Cinéma, mon amour de Driss Chouika : «L’INONDATION », INVITATION À UNE RÉFLEXION PROFONDE SUR LA CONDITION HUMAINE

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L'inondation cataclysmique représente un antagoniste implacable, soulignant la fragilité de l'existence humaine face à la nature déchaînée

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Cinéma, mon amour !'' de Driss Chouika : DE L'HISTOIRE DU CINEMA MAROCAIN

« Ce pourrait être un drame naturaliste. Cependant, grâce à une mise en scène raffinée, grâce à la qualité plastique de la réalisation (photo, couleur, cadrages, costumes,...) ce film épuré, aux dialogues parcimonieux, atteint à la dimension d'une tragédie du quotidien ».

Guide des films, Jean Tulard, R. Laffont

"L'inondation" est un film franco-russe réalisé par Igor Minaiev et produit par Daniel Toscan du Plantier, sorti en 1993, ayant recu les prix de la Meilleure Réalisation et celui de la Meilleure Interprétation Féminine (pour Isabelle Huppert) au Festival Kinoshock d’Anapa en 1994. Ce film, adapté d’une nouvelle d’Evgueni Zamiatine, trace une perspective significative sur l'histoire et la condition humaine à travers le reflet d'une inondation dévastatrice qui frappe une ville russe au début du 20ᵉ siècle. Cette œuvre cinématographique combine habilement des éléments historiques, dramatiques et psychologiques pour explorer les réactions des différents personnages confrontés à une catastrophe imminente.

L'histoire du film se passe à Petrograd vers 1920. Sofia, femme de Trofine Ivanovitch, qui rêve de devenir mère, ne peut avoir d'enfants. Les époux décident alors d'adopter Ganka, une voisine adolescente devenue orpheline. Mais Trofine est attiré par la jeune fille et Sofia les surprend ensemble. Elle accepte d'abord cette situation comme une fatalité, mais elle finit progressivement par lui devenir insupportable. Sofia profite alors de l’inondation catastrophique qui s’abat sur la ville pour se débarrasser de sa rivale...

PROFONDE RÉFLEXION SUR LA CONDITION HUMAINE

L'Inondation aborde plusieurs thèmes profonds tout au long de son récit. L'un des thèmes centraux est celui de la lutte humaine contre les forces naturelles. L'inondation cataclysmique représente un antagoniste implacable, soulignant la fragilité de l'existence humaine face à la nature déchaînée. Cette thématique est renforcée par la mise en scène de Minaiev, qui utilise des images saisissantes pour illustrer la puissance brutale de l'eau, créant ainsi une atmosphère de tension constante.

Un autre thème clé est celui de la lutte des classes sociales. Le film présente un contraste frappant entre les riches et les pauvres alors qu'ils font face à la catastrophe. Les élites cherchent à se protéger et à sauver leurs biens, tandis que les classes inférieures luttent pour leur survie dans des conditions de plus en plus désespérées. Cette division sociale est mise en lumière de manière poignante à travers les interactions des personnages, soulignant les inégalités flagrantes qui existent même face à une menace naturelle commune.

L'inondation elle-même est le point central de l'histoire, et la narration de Minaiev s'articule autour de son développement. Le réalisateur utilise une approche non linéaire, entrelaçant les destins de plusieurs personnages pour offrir un aperçu complet de la situation. Cette structure narrative fragmentée reflète le chaos de la catastrophe imminente et permet également au spectateur de développer une compréhension multidimensionnelle de l'événement.

La tension monte progressivement tout au long du film, avec des moments de calme tendu entrecoupés de scènes d'action frénétiques lorsque les eaux montent. Minaiev maîtrise l'art du suspense, gardant le public sur le bord de son siège alors que les protagonistes luttent pour leur survie. Cette approche contribue à l'immersion du spectateur dans l'histoire et à son investissement émotionnel dans le sort tragique des personnages.

UNE APPROCHE ESTHÉTIQUE REMARQUABLE

Les personnages de L'Inondation sont divers et complexes, chacun apportant une perspective unique à l'histoire. Parmi eux, on trouve le bureaucrate insensible, les aristocrates déconnectés de la réalité, les travailleurs acharnés et les citoyens ordinaires, chacun représentant une facette différente de la société russe de l'époque. Les acteurs sont bien convaincants dans l’interprétation de leurs personnages, permettant au spectateur de ressentir leur désespoir, leur peur et leur détermination. Les relations entre les personnages sont également cruciales pour le récit. Les liens qui se forment entre eux dans les moments de crise révèlent l'humanité sous-jacente même dans les circonstances les plus extrêmes. Par exemple, l'amour naissant entre un ouvrier et une aristocrate illustre la capacité de l'amour à transcender les barrières sociales, même en période de crise.

Sur le plan visuel, L'Inondation est une œuvre impressionnante. Les décors sont soigneusement conçus pour refléter l'époque et l'atmosphère, avec une attention particulière donnée aux détails historiques. Les effets spéciaux utilisés pour représenter l'inondation sont époustouflants, créant des scènes spectaculaires et déchirantes alors que les eaux engloutissent la ville.

La photographie du film est également remarquable, avec des plans larges capturant la grandeur et la tragédie de la situation. Les couleurs sont souvent sombres et saturées, renforçant l'atmosphère de désespoir et de chaos. La bande originale, composée spécialement pour le film, accompagne parfaitement les images, ajoutant une dimension émotionnelle supplémentaire à la représentation cinématographique.

Ainsi, “L'inondation“ est un film remarquable qui offre bien plus qu'un simple récit de catastrophe naturelle. À travers son exploration des thèmes de la lutte humaine contre la nature, des inégalités sociales et des rapports humains, le film nous invite à réfléchir sur la condition humaine et notre capacité à faire face à l'adversité.

FILMOGRAPHIE ٍSÉLECTIVE DE IGOR MINAIEV (LM)

« L’invité » (1980) ; « Mars froid » (1987) ; « Rez de chaussée » (1990) ; « L’inondation » (1993) ; « Les clairières de lune » (2002) ; « Loin de Sunset Boulevard » (1983) ; « La robe bleue » (2015).

DRISS CHOUIKA

 

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