Maroc-Espagne au-delà des surenchères électorales – Par Talaâ Saoud ATLASSI

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Le Roi Mohammed VI du Maroc et le Roi Filipe VI d’Espagne - les relations de l’Espagne avec le Maroc sont «très importantes et fondamentales», particulièrement dans les domaines de l’économie et du commerce, a déclaré l’actuel chef de gouvernement Pedro Sanchez ; et on peut en retenir que ces rapports s’appuient sur des assises fermes qui, intrinsèquement liées aux intérêts de l’Etat espagnol, dépassent les prérogatives et les orientations des gouvernements

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L'Etat algérien, la gesticulation permanente – Par Talaa Saoud Atlassi*

Le président du Parti populaire espagnol (PP), Alberto Núñez Feijóo, donné favori aux prochaines élections selon les sondages, les analystes et les observateurs, a toutes les chances de présider le prochain gouvernement. Dans une interview avec la chaîne TV Telecinco, l’homme a promis que, s’il arrive aux commandes, ses efforts «se concentreraient sur l’établissement d’une relation excellente, stable et transparente avec le Royaume du Maroc, en tant que pays voisin, allié et ami». C’est à cette fin qu’il a mis l’accent sur l’importance de connaître, en vue de les poursuivre, les accords conclus par le président du gouvernement, Pedro Sánchez, avec le Maroc.

M. Feijóo a fait la distinction entrea bataille politique acerbe engagée contre la gauche et son dirigeant Pedro Sanchez et la continuité de l’Etat espagnol, assurant par la même que les choix de l’Etat seront immunisés contre les sautes d’humeur partisanes ou les aléas de l’alternance gouvernementale. 

Les relations maroco-espagnoles sont désormais adossées à un socle stratégique ferme, animé par la conscience commune de partager les meilleurs moyens réalistes et pragmatiques permettant de produire et de pérenniser les bénéfices mutuels, au lieu de nourrir la discorde, la rigidité et la méfiance. Tout le gotha espagnol - élites politiques, partisanes, économiques et culturelles -, est conscient de la ‘’nécessité marocaine’’ et de la contribution du Maroc, au-delà des âpres querelles qui opposent les partenaires, à la bonne marche des affaires internes de l’Espagne et pas uniquement dans le domaine diplomatique. 

Des relations «très importantes et fondamentales»

Comme pour corroborer le propos de son rival du PP, Pedro Sanchez a rétorqué aux allégations des extrémistes que le changement de la position de l’Espagne au sujet du Sahara n’a aucun lien avec une quelconque pression marocaine à coup d’espionnage, lui qui a dès le départ démenti cette allégation grotesque.

L’Espagne est dans une position politique aux dimensions stratégiques semblable à celle des Etats-Unis et d’important pays européens, le dernier en date étant le renouvellement par l’Allemagne de son entente totale avec le Maroc et le soutien à sa démarche pacifique pour le règlement du conflit du Sahara.

M. Sanchez a qualifié les relations avec le Maroc de «très importantes et fondamentales», particulièrement dans les domaines de l’économie et du commerce, et on peut en retenir que ces rapports s’appuient sur des assises fermes qui, intrinsèquement liées aux intérêts de l’Etat espagnol, dépassent les prérogatives et les orientations des gouvernements. Cette réalité ne date pas d’aujourd’hui puisque déjà en 2008, l’année de la grande crise économique mondiale, au cours de laquelle le Maroc a ouvert «une autoroute» pour les investissements espagnols, sauvant ainsi le voisin ibérique d’une crise aigüe en raison de la fermeture des horizons avec l’Europe. 

