Sénégal: En attendant la dissolution, les principaux groupes parlementaires à couteaux tirés – Par Abdelkrim Kninah

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Les controverses surviennent alors que la session extraordinaire qui avait été ouverte le 5 septembre, doit se poursuivre jusqu’au 19 septembre 2024. Mais, selon les observateurs, le chef de l’Etat pourrait constitutionnellement dissoudre l’Assemblée nationale dès le 12 septembre

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Par Abdelkrim KninahBureau de MAP à Dakar

Dakar - Le Sénégal connait ces jours des tensions à l’Assemblée nationale entre les principaux groupes parlementaires du parlement, à l’approche de la présentation de la Déclaration de politique générale tant attendue par les Sénégalais et fixée par le chef de l’Etat au 13 septembre prochain.

Ces tensions persistent encore entre les deux camps, Benno Bokk Yaakaar (BBY, Unis pour un même espoir), ex-coalition au pouvoir qui détient la majorité à l’Assemblée nationale et le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi (YAW, libérer le peuple), surtout après le rejet récemment d’un projet de révision de la Constitution porté par les nouvelles autorités et visant notamment la suppression du Haut conseil des collectivités territoriales et le Conseil économique, social et environnemental.

Les députés ont dit non par 83 voix, contre 80 au projet de suppression de ces deux institutions consultatives au terme de débats houleux. Le ministre de la Justice Ousmane Diagne a invoqué la nécessité de mieux employer l’argent public pour défendre ce texte.

Les deux parties au parlement s’accusent mutuellement de violer les règles de l’Assemblée nationale. Les tensions entre les deux camps, formés autour du Premier ministre Ousmane Sonko et de l’ancien président Macky Sall, ont été aussi exacerbées par la controverse autour de la date de la présentation de la Déclaration de politique générale (DPG), fixée auparavant au 11 septembre 2024 par la majorité parlementaire issue de BBY avant d’être repoussée par le président Bassirou Diomaye Faye au 13 du même mois.

Dans un communiqué, la coalition YAW a dénoncé une «violation grave et flagrante» du règlement intérieur de l’Assemblée par Amadou Mame Diop, président de l’institution, et par les représentants de BBY, lors de la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale.

La coalition YAW, minoritaire au parlement bien que constituée autour du principal parti (Pastef, ancienne opposition), ayant pris le pouvoir en mars dernier, fustige en fait la décision de tenir la DPG le 11 septembre, estimant que cette date va à l’encontre de l’article 97 alinéa 3 du règlement intérieur, qui impose un délai minimum de huit jours pour informer l’Assemblée avant la présentation de cette Déclaration.

«Cette stratégie de la terre brûlée ne vise qu’à saboter le travail parlementaire alors que la session extraordinaire expire le 19 septembre 2024», a déclaré YAW, accusant la coalition BBY d’avoir imposé un calendrier de travail "irréaliste" malgré la convocation par le président Bassirou Diomaye Faye d’une session extraordinaire de l’assemblée nationale.

Répliquant à ces critiques, le président du groupe parlementaire de BBY, Abdou Mbow a accusé le Premier ministre et le président de la République de chercher à « manipuler » et à « esquiver » leurs responsabilités.

Ces controverses surviennent alors que la session extraordinaire qui avait été ouverte le 5 septembre, doit se poursuivre jusqu’au 19 septembre 2024. Mais, selon les observateurs, le chef de l’Etat pourrait constitutionnellement dissoudre l’Assemblée nationale dès le 12 septembre, soit deux ans après le début de la quatorzième législature, et convoquer de nouvelles élections législatives dans le pays. Les dernières législatives s’étaient tenues en janvier 2022.

Devant cette situation, la coalition BBY a annoncé le dépôt d’une motion de censure contre le gouvernement. Les analystes soulignent que le nouveau pouvoir vise à retarder cette procédure et à éviter que Ousmane Sonko présente la DPG avant la dissolution de l’Assemblée nationale élue en 2022. Sonko a récemment déclaré qu’il n’y aurait pas de motion de censure, car les députés « auront autre chose à faire» d’ici le 12 septembre.

Dans le système sénégalais, le gouvernement a besoin d’une majorité parlementaire pour mettre en oeuvre les politiques de rupture promises lors de la campagne électorale pour la présidentielle du 24 mars 2024, marquée par la défaite du candidat de l’ancien pouvoir Amadou Ba. Aux termes de la Constitution, le président peut dissoudre l’Assemblée, mais pas avant deux années de législature.

En attendant, la présentation de la Déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale le 13 septembre, pourrait-elle atténuer ces tensions politiques et mettre un terme à cette situation? se demandent les observateurs.

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