A Rabat, Derb kounessoule l’franecèsse, le gâchis d’une charge de l’histoire

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Une ancienne plaque de Derb Kounessoule l’franecèsse remplacée par une nouvelle aseptisée de sa charge historique

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Derb kounssoule l’francèsse (impasse du consul des Français). ‘’l’Francèsse’’, ainsi appelaient les Marocains les Français, à l’arabe, prononçant toutes xes lettres, une appellation dont Feu le Roi Hassan II usait quand il était énervé contre Paris et qu’aujourd’hui, Abdellatif Jouahri, Wali Bank Al-Maghrib, est l’un des rares à encore employer.

La demeure abandonnée (vidéo) 

Derb kounssoule l’franecèsse. C’est une impasse de la Rue des consuls qui ne paye pas de mine. La Rue des consuls plus communément connue des R’batis par Souk Tahti, haut lieu touristique, classé monument historique, célèbre pour son marché des tapis et ses produits artisanaux (maroquinerie, travail de bois, des métaux pour les bijoux). Sa plaque commémorative indique qu’il faisait partie de l’avenue almohade des origines qui relayait Bab Lakbir (le grand portail) de la Kasbah des Oudayas, le seul ouvert sur la façade est de Rabat, à Bab Tadla plus connue aujourd’hui par Bab Challa. Celle-ci donne aujourd’hui sur l’avenue Hassan II.

Louis Chénier à Souk Tahti

C’est dans une impasse de Souk Tahti, aujourd’hui encore la Rue des consuls (et pas des consulats), que Louis Chénier, père du poète André Chénier dont une école de la mission française à Rabat glorifie le nom, a élu domicile. Une belle bâtisse mauresque donnant sur le splendide panorama combiné qu’offre le Oued Bouregreg et son embouchure sur l’Atlantique, la Kasbah des Oudayas et Salé.  C’est là qu’il entamera la rédaction de l’un de ses trois ouvrages, publié en1787 : Recherches historiques sur les Maures et Histoire de l’empire du Maroc. Les deux autres sont consacrés à Révolutions de l'empire Othoman, et Observations sur ses progrès et sur ses revers et, sur l'état présent de cet Empire.

Avec l’occupation du Maroc par la France, la situation a changé et Paris qui avait désormais un résident général, n’avait plus besoin de diplomates pour la représenter. De toutes les manières, Louis Chénier qui a occupé ses fonctions à Safi, puis à Rabat et à Tanger entre 1767 et 1782 est chronologiquement loin de ces péripéties.

A l’indépendance, c’est à la Résidence, face au ministère des Affaires étrangères, récupérée par le Maroc et intégré au ministère de l’Intérieur, que l’ambassade de France s’installe tandis que le consulat prend ses aises dans un édifice en haut de l’avenue Allal Benabdellah avant d’abandonner cet édifice pour des lieux plus spacieux.

La perte d’une charge historique

L’ancienne résidence du kounessoule l’francèsse qui a donné son nom par la force de l’usage à l’impasse, comme beaucoup de venelles de la médina de Rabat portant le nom d’un de ses  habitants supposé illustre, est abandonnée. Assez longtemps pour que la maison qui comme la nature a horreur du vide, devient un haut lieu de squat. 

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La nouvelle plaque où Derb kounessoule l’franecèsse est devenu Derb Kounssoulyate Franeça. 

Mais depuis la fin de 2021, il semble qu’on ait décidé de la restaurer. On n’a pas réussi à savoir par qui, il faut dire qu’on n’a pas non plus trop cherché, l’essentiel étant ailleurs. On ne s’y intéresse pas parce qu’elle a été vidée de ses squatteurs, c’est normal, ni parce qu’elle a été murée en attendant sa restauration pour éviter qu’elle ne soit réoccupée. Non, mais parce qu’on l’a spoliée de ce qui faisait son charme et lui procurait une bonne partie sa charge historique : On a changé son ancienne plaque, elle-même héritière d’une précédente, portant l’appellation Derb kounssoule francèsse pour lui substituer une nouvelle avec l’inscription : Derb kounssoulyate Faraneça (Consulat de France). Un gâchis.         

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