Cinéma, mon amour de Driss Chouika: ''LE COURAGE EN PLUS'', UN FILM D’UN HUMANISME PROFOND

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Les handicapés devraient se concentrer sur les choses que leur handicap ne les empêche pas de faire, sans regretter ce dont elles sont incapables ». Voilà les exemples positifs qu’ont suivis ces jeunes pour défier leurs handicaps. Et c’est tout le mérite des réalisateurs bien inspirés, qui ont été malheureusement totalement, et injustement, ignorés par le Jury Officiel du FICAK. Heureusement que leur effort a été reconnu par le Jury des Ciné-clubs qui a accordé une Mention Spéciale au film.

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Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika - LE CINÉMA UNDERGROUND : QUAND  L'AMÉRIQUE FAISAIT SON CINÉMA EXPÉRIMENTAL 

« Le handicap [...] nous fournit une espèce de loupe qui montre en condensé ce qu'est une vie humaine : jugement d'autrui, stigmatisation, exclusion, gêne, embarras, mais aussi fécondité de la persévérance, besoin d'une intériorité, d'une société plus bienveillante ». Alexandre Jollien.

Parmi les films de la compétition LM de la 23ème édition du Festival International du Cinéma Africain de Khouribga, nous avons eu l’occasion de voir le film guinéen “Le courage en plus“ de Billy Touré et Laurent Chevalier. Ce film, construit d’une manière originale en tant que documentaire avec un souffle de fiction, représente une intéressante expérience cinématographique mettant en valeur une expérience bien particulière vécue par un groupe d’handicapés qui s’organisent en un groupe de théâtre, de musique et de danse pour échapper à la mendicité dans la rue. Billy Touré, épaulé par Laurent Chevalier, a suivi leur quête et leur combat pendant sept ans, à travers la Guinée puis en France, pour réaliser ce document cinématographique original.

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Le réalisateur Billy Touré et l’un des comédiens de la troupe des Handicapables 

Il s’agit d’un groupe de jeunes handicapés moteurs, paralytiques, manchots ou nains qui ont décidé, aidés par l’association Wonbéré et la marraine Rabab Al Akhawi , la création d’une troupe de théâtre, musique et danse, sous l’appellation « Les Handicapables », à Conakry, capitale de la Guinée. Ce sont bien des mendiants qui ont choisi de sortir de leur condition d’assistés par la création artistique. De la Guinée où ils résident à la région de Toulouse où ils ont pu se produire, le film raconte comment ces jeunes ont su mettre en commun leur rage de vivre pour en faire une force créatrice, de changement et d'espoir d’une vie meilleure, défiant toutes les difficultés inhérentes à l’Afrique et à la mentalité ambiante associant handicap à la mendicité.

 TRANSFORMER LE HANDICAP EN SOURCE D'ÉNERGIE

Le traitement du film est basé sur les moments les plus significatifs de la vie de ces jeunes handicapés dans leur combat quotidien pour améliorer leurs conditions de vie, acquérir et imposer la reconnaissance de leur dignité humaine. Effectivement, avec un courage à toute épreuve et une détermination hors du commun, ils ont pu s’imposer sur la scène artistique comme des créateurs à part entière qui n’ont rien à envier au commun des artistes. Il faut transformer tout handicap en source d’inspiration et d’énergie, semblent vouloir dire concrètement les membres de ce groupe et tous ceux qui les soutiennent.

Encouragés et stimulés par le chanteur guinéen Sidi Boss, également handicapé moteur qui avait émigré aux Etats-Unis où il avait pu s’imposer comme une star mondialement reconnue, avant de retourner en Guinée, rencontrer “Les handicapables“ et devenir leur maître et leur soutien. Cette opportunité avait constitué une grande motivation pour les membres du groupe et les a bien confortés dans leurs convictions, bien exprimés par leur slogan principal : nous sommes bien un groupe avec des besoins spécifiques, mais capables de faire des choses dans les règles de l’art.

Si sur le plan humain, ce film remplit bien sa mission, les réalisateurs s’en sortent honorablement aussi sur les plans technique et esthétique. La construction narrative du film permet au spectateur de suivre aisément les faits et gestes des membres du groupe et s'imprégner de leur comportement et leurs sentiments humains profonds. La spontanéité et la sincérité apparente de ces jeunes, pas comme les autres, est bien séduisante et conduit à croire à leurs efforts de création et les respecter.

 LE HANDICAP N’EST PAS UNE FATALITÉ

Billy Touré affirme qu’il a bien cherché, en compagnie de Laurent Chevalier, à montrer à la Guinée en particulier et au monde en général que le handicap n’est pas synonyme de mendicité ni de mort. Au contraire, il est aujourd’hui possible de voir des jeunes gens pareils, qui en ont l’envie et le courage, réaliser leurs rêves et acquérir leur dignité humaine. « Ce film est un appel aux gens pour qu'ils cessent de stigmatiser ces personnes ayant des besoins spécifiques et facilitent leur intégration dans la société », a-t-il dit. Effectivement, en regardant ce film on finit par se convaincre que l'infirmité de ces personnes n’est pas une fatalité et ne doit jamais être considérée comme telle. Ils ne doivent pas être acculés à la mendicité ni se complaire dans une condition d’éternels assistés, vivant au marge de la société. Dans la réalité, « ils ont une intelligence extraordinaire et peuvent réaliser des choses remarquables, merveilleuses même ». C’est pour ces raisons qu’il est important de sensibiliser les gens et changer leur façon de concevoir le handicap.

Alexandre Jollien avait bien dit, en connaisseur averti, que « Le handicap [...] nous fournit une espèce de loupe qui montre en condensé ce qu'est une vie humaine : jugement d'autrui, stigmatisation, exclusion, gêne, embarras, mais aussi fécondité de la persévérance, besoin d'une intériorité, d'une société plus bienveillante ». Et Stephen Hawking, ayant souffert de sclérose latérale amyotrophique, avait bien affirmé aussi, défiant son handicap, qu’« Au fond, j’aurai eu une belle vie. Les personnes handicapées devraient se concentrer sur les choses que leur handicap ne les empêche pas de faire, sans regretter ce dont elles sont incapables ». Voilà les exemples positifs qu’ont suivis ces jeunes qui ont fini par défier leurs handicaps. Et c’est tout le mérite des réalisateurs de ce film bien inspiré, qui a été malheureusement totalement, et injustement, ignoré par le Jury Officiel du FICAK. Heureusement que leur effort a été reconnu par le Jury des Ciné-clubs qui a accordé une Mention Spéciale au film.

Les réalisateurs ont beaucoup souffert pour faire ce film afin de contribuer au changement de la mentalité, tant officielle que populaire, qui pénalise les handicapés et tend à les confiner dans une condition de mendiants.

Et c’est un effort louable à encourager.

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