''La Marche noire'', un crime imprescriptible (Abderrazak El Hannouchi)

5437685854_d630fceaff_b-

Abderrazak el Hannouchi lors de son passage sur Medi1 Tv : «Aujourd’hui, nous entamons une nouvelle phase dans le plaidoyer pour ce dossier, avec un nouveau souffle et une plus forte concentration à l’international»

1
Partager :

 

Lors d’un passage récemment sur les ondes de Medi1 TV, Abderrazak El Hannouchi, membre du Bureau exécutif du Collectif international de soutien aux familles d’origine marocaine expulsées d’Algérie en 1975 (CIMEA75), a réaffirmé son appel à l’accélération de la mise en place d’une commission parlementaire chargée d’enquêter sur la tragédie des familles marocaines expulsées par le régime militaire d’Alger.

M. El Hannouchi, qui s’exprimait dans le cadre de l’émission «Invité de la Rédaction» diffusée le 15 juin, a estimé que les résultats de cette enquête permettront d’appuyer le plaidoyer à l’échelle internationale en faveur de cette affaire relevant éminemment des Droits de l’homme. Il ne saurait souffrir ni oubli, ni prescription, a-t-il tenu à rappeler.

Au début de l’émission, le journaliste Naoufal El Awamleh a rappelé comment le régime algérien a expulsé manu militari, le jour d’Aid Al-Adha, des milliers de familles marocaines, en représailles à la libération par le Royaume du Maroc de ses provinces du Sud de l’occupation espagnole.

A cette injustice flagrante, poursuit le journaliste, le régime militaire d’Alger, visiblement insatiable, s’est livré à toutes les pratiques de répression, d’oppression et de racket des biens et de spoliation des droits à l’encontre de familles entières ayant vécu et coexisté, des décennies durant, dans la paix et la concorde avec leurs semblables algériennes. Abderrezak El Hannouchi a rappelé que parmi ces familles marocaines expulsées, il y avait des personnes qui se sont sacrifiés pour libérer l’Algérie du joug de la colonisation française.

Abordant les objectifs du CIMEA75 et son rôle dans le soutien de ce dossier humanitaire et moral, M. El Hannouchi a expliqué que l’action du Collectif s’inscrit dans le cadre de la défense des droits des Marocains expulsés d’Algérie en 1975 qui ont créé leur première association pour défendre leurs droits et leurs intérêts à la fin des années 70.

«Aujourd’hui, nous entamons une nouvelle phase dans le plaidoyer pour ce dossier, avec un nouveau souffle et une plus forte concentration à l’international», a indiqué l’interviewé, précisant que le Collectif a réalisé également l’importance de renforcer son plaidoyer au niveau national, de fédérer toutes les forces de la sphère des Droits de l’Homme, et de compiler les données relatives à ce drame, afin de les mettre à la disposition de tous les intervenants concernés par cette question.

Le CIMEA75 regroupe des victimes directes et indirectes et des défenseurs des droits de l’Homme, particulièrement parmi les Marocains du monde victimes de ce drame, et jouit de l’appui et du soutien de nombre d’ONG marocaines de défense des droits de l’Homme.

Les autorités algériennes avaient, sans préavis, procédé à l’expulsion de ces familles marocaines en représailles à l’organisation de Marche verte en 1975 pour la récupération du Sahara marocain.

M. El Hannouchi a fait savoir que parmi les Marocains ayant vécu ce «drame», certains avaient pris part à la guerre de libération de l’Algérie et portaient le titre de «Moujahid (Combattant)» avec la reconnaissance officielle du pouvoir algérien, assurant que ces Marocains expulsés étaient bien intégrés dans la société algérienne, et nombre d’entre eux avaient des contributions économiques, sociales et culturelles dans le pays d’accueil. Plusieurs d’entre eux sont restés attachés à leur patrie, le Maroc, et ont décliné le marchandage des autorités algériennes qui cherchaient vainement à les convaincre de renoncer à leur nationalité marocaine pour échapper à l’expulsion abusive.

Il a noté que cette expulsion massive de 45 mille familles marocaines, autrement dit 350.000 victimes toutes tranches d’âges et catégories confondues (soit l’équivalent du nombre des volontaires marocains ayant répondu à l’appel de Feu Hassan II à la Marche verte), était la réponse du président algérien Houari Boumediene à une initiative pacifique. En représailles, Boumediene a enclenché sa «Marche noire», dont les victimes n’étaient autres que ces Marocains expulsés manu militari, comble de la cruauté, un jour d’Aid Al Adha, la fête du sacrifice.

Evoquant certaines scènes de cette expulsion abusive, il a rappelé comment les familles marocaines, dont des femmes, des enfants et des vieillards, ont été transférées de manière abjecte et inhumaine à bord de camions vétustes et délabrés. «Nous avons entendu, au cours de plusieurs rencontres, des témoignages très émouvants qui font mal au cœur, il existe de nombreux ouvrages intéressants de victimes directes, dont celui de Mohamed Charfaoui, président du CIMEA75, «La Marche noire» de Fatiha Saidi, Mohamed Moulay, Miloud Chaouch et bien d’autres», a-t-il indiqué.

