine Inde (6ème), ce n’est pas très glorieux. 

Les débuts de son second quinquennat ne se sont présentés guère mieux. Réélection par défaut, entrée massive de l’extrême droite au Parlement, ratage de la majorité à l’Assemblée nationale, vote sanction de la moitié du peuple français à la présidentielle et aux législatives contre ses choix politiques et sociaux, retrait piteux des forces françaises du Mali, montée inexorable du rejet de la présence française en Afrique, convois militaires français bloqués par les populations africaines et le reste à l’avenant. 

Des images pour l’Histoire

On se souvient d’un Nicolas Sarkozy porté sur les épaules par les masses à son entrée à Benghazi, après la liquidation par l’aviation française du Colonel Kadhafi et la décimation de l’armée libyenne. L’ex-président français avait alors déclaré : «La France est à vos côtés pour un avenir heureux». Dix ans après ce discours euphorique, la Libye cherche toujours la voie de ces lendemains qui ne veulent toujours pas chanter. 

On se souvient aussi de François Hollande au milieu d’une immense foule à Bamako, scandant son nom et le remerciant pour son intervention militaire au Mali ; lui, les yeux embués de larmes, répondant : «C’est le plus beau jour de ma vie !» 

Et qui peut oublier l’image de M. Macron déambulant, chemise blanche immaculée, dans les artères ensanglantées de Beyrouth martyrisé, saluant les habitants et scandant sur un ton se voulant gaullien : «Je vous ai entendu, je suis avec vous et la France est à vos côtés».  Le même Macron s’est réuni ensuite avec les hommes politiques libanais les sommant de former un nouveau gouvernement dans les deux semaines qui suivent, révélant par-là même sa méconnaissance flagrante de la spécificité politique du pays du Cèdre.

La mémoire collective des populations de ces contrées conservent ces images sans suite, tapageusement relayées par les médias français. Reste la question de savoir si M. Macron pourrait aujourd’hui se rendre à Benghazi, à Bamako ou à Beyrouth ? Qu’y fera-t-il sinon constater que les peuples de ces pays ont perdu confiance en la France, défiance qu’ils ont exprimée dans des manifestations massives dénonçant la politique de son président.

Afrique du Nord

 En Afrique du Nord, la France a tourné le dos à la Tunisie et l’a abandonnée dans un engrenage d’interminables problèmes dont l’Algérie a usé pour faire main basse sur le pays au point de le réduire pratiquement en une wilaya algérienne. 

A l’égard du Maroc, M. Macron a pris une curieuse posture que des analystes expliquent par une multitude de raisons, dont l’efficacité de l’activité économique du Royaume en Afrique, la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté pleine et entière du Maroc sur ses provinces du Sud, la reprise des relations entre le Maroc et Israël, et le soutien de certains pays comme l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique au plan marocain d’autonomie, brisant son tête-à-tête avec le Maroc, que Paris entretenait à dessein dans ce dossier. L’ouverture de dizaines de consulats à Laâyoune et Dakhla, l’exercice par le Maroc de ses décisions souveraines et indépendantes et la diversification de ses relations avec de nouveaux partenaires en privilégiant les plus équitables, n’étaient pas non plus faits pour plaire à Paris. Ce qui n’empêche pas le Maroc de continuer d’accueillir des millions de Français qui préfèrent s’y rendre pour leur repos et leurs loisirs, et d’offrir les plateformes nécessaires à toutes les sociétés françaises qui veulent contribuer au développement du Royaume sur la base du principe gagnant-gagnant.

Une rente étrange 

En raison de la jonction de tous ces facteurs, qui semblent avoir pris de court l’Elysée, M. Macron s’est jeté dans les bras de l’armée algérienne en tentant, au cours de son second mandat, d’immortaliser son nom comme le premier président français à parvenir à «une réconciliation historique entre les deux pays» et à mettre un terme à la tension permanente entre Paris et Alger. Ce qui serait à son honneur et à son actif même si, ce faisant, M. Macron à contre sens des grands principes de ‘’ France des lumières’’, soutient un pouvoir militaire dont le régime détient dans ses geôles des centaines de citoyens, civils et militaires en désaccord avec les orientations d’une gérontocratie de généraux. 

Son obstination à courir derrière ce qui pourrait porter son nom au Panthéon des grands présidents français semble transformer M. Macron en un concentré d’entêtement et de vanité (jupitérien disent sarcastiquement ses concitoyens), jusqu’à le pousser à s’appuyer sur ce que l’histoire a périmé. M. Macron, sachant qu’il ne lui reste que quatre ans à parcourir, n’est plus ‘’ le maitre des horloges’’ qu’il a voulu orgueilleusement être, et presse le pas, sans vraiment donner l’impression de savoir quelle direction prendre. Le Maroc, lui, confiant, affichant sereinement des siècles au compteur, a du temps à donner au temps.

Avec mes marques de déférence à la mémoire de Jacques Chirac, le dernier roi de France. 

 

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