A Taïwan, l'opéra hakka se bat pour perpétuer un art séculaire

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Photo prise le 3 septembre 2023 montre des membres de l'opéra Jing Sheng posant pour un selfie en coulisses lors du premier jour du festival Hakka au temple Yimin à Taoyuan. Vêtue d'une robe frangée de perles, la chanteuse d'opéra traditionnel taïwanais Jen Chieh-li applique les dernières touches à son visage lourdement peint alors qu'elle se prépare à monter sur scène. (Photo de Sam Yeh / AFP)

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Seule une petite centaine de personnes, majoritairement âgées, assistent à la représentation. Mais cela ne dissuadera pas Jen Chieh-li, 34 ans, de continuer à se battre pour que continue à vivre l'opéra hakka à Taïwan.

Issu d'une tradition remontant à la dynastie Qing (1644-1911), l'opéra hakka a été importé sur l'île par des migrants venus de Chine continentale et est considéré comme l'une des grandes branches de l'opéra chinois.

Mais son étoile pâlit, à mesure que se perd la pratique de la langue hakka au sein de cette minorité qui représente pourtant près de 20% des 23 millions d'habitants de Taïwan, où le mandarin domine.

Il en faudra cependant plus pour décourager Jen Chieh-li, qui se soir-là interprète "La légende du serpent blanc", un classique du répertoire, sur une scène de fortune dressée devant un temple du comté de Taoyuan, dans le nord de l'île.

"Je pourrais trouver un +travail normal+, mais ce serait un gâchis vu tout le temps et tous les efforts que j'ai consacrés à apprendre et à interpréter l'opéra hakka", assène la jeune femme, qui a fait ses premières armes dès l'âge de 12 ans.

Chiang Yu-ling, qui a fondé il y a 19 ans avec son mari la troupe Jing Sheng Opera à laquelle appartient Jen Chieh-li, reconnaît le côté de plus en plus marginal de cet art, qui n'est plus pratiqué à Taïwan que par huit compagnies professionnelles survivant grâce à des mécènes et à des subventions publiques.

"C'est un art de niche, car beaucoup de gens ne comprennent pas la langue", soupire-t-elle.

- "Barrière de la langue" -

Un état de fait que déplore Louis Lo, 30 ans, venu accompagner des membres âgés de sa famille à la représentation.

"La génération de mon père parlait déjà principalement mandarin, et moi je ne parle qu'un tout petit peu hakka", note-t-il.

Cette forme d'opéra, cousine du célèbre opéra de Pékin inscrit au patrimoine de l'humanité par l'Unesco en 2010, "ne parle pas aux jeunes à cause de la barrière de la langue", confirme Louis Lo.

Pour tenter de séduire un nouveau public, la troupe s'efforce d'intégrer des éléments plus contemporains dans certaines de ses créations, allant de figures acrobatiques jusqu'au street dance, en passant par des éléments pyrotechniques.

"Nous essayons de faire découvrir l'opéra hakka via des spectacles innovants, en espérant que cela suscitera également de l'intérêt pour les formes traditionnelles", souligne Jen Chieh-li.

Une approche que revendique Chiang Yu-ling. "Mon mari et moi sommes quinquagénaires et commençons à manquer d'idées. Nous espérons avoir davantage de jeunes à nos côtés pour créer un opéra hakka différent", explique-t-elle à l'AFP.

Shih Yu-tsen, 31 ans, une autre membre de la troupe, se dit persuadée que cet art "ne disparaîtra jamais".

"Il y aura peut-être moins d'opéras hakka mais les gens sont sujets à la nostalgie. Ils se rappelleront le passé et tout d'un coup ils voudront en voir un", assure-t-elle.

Pour Chiang Yu-ling, le coût modique des représentations (200 dollars taïwanais, soit 5,90 euros), peut également jouer en faveur de la survie de cet art séculaire.

"Nous disons souvent qu'aider à perpétuer cet art traditionnel ne coûte pas plus cher que d'aller" s'offrir un café dans une chaîne américaine, rappelle-t-elle. (AFP)

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