Le Marché de la lecture – Par Seddik Maâninou

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Affiche d’annonce de la séance de signature des ouvrages de Seddik Maâninou

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Des Ages et des hommages - Par Seddik MAANINOU

J'ai passé une heure et demie au Salon du livre pour une séquence de signature de mes ouvrages... J'étais heureux de cette visite après plusieurs années d'absence... Je me suis installé sur le côté gauche du stand de mon éditeur, les Éditions Bourgreg

, et je me suis mis à attendre patiemment, m’amusant à contempler les visiteurs, leurs attitudes, tentant de deviner leurs quêtes... Mon attente ne dura pas longtemps. Rapidement, pour mon bonheur, ma présence attisa la curiosité avec à ses détours des rencontres auxquelles je ne m’attendais pas... 

D'Andalousie

Une dame s'est approchée de moi. Sous son bras, deux livres qu'elle m'a offerts... Elle m’a expliqué être " intéressée’’ par mes ouvrages et ce que YouTube contient de mes entretiens... J'ai remercié le docteur Saïda Al-Alami, c’est son nom, et mon intérêt s'est porté sur les deux livres. Ils faisaient ressortir qu'elle s'intéressait à la littérature féminine... Le premier, intitulé " Awraq Rayhane’’ (Les Feuilles du Basilic) contient des lectures dans plusieurs œuvres... Parmi elles, un voyage en Andalousie à l'époque des rois des Taifas, l'histoire de Walada et Zidan et l'amour qui les a unis au point que leur légende a rivalisé à un moment avec celle de "Roméo et Juliette"... Ensuite, l'histoire de Al-Mu'tamid* et 'Imad et leur règne sur Séville, leur amour mythique et leur triste fin, exilés à Aghmat... D’autres histoires racontent des mères, dont une, amazighe, "symbole de tendresse et de fertilité, une femme patiente, silencieuse, conservatrice et analphabète vivant dans une société pauvre et fermée et qui pourtant a donné naissance à un écrivain, un poète et un ministre..." et d'autres histoires... Le second livre est intitulé ‘’Nafahate andaloussia’’ (Souffles Andalous).

De Bahalil

Fouzia des Bahalil m'a rendu visite, portant un bouquet de roses à blancheur pure, si elles avaient été rouges, j’aurais dit écarlate... Elle m'a rappelé ce qui a uni nos deux familles au cours des décennies... Sa mère est analphabète, mais poète innée, son père était le chef du bureau du parti du Choura et de l'Indépendance à Bahalil [parti dont le père de Seddik, Haj Ahmed, est l’un des fondateurs NDLR]. Fouzia est une femme d'initiatives audacieuses lorsqu'elle était déléguée de la Résistance. Nous avons posé pour la postérité et nous nous sommes séparés en espérant nous revoir... 

La petite-fille

Mouna s'est arrêtée devant le stand, elle a souri comme à son habitude et m'a présenté Leila, la fille de son frère Nizar... Une jeune fille dans la vingtaine, belle et élégante... J'étais heureux de rencontrer la petite-fille de mon ami Mohammed Laarbi Messsari**... J'ai signé pour elle mon ouvrage "La Marche Verte". Cette rencontre a été pour moi un ressourcement dans mon amitié avec son grand-père défunt. Un instant de souvenirs, un ré-immersion dans tout ce que nous avions partagé dans ce beau métier... Je lui ai dit... "Je suis fidèle à mes amitiés et Laarbi Messari est un symbole de la pensée propre. À jamais dans ma mémoire. 

L’Handicapé

Une femme s'est approchée, son expression disant un certain étonnement. Elle m'a demandé "Êtes-vous untel ?" Je lui ai répondu par l’affirmative et elle m'a raconté avoir veillé avec moi la nuit précédente jusqu'aux premières heures du matin et qu'elle avait suivi mes entretiens sur "YouTube", notamment avec Ramadani... Elle a exprimé son souhait que je prenne une photo avec son fils handicapé... Je me suis levé rapidement et j'ai étreint l'enfant avec beaucoup d'attention. J'ai été émue en voyant les larmes monter aux yeux de la mère.

Le non-voyant 

Mon ami Talha a souri et dit : "Ce sont mes élèves de Fès..." J’ai parcouru leurs visages sans remarquer qu’un jeune homme du groupe était non voyant... Il m'a surpris quand il a commencé à me parler dans un arabe parfait, un mélange de poésie et de langue classique... Son discours était ininterrompu telle une cascade, exprimant ses émotions et son admiration... Je l'ai serré contre moi quand j'ai découvert son handicap... Il m'a demandé de prendre une photo-souvenir avec lui... Je me suis placé à ses côté et il m'a susurré : "S'il te plaît, mets ta main sur mon épaule", ce que j'ai fait en m’interrogeant sur le sens d’une photo avec une personne qui ne la verra jamais.. ?!

D'Azemmour 

Mon ami Cheikh Abdelmajid est venu d'Azemmour, toujours de blanc vêtu, sans jamais se départir de sa jellaba, se déplaçant à l’aide de deux cannes... Je me suis souvenu de sa présence lorsque j'étais à El Jadida lors d'une foire aux livres, toujours présent, insistant... C'est un assidu à l’actualité politique et culturelle, possède une bibliothèque de livres et de magazines qui fait envie... une mémoire à toute épreuve et une soif insatiable de connaissances... Et bien qu'il ait déjà l’ensemble de mes ouvrages, il a insisté pour acquérir le premier volume de mes mémoires afin que je le dédicace en gage de notre amitié... Ce n’était pas pour me déplaire...

Abdeljabbar 

Il y avait beaucoup de visiteurs, et j'ai choisi quelques exemples qui racontent quelque chose, parfois étranges, mais toujours proches de cœur... J'ajouterai la visite de Hassane Abdelkhalek, le journaliste paisible et l'ambassadeur serein... Sa présence m'a rappelé "les jours d'antan" lorsque nous échangions des nouvelles et des informations sur la question de notre unité territoriale... Sa visite m'a rappelé Abdeljabbar Shimi le fondateur d'une école de journalisme honnête et engagée... Je me suis souvenu du jour où la ville de Fès l'avait honoré et il était prévu que l’hommage lui serait rendu en présence du ministre de la Communication, du gouverneur de la préfecture et du président du conseil de la ville... J'étais alors en mission journalistique dans la capitale spirituelle quand Abdelssalam Zerouali, délégué du ministère de la Communication, m'a appelé et m'a informé que les officiels s'étaient excusés, me demandant de présider au pied levé la cérémonie. Abdeljabbar a été surpris par ma présence et l'a considérée dans la délicatesse comme un signe d'une amitié qui ne s’est jamais interrompue...

Les Régions 

J'aurais aimé m'étendre davantage sur d'autres visiteurs, mais je tiens à dire à la fin, que malgré ses défauts, le salon peut être considéré comme un "souk a’am» (la foire annuelle d’antan), courant dans notre culture... Un rendez-vous où les gens se rencontrent, renouvellent leurs relations, rafraichissent leurs souvenirs, se réjouissent de leurs productions, se rendent hommage mutuellement... C'est pourquoi j'espère qu'il sera organisé au niveau des Régions et qu'il sera une occasion de célébrer les poètes, les écrivains et les intellectuels des régions et de distribuer des livres dans les écoles et les lycées... La culture et la lecture, nous devons les porter et les mettre entre les mains des gens, près de leurs lieux de travail, de leur résidence et espaces de loisirs, dans l'espoir de transformer "souk a’am" en un "marché de la lecture".

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