Un Forum pour contrecarrer les obstacles placés par l’UE devant les transferts de la diaspora africaine

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"Nous sommes tous conscients de l’enjeu du transfert de fonds, puisqu’il s’agit d’un atout fondamental pour les économies africaines et que nous devons tous essayer d’optimiser" (Bourita)

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Rabat - Le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, Nasser Bourita, a reçu, jeudi à Rabat, le ministre togolais des Affaires étrangères, de l'Intégration africaine et des Togolais de l'extérieur, Robert Dussey.

La rencontre a été tenue en marge du Forum pour la réduction des coûts de transfert de fonds de la diaspora africaine, qu’ont présidé les deux pays le même jour dans la capitale du Royaume.

Ce Forum s'inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de l'agenda 2021-2031 "des racines africaines et de la diaspora africaine", visant à mener une réflexion d’ensemble sur les leviers et mesures à même de soutenir la dynamique des flux de transferts de fonds de la diaspora africaine, tout en accélérant les efforts de réduction des coûts y associés, pour s’aligner sur les Objectifs de développement durable de 2030 (ODD) et l'objectif 20 du Pacte Mondial pour des Migrations sûres, ordonnées et régulières.

Une feuille de route pour résoudre le problème du transfert de fonds

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En Union européenne, plusieurs autorités bancaires ont décidé de suspendre l’activité d’intermédiation opérée par les filiales bancaires situées en Europe auprès de la diaspora et pour le compte de leurs maisons mères marocaines’’ et ‘’les conditions de prestation de cette activité vont davantage se durcir si le projet de directive européenne relatif notamment aux succursales de pays tiers est voté en l'état.’’ (Abdellatif Jouahri)

Le forum a été "à la hauteur des attentes" par la qualité des participants représentants les différents pays membres du Comité de haut niveau mais aussi des organismes, des communautés économiques régionales (CERS) et des structures financières africaines, s'est félicité le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, dans son allocution de clôture.

"Nous sommes tous conscients de l’enjeu du transfert de fonds, puisqu’il s’agit d’un atout fondamental pour les économies africaines et que nous devons tous essayer d’optimiser", a-t-il ajouté.

Ce tour de table, représentatif en termes de régions et de compétences, a certainement permis des débats intéressants, l’objectif étant que la diplomatie laisse la main aux experts financiers pour traiter de cette problématique, a ajouté M. Bourita.

"Nous avons toujours considéré que l’essentiel de la migration africaine se fait en Afrique, car il y a un rôle à jouer au sein du continent africain en termes de réglementations, de coordinations et de décisions importantes à prendre", a souligné le ministre.

Il est important qu’on maitrise encore mieux cette dimension de transfert de fonds et qu’on ne soit pas trop dépendants des statistiques et des structures en dehors de l’Afrique, a suggéré M. Bourita, mettant l’accent sur le rôle important de l’Observatoire africain des migrations en tant que structure en charge de l’analyse et du suivi de la problématique de la migration africaine.

Les recommandations émises par le Forum constituent une feuille de route pour résoudre le problème du transfert de fonds, a conclu le ministre, appelant à transformer la volonté en action concrète et en démarche concluante envers les partenaires, afin d'améliorer le coût du transfert de fonds, ce qui profiterait au développement du continent.

Afin de parvenir à des solutions pratiques, les sessions de cet évènement se sont focalisées sur la proposition de nouveaux modèles/canaux innovants, digitaux et inclusifs et la mise en place d'infrastructures adéquates et de cadres réglementaires favorables, ainsi que la mise en place d’une cartographie au sein de la diaspora africaine dans le monde, y compris dans les compétences, de manière à optimiser et renforcer son implication dans le développement socio-économique de leurs pays d'origine.