L’Espagne a continué sur sa lancée dans ses relations avec le Maroc jusqu’à détrôner la France, partenaire traditionnel du Royaume, pour devenir son premier investisseur étranger avec un chiffre d’affaires de plus 17 milliards d’euros. Il est vrai que les relations maroco-espagnole ont de tout temps une alternance de lunes de miel et de querelles de ménage. La dernière en date est celle dont a accouché l’accueil du chef de la milice du Polisario pendant le crise du Covid amenant le Maroc à écarter le territoire espagnol de l’opération Marhaba pour le transit des Marocains résidant à l’étranger, privant l’Espagne de 1,5 milliard de recettes. Il ne s’agit, certes, pas de l’unique perte due à son intransigeance et à son acharnement à l’encontre du Maroc.

Mais selon toute vraisemblance, les deux Royaumes en sont arrivés à conclure ensemble que leur intérêt mutuel bien compris est dans leur entente, l’Espagne faisant enfin l’effort de comprendre et de tenir compte des préoccupations de son voisin du Sud.

Un désir de partenaires de bonne foi

Aujourd’hui, ses bénéfices multiples avec le Maroc s’inscrivent dans la durée, surtout que l’Espagne peut compter, au cours de sa présidence tournante de l’Union européenne, sur les leviers marocains qui lui permettraient de réaliser des percées considérables en Afrique, par ces temps sombres qui, en Europe comme partout ailleurs dans le monde, posent plus d’interrogations qu’ils ne proposent de réponses.

Madrid a, dans le Maroc, un partenaire qui amorce, à pas sûrs, son essor, désireux de partenaires de bonne foi et disposés à s’engager dans une interaction fructueuse privilégiant un rapport d’égal à égal et gagnant-gagnant, entre deux volontés sérieuses et respectables. Il y a donc fort à parier que quiconque prendra le gouvernail du prochain Exécutif espagnol ne pourra que voguer en direction du même cap : celui de l’intérêt de l’Espagne d’abord, l’intérêt réel, libéré de toute surenchère électoraliste.

Les attaques virulentes contre M. Sanchez sont une chose. Ils concernent les rapports de force entre les partenaires politiques espagnols. La gestion par son gouvernement des relations avec Rabat en est une autre, quand bien même le Maroc s’invite, ou plus correctement est invité souvent dans les enjeux et les interactions politiques internes et externes de l’Espagne. 

Ce n’est nullement nouveau. Depuis des années déjà, probablement depuis que la gauche gouvernementale a fécondé sa pensée politique avec l’impact des dimensions du voisinage marocain sur l’avenir de l’Espagne. Le Parti socialiste ouvrier (PSOE), acteur principal de la renaissance espagnole durant les années 80 du siècle dernier, a consacré au Maroc une place de choix, au vu de son impact positif ou négatif sur l’Espagne. Dans un contexte dominé par des têtes sclérosées et incapables de discerner les réalités du présent et les promesses de l’avenir, trois dirigeants du PSOE ont publiquement défendu des relations bénéfiques entre les deux Royaumes, l’Espagne ayant besoin du Maroc autant que le Maroc a besoin de l’Espagne : Felipe González qui a concilié les Espagnols avec leur Espagne et la gauche avec l’Europe et l’OTAN, José Luis Rodríguez Zapatero, une figure manquante du socialisme espagnol rénové, et l’actuel chef du parti Pedro Sanchez, qui représente la capacité du PSOE à se renouveler à se rajeunir.

 Mais bien sûr, pour que le tableau soit complet, il faut nécessairement une fausse note. C’est José María Aznar qui sort de son hibernation politique pour fustiger d’une voix étouffée le besoin espagnol du Maroc, une relation qu’il ne saurait voir. Un cri électoraliste à la fois inutile, inaudible et sans portée aucune, puisque son collègue, l’actuel chef du PP, ne cesse d’envoyer, dès à présent, des signaux pour s’affranchir des surenchères électorales et admettre la nécessite du Maroc dans la politique espagnole à tous les échelons. Si M. Aznar lui-même avait la possibilité de présider le prochain gouvernement, il ne saurait se départir de l’impératif de préserver les relations avec le Maroc, tant elles incarnent la réalité du présent et les promesses de l’avenir.

 

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