Abdallah Stouky tel qu’en lui-même, décryptage de Abdejlil Lahjomri

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La passion de Abdallah Stouky pour la littérature, l’art et la musique allait s’enrichir de ses périples, lui imprimant une sensibilité créative et sincère qui façonnera ses écrits et ses analyses tout au long de son parcours

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Lieux de mémoire (2ème partie) – Par Abdejlil Lahjomri

«Au cœur de la mort se perpétue la vie». Reprenant cet aphorisme de Mahatma Gandhi à la rencontre de fidélité à la mémoire de l’un des pionniers de la presse marocaine’’ Abdellah Stouky, le Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc a d’emblée donné le ton de son témoignage sur ‘’le parcours culturel et le legs médiatique responsable du défunt, marquant nos êtres et mémoire’’, étant certain que tous ce que l’on dira à son égard ne pourra pas rendre compte ‘’de l’immensité de son héritage, la pureté de son âme , la noblesse de son éthique et la grandeur de son engagement dans l’écriture et la vie.’’

Ecrit en arabe dans un style qui révèle combien le personnage, sa disparition et sa commémoration inspirent ce jour-là Abdejlil Lahjomri, Abdellah Stouky ressort de ce texte dans ses multiples dimensions : ‘’Il n’était pas uniquement un journaliste, mais un intellectuel porteur d’une opinion franche sur toutes les questions en relation avec le pays et ses gens, une plume rare toujours prompte de dire la vérité haut et fort, avec habileté et talent’’.

Un pionnier et un pilier

Sa destinée a voulu qu’Abdellah Stouky accompagne les évènements politiques, sociaux, culturels et médiatiques les plus saillants de son temps, à un moment où le pays avait immensément besoin de journalistes intellectuels en mesure d’accompagner de leurs opinions les mutations à l’œuvre au lendemain de l’indépendance. C’est une époque, rappelle Abdejlil Lahjomri, ‘’qui a vu la mise en place des fondements du nouvel Etat moderne qui, lui, avait besoin d’une presse d’opinion, dont Abdellah Stouky était l’un des piliers, intimement convaincu de l’impératif de sa préservation des influences idéologiques, alors même qu’au faîte de sa jeunesse, il avait cru aux promesses de «la Révolution Rouge», à ses visions et espérances qui l’ont conduit à Moscou pour nourrir ses convictions marxistes-léninistes. Ce ne fut cependant pas son unique préoccupation. La passion de Abdallah Stouky pour la littérature, l’art et la musique allait s’enrichir de ce périple, ajoute le Secrétaire perpétuel de l’Académie, pour lui imprimer une sensibilité créative et sincère qui façonnera ses écrits et ses analyses tout au long de son parcours ultérieur au journal Les Phares, à Maghreb Arabe Presse, à Lamalif et Souffles, et toutes les autres publications’’ qui lui doivent leur création à la fin des années 70, débuts des années 80.

Culture et obligeance

Abdellah Stouky était un journaliste éminent auquel les vicissitudes de la vie ont appris à se ranger du côté de la réalité et de l’opinion libre. Ce constat, Abdejlil Lahjomri l’utilise pour préciser que ‘’lorsque culture et l’obligeancese croisent chez une même personne, il en résulte un auteur qui ne connaît ni répit ni pour complaisance.’’ C’est pour cette raison rappellera le Secrétaire perpétuel de l’Académie que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a dit, dans le message de condoléances à la famille, partager leurs sentiments « suite à la perte d’un journaliste distingué appartenant à la génération des pionniers des hommes de médias qui ont contribué, grâce à leur compétence avérée, au développement de la presse écrite et à l’enrichissement de la scène médiatique nationale par d’importantes contributions reflétant l’énorme expertise qu’il a accumulée, son grand professionnalisme et sa riche culture», soulignant « le patriotisme du défunt, son attachement et son dévouement aux Glorieux Trône Alaouite et aux constantes de la Nation et à ses valeurs sacrées ».

A la faveur d’un grand professionnalisme, d’une vaste culture et de qualités humaines rares, Abdallah Stouky, dira encore Abdejlil Lahjomri, ‘’s’est forgé un style singulier d’écriture alternant avec habileté et aisance une langue arabe élégante et une maitrise parfaite du français, qui ont fait de lui une de ces belles plumes ayant marqué de leur sceau la scène médiatique du Maroc contemporain. Stouky ne s’est jamais départi de cette propension à constamment sublimer l’édition culturelle par un souffle de renouveau et de lumières, dont il a porté le flambeau avec détermination et angoisse, mais aussi grâce à une écriture étincelante et invariablement fidèle aux événements qu’il a vécus tout au long d’une carrière riche en rebondissements.’

La volonté de savoir

Le Secrétaire perpétuel en est convaincu : Abdellah Stouky nous aura légué deux enseignements majeurs :

-Le premier est celui de l’honneur de la parole, celle qui défriche les horizons à la recherche des valeurs d’un dialogue serein face à la complexité de la réalité et du destin.

-Le second consiste en l’attachement aux questions politiques et culturelles de la Patrie avec le souci de les transmettre de génération en génération pour parer à tout risque de déclin politique ou culturelle.

C’était comme pour nous dire que les prérequis d’une réflexion sur les affaires du monde contemporain, avec ses complexités assourdissantes et ses paradoxes pressants, exigent la maitrise de l’esprit du temps par la volonté de savoir.

Les deux enseignements d’Abdellah Stouky, portés par le souci d’élever la formation de l’homme, livrent, au regard de Abdejlil Lahjomri, ‘’une réponse pratique pour surmonter tous les obstacles, qu’ils soient politiques ou culturels, en vue de réussir le développement de l’économie et de la société, policer les comportements et raffiner les goûts.’’

La divergence en mode de vie

Le monde contemporain traverse de profondes mutations sociales, politiques, culturelles et médiatiques qui induisent des questionnements intellectuels et identitaires aux allures de grands challenges pour mieux comprendre l’importance et l’utilité du vivre-ensemble et l’intérêt de construire un projet culturel devant servir de pont à une vie apaisée qui, défiant les frontières et les césures, tient compte des exigences de l’époque et de ses défis renouvelés.

De cette observation, A. Lahjomri déduit que ‘’la pensée de Stouky, en tant que journaliste et intellectuel engagé, était [en conséquence] constamment rivée à la liberté d’une opinion qu’il a publiquement revendiquée par l’écrit comme par la parole. Il était convaincu que toute opinion émane fondamentalement du souci de contribuer au développement politique, culturel et social, et que la divergence des opinions est nécessaire à la gestion des différends, quels qu’en soient la nature, sur la base d’argument contre argument et du principe de la démocratisation de l’information au service du plus grand nombre’’.

Le Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume conclura qu’en revisitant l’ensemble du legs d’Abdellah Stouky, il est possible d’affirmer que nous sommes en présence d’une école de journalisme qui nous apprend comment faire confiance à l’avenir et à l’information que nous avons besoin de connaître, loin des tapages d’un jour qu’emporte le flot des parlottes d’un soir.

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