Maroc : quels griefs contre la France – Par Abdelahad Idrissi Kaitouni

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Le Roi Mohammed VI recevant à l’ombre de l’arbre généalogique de la Dynastie alaouite, le président français Emmanuel Macron

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Rien ne va plus avec la France ! Par Abdelahad Idrissi Kaitouni

Jusqu’à l’arrivée de Macron à l’Elysée, les relations maroco-françaises étaient empreintes de beaucoup de cordialité malgré des crises passagères rapidement circonscrites grâce à la bonne volonté et au sens des responsabilités des gouvernants. Sans revenir sur les crises qui ont jalonné des décennies de bonne entente, il y a lieu de mentionner que c’est le Maroc qui était souvent à l’origine de ces mini-crises. Car autant les Marocains sont d’un commerce sympathique et sont de bonne et agréable compagnie, autant ils sont très ombrageux quand il s’agit de la souveraineté de leur pays. 

Les instances marocaines étaient suffisamment persuasives pour montrer à la partie française le dépassement des limites de l’acceptable. Cette dernière finissait toujours par admettre l’évidence et à revenir à de meilleures attitudes. 

La crise la plus dure est celle déclenchée par Mitterrand qui s’était attaqué brutalement au Maroc et à ses symboles. Elle a laissé plus tard la place à une véritable lune de miel. Plus récemment la crise suscitée par les services français qui ont voulu s’attaquer à Abdellatif Hamouchi (DG de la DGSN/DGST), a rapidement été oubliée au point que la Présidence française a décerné la Légion d’Honneur au patron des polices marocaines. 

La référence à ces accès de fièvre entre les deux pays, s’apparentent aux scènes de ménage qui jalonnent la vie de couples, même les plus unis.

Malgré ces légers soubresauts, le Maroc ne s’est jamais montré vindicatif. Bien au contraire, il s’est toujours conduit en partenaire honnête et fiable. Une attitude pas toujours appréciée par les autres pays étrangers, et encore moins par une élite marocaine qui ne comprenait pas la mansuétude du Palais à l’égard de la France.

A force de trop tirer sur la corde, elle finit par rompre dit l’adage ! Récemment, la France a tiré plus fréquemment sur la corde, mais surtout plus violemment. La corde serait-elle en lambeaux comme le redoutent nombre d’observateurs ?

La litanie des griefs ressassés par les Marocains semble malheureusement confirmer ce terrible constat.

Pendant longtemps, trop longtemps, le Maroc s’est drapé d’un voile jeté pudiquement sur le tort majeur causé par la France : celui de l’avoir spolié pendant le protectorat de très vastes territoires, et l’obstination aujourd’hui à refuser à ouvrir les archives françaises pour rétablir le Maroc dans ses droits. 

Les Marocains se réveillent brutalement de leur naïveté, celle d’avoir imaginé que la France les préfère aux Algériens. Les Marocains se rendent compte en même temps que leur coupable complaisance à l’égard de la France prend une tournure dramatique.

Dans le conflit du Sahara, la sournoiserie française de naguère ayant montré ses limites face à la résilience marocaine, l’Élysée semble vouloir afficher au grand jour son rôle de principal belligérant au lieu et place de leurs affidés algériens complètement épuisés par une gabegie sans nom.

Beaucoup de voix vont s’élever pour m’attaquer et me rappeler que la France a toujours soutenu le Maroc au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Indéniablement ! Mais cette attitude positive est en train de se dérober à l’approche de l’heure de vérité. Serait-elle une simple attitude de confort puisqu’elle n’a rien d’irréversible, irréversible comme l’est la position américaine ?

Les inconditionnels de la France, comme je l’étais il n’y a pas si longtemps, constatent avec amertume que les masques dont elle s’est affligée commencent à tomber. Oui, elle est obligée de tomber les masques car elle paie ses erreurs d’appréciation sur le Maroc. 

A l’abri d’une docilité feinte ou réelle, le Maroc a su se frayer un chemin vers la réémergence en dynamisant son économie, en se redéployant vers des contrées qui constituaient naguère son espace naturel, et enfin en nouant des alliances solides comme il savait le faire tout au long de son histoire. La France, aveuglée par le mépris viscéral nourri à l’égard de son ancien « protégé », n’a donc pas vu venir ces prodigieux changements, et ne se remet pas de l’image insolente de santé que lui renvoie le Maroc d’aujourd’hui.

Le Maroc nouveau étonne et surprend. Étonne ses partenaires, mais surprend surtout la France qui l’a figé à jamais dans une image rétrograde. Faute d’accepter ces transformations et de s’accommoder de ses relatifs succès, mal lui en a pris en essayant de tout faire pour bloquer l’essor du Maroc, et en même temps pour contrarier ses velléités d’indépendance.  

Le Maroc a su habilement se jouer des obstacles dressés sur son parcours par la France. Ce jeu du chat et de la souris a fini par énerver Macron. Et la fébrilité qui s’empare de l’Élysée l’amène à faire usage de toutes les armes à sa disposition. Sur le plan économique j’ai mentionné dans de précédentes chroniques comment la France cherche à entraver les transferts de fonds des Marocains établis à l’étranger sous le fallacieux prétexte de lutte contre le blanchiment d’argent. J’ai consacré une chronique entière aux tentatives françaises d’entraver nos exportations de phosphates en Europe sous prétexte d’une fumeuse affaire de teneur en Cadmium. J’ai eu aussi à déplorer le départ de grands groupes français qui ont connu, tout récemment encore, des activités florissantes au Maroc.

Sur le plan politique, inutile de revenir sur l’affaire du Sahara alors que la main française n’a jamais été trop loin. Ce conflit majeur qui dure depuis un demi-siècle, constitue le caillou dans la chaussure. Cela a certes ralenti notre marche, mais le Maroc continue hardiment, même dans la souffrance, son bonhomme de chemin. En aucun cas il ne s’est arrêté. Il ne renoncera jamais !

Insupportable pour la France qui guette le moindre détail pour s’en faire une arme contre nous. Imaginez par exemple France 24 qui vient au secours de l’Algérie en dépêchant illico une équipe chez le Président kenyan pour le forcer à revenir sur sa décision concernant la RASD. Une telle démarche ne pouvait pas se faire sans l’aval des services français. 

Beaucoup de Marocains restent persuadés que le Palais de l’Élysée n’est pas étranger à la décision du Président tunisien de recevoir le chef du Polisario. Comme il ne serait pas étranger à la toute récente décision du Président mauritanien qui vient d’offrir aux bateaux algériens la possibilité de mouiller dans les ports de Mauritanie. Est-ce enfin la fenêtre sur l’Atlantique, tant rêvée par l’Algérie ?  

Voir dans chaque acte hostile la main de la France pourrait apparaître comme relevant de la paranoïa. Non, non et non, les Marocains ne sont pas paranos, leurs conclusions sont en adéquation avec l’épreuve des faits. Car, quand on connaît la précarité que vivent ces pays, qui le dos au mur, sont prêts à tous les reniements et renoncements, et quand de plus on connaît les mécanismes de prise de décisions de leur chef d’Etat, on ne peut pas ne pas aboutir aux mêmes conclusions. 

Égrener les griefs est une manière de saluer la résilience marocaine que trahit un stoïcisme à toute épreuve, surprenant pour certains, mais admirable pour beaucoup.  

Dans cette guerre larvée, le Maroc n’a pas encore gagné, mais la France et ses affidés ont déjà perdu ! 

Bouznika le 4 octobre 2022

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