Ces ouvrages renferment des témoignages documentés d’enfants qui racontent comment, dans la fleur de l’âge, ils ont été arrachés à leurs classes et conduits vers l’inconnu, pour se retrouver entre postes de police et cellules dans le mépris le plus total des conditions élémentaires d’hygiène et de sécurité. Que de membres de la même famille ont été séparés le uns des autres, particulièrement au sein des familles mixtes où les époux ont été arbitrairement séparés de leurs enfants et de leurs conjoints ! Ces pratiques brutales, exécutées de manière agressive et cruelle, ont concerné les biens des victimes, les fortunes comme les immobiliers et les résidences, n’épargnant rien au passage, même pas les simples effets personnels. Tant d’exactions passibles de poursuites devant les juridictions pénales internationales.

M.El Hannouchi a affirmé que son ONG a documenté les crimes commis par le régime algérien à l’encontre des Marocains expulsés, assurant que cette opération requiert la collecte de données complémentaires pour étoffer le plaidoyer en faveur des victimes et de leurs familles et sensibiliser à l’importance de ce dossier dans tous les forums et rencontres nationaux et internationaux.

Le discours du régime algérien sur ce drame, décortiqué par M El Hannouchi, laisse apparaitre que son narratif est passé par plusieurs étapes, à commencer par le déni brutal et éhonté de cette affaire, en considérant au départ que la question consistait uniquement à refouler des immigrés marocains en situation irrégulière. Dans une deuxième étape, le régime a dû changer de fusil d’épaule en prétendant que sa décision était une réaction à l’expulsion de ressortissants algériens par le Maroc, ce qui constitue une allégation jamais démontrée.

M. El Hannouchi a soutenu que le régime algérien tente essentiellement de jouer sur la carte de l’amnésie, espérant que la mémoire des victimes et de leurs familles finirait peut-être par tout oublier. Le comble est que le régime algérien s’auto-condamne dans cette affaire, comme en témoigne la Loi de finances 2010 qui stipule l’expropriation des biens des Marocains expulsés d’Algérie. A cela s’ajoutent des déclarations récurrentes de responsables algériens qui admettent le caractère abusif de l’expulsion des Marocains et réclament équité et demande d’excuses aux victimes.

Sur la coordination avec les ONG marocaines, il a rappelé la signature récemment d’une convention de coopération entre le CIMEA75 et l’OMDH (Organisation marocaine des droits humains), qui érige l’organisation en partenaire stratégique pendant toutes les étapes du plaidoyer au plan national et international, dès lors que ce dossier, éminemment juridique, exige réparation, équité et sauvegarde de la mémoire des victimes.

Au niveau parlementaire, M. El Hannouchi a fait état de «promesses pour la constitution d’une commission d’enquête et nous sommes en phase de concertation à ce sujet», formulant le souhait d’accélérer la création de cette commission pour permettre de lever le voile sur des faits inconnus. Si le Collectif ne dispose pas de bureaux à l’étranger, il n’empêche, a-t-il dit, qu’il peut se prévaloir de compétences qui travaillent sur cette question dans plusieurs capitales européennes, comme Souad Talsi à Londres et Fatiha Saidi à Bruxelles, en plus d’autres acteurs à Madrid, Genève et Berlin qui planchent sur l’élaboration d’un dossier complet et étoffé de documents, de preuves, de données et de témoignages. Objectif : renforcer le plaidoyer du Collectif pour obtenir réparation, équité et sauvegarde de la mémoire des Marocains victimes de l’expulsion abusive de l’Algérie.

«Lorsqu’on évoquait les affres des Marocains expulsés de manière abusives de l’Algérie, certains nous taxaient d’exagération», a-t-il déploré. Mais, la récurrence du discours haineux que ne cesse de tenir le régime algérien, auteur de ce drame humain, à l’encontre des Marocains et du Royaume du Maroc, a révélé au grand jour la mentalité rancunière incurable de la junte militaire algérienne vis-à-vis de tout ce qui est marocain. La même cruauté s’exprime aujourd’hui encore lorsque qu’a un journal du général Khaled Nezzar, Algérie Patriotique, appelle à l’expulsion des Marocains encore établis en Algérie. Cet appel ignominieux s’inscrit dans le prolongement de la rancœur et de la haine viscérale que voue la junte militaire au Maroc, le tout en imposant un blocus glacial à toute initiative vertueuse dans le pays voisin de l’Est, au moment où nombre de personnalités algériennes établies à l’étranger expriment soutien aux victimes de ce drame et appui à leur combat pour cette juste cause.

lire aussi