Mati Diop, un regard de cinéaste entre deux continents sur l'Afrique

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La réalisatrice et actrice franco-sénégalaise Mati Diop sur scène après avoir reçu l'Ours d'or du meilleur film pour le film "Dahomey" lors de la cérémonie de remise des prix de la 74e édition du Festival international du film de la Berlinale, le 24 février 2024 à Berlin. (Photo par John MACDOUGALL / AFP)

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Un nom de plus dans la jeune garde de réalisatrices qui renouvellent le 7e art: les œuvres, souvent exigeantes, de la franco-sénégalaise Mati Diop, Ours d'Or à Berlin, scrutent l'Afrique et les relations post-coloniales.

Dans "Dahomey", celle qui se décrit comme "afrodescendante" s'attaque sous la forme du documentaire à un sujet brûlant dans les anciennes puissances coloniales comme en Afrique: la restitution des œuvres d'art africain exposées dans les plus grands musées.

Un sujet central pour la cinéaste de 41 ans, dont la biographie s'écrit entre deux continents.

Fille du musicien Wasis Diop, et nièce du grand réalisateur sénégalais Djibril Diop Mambéty, réalisateur de "Touki Bouki" - film majeur du cinéma africain récompensé à Cannes par le prix de la critique internationale en 1973 - Mati Diop est née et a grandi à Paris.

"Dahomey" est un documentaire politique, mâtiné d'une touche d'onirisme, comme l'était son premier long-métrage, "Atlantique" (2019), une fiction tournée à Dakar.

Ce dernier, "sur la hantise, l'envoûtement et sur l'idée que les fantômes prennent naissance en nous", qui s'inspire des histoires d'exil de la jeunesse sénégalaise, lui avait permis d'obtenir le Grand Prix à Cannes, une récompense très prestigieuse.

L'oeuvre, exigeante, a eu un succès confidentiel en salles (66.000 entrées en France).

"Fondamentalement politique"

Son cinéma, cérébral, est avant tout politique : "On a un défi qui n'est pas comparable à ceux des cinéastes occidentaux", a-t-elle expliqué lors de la Berlinale, s'identifiant au cinéma africain. "C'est un cinéma fondamentalement politique, il y a justice à rendre", a-t-elle ajouté.

Un cinéma encore très peu représenté dans les festivals internationaux, surtout pour les films d'auteur. Déjà à Cannes, Mati Diop espérait représenter "une nouvelle dynamique", et peut-être devenir "une référence" pour l'avenir, pour les réalisatrices noires.

En 2021, elle fut choisie pour être membre du jury du Festival de Cannes, présidé par Spike Lee, premier réalisateur noir à ce poste et infatigable défenseur de la cause des personnes noires.

Présentée comme la relève du cinéma sénégalais, cette jeune femme frêle avait déjà été remarquée avec "Mille soleils", sorti en 2013. Un moyen-métrage documentaire qui suivait l'acteur de "Touki Bouki" et dialoguait avec le film mythique de son oncle qu'elle a peu connu.

Mati Diop s'est orientée d'abord vers les arts plastiques, notamment la photo. Sa mère travaille dans le milieu artistique.

Elle intègre le laboratoire de recherche artistique du Palais de Tokyo en 2006, puis le Studio national des arts contemporains du Fresnoy en 2007 dont elle est diplômée.

Actrice à ses heures, notamment chez Claire Denis dans "35 rhums" (2008) et "Avec amour et acharnement" (2022), cette admiratrice du cinéma onirique du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul est l'autrice de plusieurs courts-métrages à l'esthétique soignée depuis 2004.

Parmi eux se trouve "Atlantiques", tourné à Dakar il y a quinze ans, qui racontait la traversée en mer d'un jeune migrant depuis les côtes sénégalaises. Un format court tourné "dans l'urgence", après avoir pris "en pleine face les réalités" du Sénégal où elle se trouve à ce moment-là, avait-elle expliqué. Le film inspirera son premier long-métrage. (AFP)

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