COUR DES COMPTES : LES PARTIS ET LEURS FINANCES... - Par Mustapha SEHIMI

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Zineb El Adaoui, présidente de la Cour des comptes

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GESTION TRAUMATIQUE - Par Mustapha SEHIMI

La Cour des comptes vient de publier son rapport sur l'audit des comptes des partis politiques au titre de l'année 2022. Cela procède de ses missions et attributions (art.147 de la Constitution, article 44 de la loi relative aux partis politiques et article 3 e la loi formant code des juridictions financières). 

Il porte sur la sincérité des dépenses au titre de leurs de l'aide publique de l'année 2022 accordée par l'État aux partis comme contribution à leurs frais de gestion et d'organisation de leurs congrès ordinaires, au soutien annuel supplémentaire ainsi qu'à la couverture des dépenses d'études, de missions et de recherches. Ce rapport s'articule autour de deux parties, l'une sur les chiffres globaux (ressources et dépenses) l'autre sur la vérification et la sincérité des dépenses au titre du soutien public.

Insuffisances de gestion

Que faut-il en retenir ? Tout d'abord, ceci : seuls 29 partis sur 34 ont respecté la loi et produit leurs comptes, soit un montant de 153 millions de dirhams (157 MDH). Un chiffre réparti entre le soutien de l'État à hauteur de 53 % (81 MDH) et des ressources propres de 47% (72. MDH) en baisse de 22% par rapport à 2021, année électorale. Quant à la subvention de l'État, elle a augmenté de 38 % par rapport à 2021 avec un montant de 59 MDH. Dans le détail, elle se ventile comme suit: 74% pour les frais de gestion, 24% au titre du soutien additionnel des frais de missions, d'études et de recherches à sept partis et 1 % pour les frais de congrès nationaux de trois partis. Se pose ici un problème de gouvernance à tout le moins de gestion pour 16 partis qui n'ont pas satisfait les conditions légales requises pour bénéficier du soutien annuel pour la contribution à leurs frais d'administration. A noter encore que le montant global des dépenses déclarées par les 29 partis dans leurs comptes annuels sont de 130,65 MDH (69% pour les dépenses de gestion, 15 % pour les congrès annuels ordinaires et 15% affectés aux missions, études et recherches. Les subventions de l'État regardent aussi un autre chapitre : celui de la restitution au Trésor des montants versés mais non justifiés. A la fin février 2024, 37,5 MDH ont été encaissés, 22 partis ont ainsi reversé au Trésor les subventions reçues au cours des quatre exercices 2021, 2022, 2023 et 2024 pour un montant de près de 3 MDH pour un seul parti. Le compte n'est pas encore bon: il reste encore à 18 partis de restituer 26,3 MDH. Cela couvre des dépenses à des fins autres que celles pour lesquelles elles avaient été accordées, ou encore sans pièces justificatives.

Sur les 29 partis, 25 d'entre eux ont produit des comptes certifiés par des experts -comptables, 20 sans réserve et cinq avec réserve ; quatre partis ont soumis leurs comptes annuels mais sans un rapport d'un expert - dont Comptable. Par ailleurs, Cour a relevé d'autres insuffisances dont 26 % des dépenses déclarées sans justification satisfaisante. Il y a là un non respect des pièces justificatives des dépenses des partis politiques des partis politiques de la nomenclature notamment pax pour des salaires, des indemnités et de location de leur siège. La rubrique du soutien des dépenses aux études, missions et recherches a vu la restitution par quatre partis de 3,35 MDH. Des observations et des recommandations ont été formu1ées par la Cour pour l'amélioration de la gestion financière des partis politiques. 

Pour une législation novatrice

Ce qui ressort d'une telle situation n'est-ce pas la nécessité d'une législation innovante en matière de financement des partis politiques. C'est là, au surplus, une question devant aboutir à une moralisation de la vie politique et à une transparence de la gestion des partis. De quoi conduire à une amélioration de l'appropriation citoyenne des partis et partant à davantage d'engagement des citoyens dans la vie politique. Les textes actuels sont à revoir ; des domaines ne sont pas couverts par la loi; il faut se pencher sur la question des ressources autres que publiques. Les mesures à adopter dont de divers ordres: examiner à la fois les dépenses et les recettes, tenues par les candidats et les partis politiques d'une comptabilité, définition d du financement privé des partis politiques, réglementation du financement de la vie politique pour mieux réguler et neutraliser les effets de l'utilisation abusive de l'argent. A cette fin, au moins quatre objectifs doivent être priorisés : limiter les dépenses électorales dans des limites objectives, garantir aux candidats un seuil minimum d'aide financière publique pour leur campagne électorale, imposer une transparence rigoureuse des ressources et des dépenses, enfin, veiller au strict respect de cette législation des sanctions dissuasives. C'est un droit marocain du financement des partis politiques qui doit être à l'ordre du jour dans la perspective des élections de 2026.

Les partis politiques doivent disposer de ressources financières appropriées pour mener à bien leurs activités et assurer la pérennité de leur action et de leur existence même. Mais une stricte règlementation est nécessaire tant il est vrai que l'argent et la politique ont toujours entretenu des rapports ambigus caractérisés entre autre par une relation de dépendance réciproque.

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