L’hémophilie au Maroc, mieux connue, mieux traitée, mais encore insuffisamment, et des voies de guérison possibles

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Il est désormais possible de guérir de l’hémophilie grâce aux avancées thérapeutiques en matière de génie génétique, surtout pour l’hémophilie B les études cliniques ont déjà commencé à donner des résultats très prometteurs, on en est à la troisième phase des études cliniques, au cours de laquelle le traitement est testé chez les patients hémophiles

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Par Mohamed Achraf Laaraj (MAP)

Rabat, – "Accès pour tous : la prévention des saignements comme référence mondiale de soins" est le thème de la journée mondiale de l’hémophilie de cette année.

Cet appel à l’action en faveur des personnes atteintes d’hémophilie vise à assurer un accès plus large aux traitements, une meilleure surveillance et une prévention efficace des saignements, en vue de remédier aux difficultés liées aux troubles de coagulation.

Dans un entretien accordé à la MAP, le président du comité scientifique de l'Association marocaine des hémophiles, Pr Mohamed El Khorassani, explique que l’hémophilie est une maladie dite hémorragique héréditaire ou hémorragique constitutionnelle qui touche pratiquement les garçons, tandis que les filles uniquement porteuses de la maladie, la transmettent à leurs enfants.

L’hémophilie est liée à un manque de protéines, quand on ne fabrique pas deux protéines appelées facteur VIII et facteur IX, précise-t-il, distinguant entre "l’hémophilie A" en cas de manque de facteur VIII et "l’hémophilie B" quand c’est le facteur IX qui manque.

Ce sont ces protéines, avec d'autres protéines dans le sang, qui sont responsables de sa coagulation. Autrement dit, pour tout individu, en cas de blessure, le saignement s’arrête au bout de 2 à 3 minutes grâce à ces facteurs, ajoute-t-il, notant qu’en revanche, le sang ne s’arrête pas rapidement pour les personnes atteintes d’hémophilie, comme il leur manque ces protéines.

La différence entre les deux types est relative à la protéine qui manque et à la fréquence, car l’hémophilie A est la plus fréquente et représente 80% des cas d’hémophilie contre 20% des hémophiles B, indique Pr El Khorassani, soulignant que les deux se transmettent de la même manière, présentent les mêmes symptômes et nécessitent le même traitement sauf que le premier cas est traité par la molécule facteur VIII et le deuxième par la molécule facteur IX.

Pour ce qui est des cas d’hémophilie au Maroc, Pr El Khorassani indique que selon les statistiques, il existe 1.200 hémophiles qui sont diagnostiqués dans le pays, assurant que le traitement administré aux patients s’appelle "concentrés de facteurs" et qu’il s’agit de produits qui manquent dans le sang, les "molécules facteur VIII" et les "molécules facteurs IX" qui sont disponibles dans le Royaume.

Également responsable du programme national de l’hémophilie au niveau du ministère de la Santé et de la Protection sociale, Pr El Khorassani souligne que le traitement est pris en charge au Maroc dans le cadre de la sécurité sociale et disponible aussi bien dans les hôpitaux universitaires que dans les hôpitaux régionaux.

Il ne faut pas attendre qu'un patient saigne pour lui donner le traitement, avertit-t-il, mettant l’accent sur la nécessité d’un protocole de traitement, où le patient le reçoit par intraveineuse une ou deux fois par semaine, à l’hôpital comme chez lui s’il est capable de s’injecter lui-même ou à l’aide de quelqu’un d’autre.

Certes, les quantités de traitement au Maroc ne couvrent pas toute la population hémophile en raison de son coût élevé mais les produits qui sont disponibles à l'hôpital sont donnés gratuitement, soutient-t-il, faisant remarquer que davantage de patients ont accès au traitement par rapport aux années antérieures.

Évoquant le degré de gravité de la maladie, Pr El Khorassani affirme que le risque est toujours présent, avec ou sans traitement, car une personne hémophile est sujet à des accidents et peut faire une hémorragie très grave, le saignement s’avère donc plus dangereux en cas d’indisponibilité de médicaments. Le problème se pose surtout chez les personnes qui ignorent être atteintes de la maladie car elles peuvent faire une grave hémorragie sans savoir que c’est dû à leur hémophilie.

Ce sont les séquelles qui constituent le véritable souci, étant donné que les hémophiles sont également susceptibles d’avoir des saignements au niveau du cerveau et subir donc des séquelles cérébrales comme l’infirmité motrice ou à l’intérieur de leurs articulations, poursuit-t-il, expliquant que si la personne n’avait pas reçu un traitement d’une manière préventive ou ne le prend pas immédiatement, le sang qui s’accumule au niveau des articulations va causer des lésions articulaires qui seraient à l’origine d’un handicap.

Aussi professeur d'hématologie pédiatrique à la faculté de médecine de Rabat, Pr Mohamed El Khorassani recommande, en ce sens, de suivre les consultations régulièrement chez le médecin spécialiste, d’avoir une bonne hygiène de vie, d’éviter les blessures et les saignements et de faire son injection immédiatement dès qu’une douleur se manifeste.

Aujourd’hui, il est désormais possible de guérir de l’hémophilie grâce aux avancées thérapeutiques en matière de génie génétique, surtout pour l’hémophilie B, se félicite-t-il, précisant que les études cliniques ont déjà commencé à donner des résultats très prometteurs permettant de proposer de la thérapie génique pour cette maladie.

On est dans la troisième phase des études cliniques, au cours de laquelle le traitement est testé chez les patients hémophiles, enchaîne-t-il, faisant observer que les gènes commencent à fabriquer le facteur IX chez ces patients, dans l’attente de la quatrième phase où le traitement sera disponible pour les patients d’une manière générale, dans trois ou quatre ans.

Au Maroc, la première base de données électronique de l’hémophilie et des maladies hémorragiques constitutionnelles a été lancée, le 22 septembre 2022 à Rabat, à l’Hôpital de l’Enfant relevant du Centre hospitalier universitaire (CHU) Ibn Sina de la capitale.

Ce projet, lancé en vertu de la convention de partenariat signée entre le CHU Ibn Sina et les laboratoires Novo nordisk pharma le 16 avril 2021, s’inscrit dans le cadre de la stratégie du ministère de la Santé et de la Protection Sociale, qui prévoit dans l’axe 23 de son plan national Santé 2025, la mise en place d’un système national intégré de données sanitaires.

Mis en place au sein du service d’oncologie de l’hôpital des enfants et de l’unité de soins d’urgence du CHU Ibn Sina de Rabat, ce projet vise à fournir des informations relatives à la prise en charge médicale de l’hémophilie et des autres maladies hémorragiques constitutionnelles, et permet de tracer la progression des plans nationaux mis en œuvre.

 

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