La traduction dans le système éducatif et de transfert de connaissances

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« La plupart des ouvrages, choisis aléatoirement à la guise des initiatives individuelles, comme objets de traduction, relèvent des domaines de la littérature et des sciences humaines, l’histoire en premier lieu, et marginalement l’ethnographie et l’anthropologie. »

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L’Académie du Royaume organise les 28 et 29 septembre La Journée de la traduction et c’est en perspective de cet évènement que Mohamed Elmedlaoui s’est penché sur la question, notamment de l’angle de sa spécialité l’hébreu, mais pas seulement. Par un pur concours de circonstance, entamant une nouvelle série de chroniques, sans rapport avec le sujet, sur les Sept sépultures de Chella, Abdejlil Lahjomri, Secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume, évoque dans la première partie de ces chroniques, à travers la transcription du nom Chella avec h ou sans h, le grand problème de la traduction. Sans l’avoir programmé on se retrouve ainsi au cœur de l’actualité.

Il y a déjà 20 ans que la Charte National d’Education et de Formation a mis en avant la nécessité de mettre au point un de plan institutionnel de traduction de haut niveau, comme levier principal de "l’amélioration de la qualité de l’éducation et de la formation". Voici ce qu’en dit l’alinéa 112 de ladite charte:

[112. La préparation à l'ouverture de sections de recherche scientifique avancée et d'enseignement supérieur, en langue arabe, nécessite d'intégrer cet effort dans le cadre d'un projet prospectif, ambitieux, embrassant les dimensions culturelles et scientifiques modernes, portant sur les axes suivants:

- le développement soutenu du système linguistique arabe, aux plans génératif, grammatical et lexical;

- l'encouragement d'un mouvement de production et de traduction de haut niveau, afin d'assimiler les conquêtes scientifiques, technologiques et culturelles dans une langue arabe claire, tout en encourageant la composition, d'une production nationale de qualité;

- la formation d'une élite de spécialistes maîtrisant les différents champs de la connaissance en langue arabe et dans plusieurs autres langues, y compris la formation de cadres pédagogiques supérieurs et moyens.].

Il est superflu de souligner l’importance qu’accorde aujourd’hui toute nation à/aux langue/s nationale/s émergente/s ou peu qualifiée/s, à l’effort national en matière de traduction. On a qu’à penser à l’Espagne et aux pays nordiques. Les plans de traduction font parti de la politique linguistique de long terme dans de tels cas. Ils visent à la fois un transfert, une démocratisation et une vulgarisation des connaissances dans les domaines des sciences, des arts et de la culture, ainsi que la mise à niveau et la qualification des langues cibles de ladite traduction. Les langues-source de traduction sont choisies, dans leurs différents degrés d’importance selon les domaines, en fonction de la pertinence - pour la/les langue/s nationale/s cibles en question - de ce que ces langues-source véhiculent, consigné par écrit, manuscrit ou publié.

Lire aussi : LE SANCTUAIRE AUX SEPT SÉPULTURES (1ÈRE PARTIE) – PAR ABDEJLIL LAHJOMR 

A cet égard, le Maroc a devant lui toute une palette de langues-source pour tout plan global institutionnel éventuel de traduction. Traditionnellement tourné principalement vers la traduction à partir du français via de simples initiatives individuelles éparses, le mouvement embryonnaire de traduction au Maroc s’est élargie ces dernières années à d’autres langues-source, l’anglais en tête à cause de sa prééminence  internationale et sa présence de plus en plus notoire au Maroc même, mais aussi certaines langues romanes (espagnol et portugais) pour des raisons culturelles historiques.

La plupart des ouvrages, choisis aléatoirement à la guise des initiatives individuelles, comme objets de traduction, relèvent des domaines de la littérature et des sciences humaines, l’histoire en premier lieu, et marginalement l’ethnographie et l’anthropologie.

Même s’il n’y a pas de doute en l’importance de la formation et de l’encadrement «d'une élite de spécialistes maîtrisant les différents champs de la connaissance en langue arabe et dans plusieurs autres langues», tout ce qui porte notamment sur le Maroc dans lesdits domaines de littérature et des sciences humaines (histoire, ethnographie et anthropologie) revêt une importance particulière comme objet de tout plan réfléchi de traduction, surtout dans une phase d’évolution intellectuelle collective accélérée que connaît le Maroc dans un environnement mondial et régional où il a de plus en plus fortement besoin de s’approprier pleinement toutes les ressources qui fond le socle historique de son entité/identité.

A cet égard, un des affluents de ces sources, historique mais encore vivant, demeure pourtant dans la sphère du non-pensé. Il s’agit de ce que le préambule de la Constitution a désigné comme "affluent hébraïque" de l’identité marocaine. En ce qui concerne les textes, publiés ou manuscrits, cet affluent correspond à un gigantesque fond en différentes langues du Maroc d’antan ou d’aujourd’hui (arabe classique, hébreu, judéo-arabe, judéo-berbère), qui porte directement sur le Maroc et la société marocaine, sous formes de créations littéraires (savantes ou populaires) en poésie ou en prose, d’hagiographie, d’ethnographie, de mystique, de linguistique, de littérature utopique ("L’utopie de Casablanca", par exemple en hébreu dans les années 40s du 20e s.), etc.

Encore de nos jours, ce que j’appelle depuis des années un "littérature marocaine d’expression hébraïque" continue de s’affirmer. Cet autre volet des sources et ressources pour l’action  de traduction au Maroc, avec ce qu’il en résulterait comme qualification de la langue-cible comme véhicule de connaissances, a aussi fait l’objet d’initiatives individuelles de traduction de la part de trois générations de spécialistes en hébreu et en judéo arabe, les deux derniers ouvrages traduits de l’hébreu en arabe étant         

 המרוקאי האחרון/"المغربي الأخير" et מלך מרוקאי/"مَلكٌ مغربي".

Heureusement que, dans les deux jours qui viennent (28-29 septembre 2021), le colloque qu’organise l’Académie du Royaume du Maroc sur le thème de la traduction offre à un panel de traducteurs et de chercheurs dans le domaine de débattre de toutes les questions soulevées.

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