Les participants se sont également attelés à l’étude de la création d'une plateforme e-business qui permettra de mettre en lien la diaspora africaine avec les investisseurs/porteurs de projets et créer un effet d'émulation en capitalisant sur les success stories des migrants africains. L'objectif est de canaliser les flux financiers des diasporas vers l'économie formelle et faire appel à l'expertise des ressortissants africains pour élaborer des modèles d'implication financière innovants.

Les transferts des Marocains du Monde, un bond historique de 37% en 2021 et de 13% en 2022

S'exprimait à l’ouverture du Forum de Rabat sur la réduction des coûts de transferts de fonds de la diaspora africaine, Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib (BAM) a indiqué que son institution a œuvré à réduire les coûts des transferts de fonds des Marocains résidant à l'étranger (MRE) et à diversifier les canaux de transmission, 

"Les pouvoirs publics et la Banque Centrale ont très tôt œuvré, de concert, et en coordination avec le secteur bancaire, à consolider cette dynamique (bond des recettes des MRE, ndlr) en favorisant, en particulier, la diversification des canaux de transmission et la réduction des coûts", a dit M. Jouahri qui s'exprimait à l’ouverture du Forum de Rabat sur la réduction des coûts de transferts de fonds de la diaspora africaine.

Les recettes en provenance des Marocains du Monde ont enregistré un bond historique de 37% en 2021 et de 13% en 2022, atteignant les 8% du PIB, a-t-il rappelé, faisant savoir que "le Maroc a développé, depuis plusieurs décennies, une solide infrastructure bancaire s'appuyant sur une présence transnationale de proximité qui constitue un atout majeur pour l’accompagnement "de nos compatriotes dans leurs pays de résidence".

"Au Maroc, nous avons été sensibles très tôt à cette question de coût. Bank Al-Maghrib a d'ailleurs décidé, dès 2009, de lever toute clause d’exclusivité liant les opérateurs internationaux de transferts de fonds à leurs partenaires au Maroc. Cette mesure a permis de réduire significativement ces coûts", s'est-il réjoui.

Les banques marocaines sont présentes dans 27 pays du continent et disposent de filiales et succursales dans 7 pays européens et d’une cinquantaine de bureaux de représentation à travers différentes régions du globe, a noté le gouverneur de la banque centrale marocaine, qui a fait état, toutefois, de certains défis.

Il a, dans ce cadre, évoqué le cas de l’Union européenne, où plusieurs autorités bancaires ont décidé de suspendre l’activité d’intermédiation opérée par les filiales bancaires situées en Europe auprès de la diaspora et pour le compte de leurs maisons mères marocaines, a-t-il précisé, informant que les conditions de prestation de cette activité vont davantage se durcir si le projet de directive européenne relatif notamment aux succursales de pays tiers est voté en l'état.

M. Jouahri a aussi noté que les études portant sur les liens entre les transferts des migrants aux familles et le développement des pays d'origine "concluent que l’investissement productif des diasporas dans leurs pays reste faible".

Il a, dans e sens, mis l'accent sur la nécessité de changer de paradigme en considérant nos diasporas comme un véritable atout et une composante majeure de "nos politiques publiques les amenant ainsi à contribuer au renforcement des capacités de nos compatriotes et au rayonnement de notre pays".

Il a, en outre, appelé à "une action diplomatique d’envergure" au sein des pays africains pour "alerter sur ces développements préoccupants et œuvrer à préserver les acquis et à maintenir les liens", tout particulièrement des dernières générations des migrants sur le sol européen avec la mère patrie.

La diaspora africaine avait atteint plus de 150 millions en 2021, dont les deux tiers se trouvent sur le Continent africain, selon une note conceptuelle du forum.

Sur la période 2010-2020, les transferts de cette diaspora ont totalisé plus de 610 milliards de dollars pour la région MENA et 440 milliards de dollars pour l'Afrique subsaharienne, représentant respectivement une moyenne de 1,7% et 2,4% du PIB, indique la note, relevant que seulement 10% de ces envois sont investis dans les projets ou produits d'épargne en Afrique.

 

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