La dynamique

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Par Abdeslam Seddiki - Quand on dit que le besoin est historique, cela signifie que ce qui est  secondaire aujourd’hui deviendra essentiel et vital à l’avenir. Exemple ? Le thé a été au Maroc, avant de devenir une consommation courante et populaire, pendant des siècles une consommation élitiste et de circonstance

« Rien n’est statique, tout se transforme et évolue », c’est l’une des lois fondamentales de l’évolution historique et sociale expliquant le caractère inéluctable du changement. La dynamique est une caractéristique de tous les phénomènes. Ainsi en est-il de la notion du « besoin » dont le contenu évolue en fonction d’un certain nombre de paramètres.

Il faut au préalable lever une confusion en distinguant les deux notions : besoin et désir. Alors que le premier (besoin) a un contenu objectif, historiquement, socialement et culturellement déterminé, le second (désir) a un contenu subjectif, déterminé d’une façon individuelle et spontanée. Par conséquent,  autant le besoin est limité et donc mesurable, autant le désir est illimité et non mesurable. Plus concrètement, c’est le niveau de développement d’un pays qui détermine la nature des besoins et nous permet de distinguer entre besoins de base ou fondamentaux, populaires diraient certains, qui peuvent être satisfaits dans l’immédiat ou à brève échéance et les besoins « superflus » ou secondaires auxquels  seule une minorité de la population peut accéder. C’est en quelque sorte la pyramide des besoins de Maslow.

Quand on dit que le besoin est historique, cela signifie que ce qui est  secondaire aujourd’hui deviendra essentiel et vital à l’avenir. Exemple ? Le thé a été au Maroc, avant de devenir une consommation courante et populaire, pendant des siècles une consommation élitiste et de circonstance!!  Car le système économique est une machine à produire des biens et à générer des besoins en conséquence. Sachant que tout ce qui est produit n’obéit pas forcément à la nécessité de satisfaire les besoins sociaux du moins dans le système capitaliste. Chaque mode de production a sa logique. Le capitalisme produit plus pour le marché,  afin de réaliser des profits, que pour satisfaire une demande préalable (un besoin) socialement exprimée, conformément à la théorie des débouchés de J.B. Say selon laquelle « chaque offre crée sa propre demande ».

L’une des contradictions du système capitaliste, et non des moindres, réside justement dans son incapacité à satisfaire les besoins qu’il a lui-même créés. Et ceci en raison de la contradiction principale entre la socialisation dans le procès du travail et la privatisation de ses résultats. Tout se passe, en effet,  comme si le détenteur des moyens de production dépossédait l’ouvrier des résultats de son travail. C’est ce qui explique l’exploitation du travail par le capital. Cette situation est considérée, néanmoins, comme un progrès social considérable par rapport aux modes de production précapitalistes fondés sur l’esclavagisme et l’asservissement de la population.  L’exploitation ne disparait pas définitivement avec l’instauration d’un « salaire juste » et de conditions de travail meilleures, cela aboutit tout simplement à une humanisation du capitalisme. Mais c’est déjà mieux qu’un capitalisme primaire basé sur l’exploitation sauvage et l’annihilation des droits sociaux comme cela a existé dans les sociétés occidentales durant la phase de l’accumulation primitive  et existe encore dans les capitalismes périphériques du « Tires Monde ».

Au Maroc, les besoins sociaux de base sont bien identifiés dans la Constitution de 2011 et sont relevés au rang  de droits humains. L’article 31 stipule : « L’Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits :

- aux soins de santé,

- à la protection sociale, à la couverture médicale et à la solidarité mutualiste ou organisée par l’Etat,

- à une éducation moderne, accessible et de qualité,

- à l’éducation sur l’attachement à l’identité marocaine et aux constantes nationales immuables

- à la formation professionnelle et à l’éducation physique et artistique,

- à un logement décent,

-au travail et à l’appui des pouvoirs publics en matière de recherche d’emploi ou d’auto-emploi,

-à l’accès aux fonctions publiques selon le mérite,

- à l’accès à l’eau et à un environnement sain,

-au développement durable ».

Ce faisant, on estime que ces droits (besoins) sont susceptibles d’être globalement respectés et satisfaits à partir des moyens dont dispose le pays et du rapport des forces en vigueur. D’où la nécessité d’un nouveau modèle de développement susceptible de donner un contenu concret à ce compromis historique.  Ce qui ne veut pas dire qu’il s’agira d’une entente ad vitam aeternam. Certes, les compromis sont appelés à durer mais rien n’empêche de les actualiser et, le cas échéant, de les modifier. D’autres temps, d’autres mœurs, d’autres exigences, de nouveaux besoins. Ainsi va la vie : une dynamique sans fin…

*Membre du Bureau politique du PPS, ancien ministre du Travail

 

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