Cinéma, mon amour de Driss Chouika – HOLLYWOOD FACE À UN CONFLIT HISTORIQUE

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L'actrice Fran Drescher, présidente de la SAG-AFTRA, arrive au piquet de grève de Netflix à Los Angeles, Californie, le 14 juillet 2023. Des dizaines de milliers d'acteurs hollywoodiens se sont mis en grève le 13 juillet 2023 à minuit, provoquant l'arrêt des activités du géant du cinéma et de la télévision. Ils ont rejoint les scénaristes dans le premier débrayage à l'échelle de l'industrie depuis 63 ans. (Photo VALERIE MACON / AFP)

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Cinéma, mon amour de Driss Chouika: ''LE COURAGE EN PLUS'', UN FILM D'UN  HUMANISME PROFOND

« On ne peut pas changer le “business model“ autant qu’il a été modifié et ne pas s’attendre à ce que le contrat change aussi. Je ne peux pas croire que les studios plaident la pauvreté, qu’ils disent perdre de l’argent à gauche et à droite, quand dans le même temps ils donnent des centaines de millions à leurs PDG. C’est dégoûtant. Honte à eux ! ». Francine Roy Drescher. 

Los Angeles est en ébullition. Le secteur cinématographique et audiovisuel risque l'arrêt total, et pour longtemps ! C’est un événement historique unique qui a secoué la vie, jusque-là tranquille, de Hollywood. Du jamais-vu durant toute l’histoire du cinéma ! Le jeudi 13 juillet 2023, une grève, à la durée et à l’issue imprévisibles, est décidée par le plus grand et plus puissant syndicat de comédiens dans le monde : SAG-AFTRA (Screen Actors Guild‐American Federation of Television and Radio Artists), regroupant quelque 160.000 comédien(ne)s de cinéma et télévision. Les studios de Hollywood faisaient déjà face à un bras de fer des scénaristes en grève depuis deux mois, L’entrée en lice des acteurs vient attiser le feu et généraliser les négociations qui revendiquent l’actualisation et la revalorisation des rémunérations selon les nouvelles données du marché, comme le streaming. Il est également exigé une réglementation de l’utilisation de l’Intelligence Artificielle en vue notamment d'empêcher le clonage des images et voix des comédiens et leur exploitation incontrôlée.

C’est la première fois, depuis une première tentative en 1960, que les comédiens et les scénaristes se liguent pour mieux défendre leurs droits en tant que créateurs face aux géants studios. Le timing de leur action n’est pas fortuit. Ils misent sur la pression qu’exerce le calendrier de sortie des films et séries dont le tournage n’est pas encore terminé, ainsi que les super-productions dont la sortie est prévue pour l’été 2023. Cela fait monter la tension et risque de causer de sérieuses pertes aux producteurs.

Francine Roy Drescher, présidente du syndicat SAG-AFTRA, la star de la mythique série “Une nounou d’enfer“ (1993/1999), a lancé le combat avec verve en affirmant haut et fort lors de l’annonce de la grève “Si nous ne nous levons pas tous maintenant, nous serons tous en danger“. Elle place d’emblée la barre bien haut en affirmant qu’« On ne peut pas changer le “business model“ autant qu’il a été modifié et ne pas s’attendre à ce que le contrat change aussi. Je ne peux pas croire que les studios plaident la pauvreté, qu’ils disent perdre de l’argent à gauche et à droite, quand dans le même temps, ils donnent des centaines de millions à leurs PDG. C’est dégoûtant. Honte à eux ! ».

La grève a été votée suite à l'échec des négociations entre le syndicat SAG-AFTRA et l’AMPTP (Alliance of Motion Picture and Television Producers) qui n’a pas pu être évité malgré l’intervention d’un médiateur. Apparemment, les négociations ont été bien rudes, eu égard aux grands enjeux matériels que cela implique. Plusieurs historiens et spécialistes pensent que cette confrontation entre comédiens et scénaristes d’une part et studios et producteurs d’autre part ouvre la voie à une nouvelle approche de la production cinématographique et audiovisuelle que vont graduellement imposer les nouvelles technologies, notamment le streaming et les nouvelles formes de diffusion (réseaux sociaux et plateformes numériques).

DES ENJEUX MATÉRIELS DE TAILLE

La situation n’est pas simple. A sa base, il y a de grands conflits d'intérêts, impliquant des enjeux matériels colossaux. Il s’agit des plus grandes fortunes dans le monde, les grands groupes, studios et compagnies de cinéma et de télévision, les réseaux sociaux et les nouvelles plateformes numériques. C’est dire que cela brasse beaucoup d’argent où les budgets dépassent les sept chiffres ! Le combat s’annonce bien rude et du côté des comédiens et scénaristes, le fait qu’ils soient les plus grandes victimes du nouveau système économique imposé par les nouvelles technologies, excepté un petit nombre des grandes stars, leur plus grande force réside dans une solidarité à toute épreuve. Ils en sont conscients et appellent au strict respect des consignes des syndicats, l’observation d’un blackout total : arrêter les tournages, les auditions, la promotion des sorties, tout. D'où les grosses pertes que risquent les grands studios et compagnies de production et de distribution.

Les comédiens du nouveau film de Christopher Nolan, “Oppenheimer“, l’un des blockbusters de cet été 2023, ont quitté le tapis rouge collectivement lors de l’avant-première de Londres le jeudi 13 juillet, en guise de solidarité, juste après l’annonce de la grève. Nolan a déclaré ironiquement “Malheureusement, ils sont partis pour préparer leurs pancartes“ ! Le patron de Disney, Bob Igor, paraît bien inquiet. Il a affirmé que “Tout ça me perturbe beaucoup. Devant tous les défis auxquels nous faisons face, c’est le pire moment au monde. Je comprends le désir de toute organisation syndicale de travailler au nom de ses membres pour une rémunération équitable en fonction de la valeur qu’ils offrent. Mais leurs demandes ne sont pas réalistes“. Cela annonce bien un grand risque de paralysie du secteur.

LES PRÉMICES D’UN CHANGEMENT RADICAL

La position des scénaristes et comédiens est bien légitime. Ils défendent leurs droits en demandant l’adaptation de la réglementation en vigueur aux nouvelles données et pratiques technologiques qui chamboulent le fonctionnement de tout le système. Ils demandent à tout revoir à cause notamment du streaming et autres pratiques des réseaux sociaux et des nouvelles plateformes numériques, le clonage des images et des voix, le “De-Aging“ (rajeunissement)...

Les nouvelles technologies compliquent bien la situation et risquent de porter préjudice aux intérêts des créateurs si la réglementation ne s’adapte pas pour réguler les rapports et les pratiques dans l’ensemble du secteur.

Nous aussi, nous avons longtemps rêvé de pouvoir vivre une situation pareille : créer les conditions qui nous permettent de défendre nos intérêts en tant que professionnels. Malheureusement, chez nous, et dans le monde arabo-musulman en général, avoir une organisation professionnelle aussi unie et forte demeure du domaine du rêve ! Un vœu pieux !

DRISS CHOUIKA

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