billet
Les amantes du grand air
Avant de me mettre à table, j’ai fais un tour par la presse algérienne. A vous couper l’appétit. Ces gens-là ne connaissent même pas la trêve de fin d’année. Ni de respect pour le jour présumé de la naissance du présumé Christ. Heureusement, les Chrétiens n’ont pas (encore) leur Daech, sinon avec ce blasphème, le Quid aurait été bon pour un coup à la Charlie Hebdo.
La presse algérienne se délecte de ce qui s’est passé à Imlil, dans la région de Marrakech. Ouaiiiis, ça y est, le royaume de Mohammed VI est en train de sombrer, le Maroc va enfin connaître sa décennie noire, 200 mille morts, plus que les Français n’ont tué pendant la guerre d’Algérie (oui, je sais les Algériens revendiquent 1 million de martyres, mais c’est un chiffre de propagande), ouaiiis les Marocains vont s’entretuer, et quand ils seront tous morts, ouaiiis, on ajoutera ce qui reste du Maroc à Tindouf, Touat, Gouarara, ouaiiis, l’Algérie va enfin devenir une puissance régionale, ouaiiis.
Quand il n’y aura plus de région.
Rassurez-vous, au Maroc, un crime terroriste ce n’est qu’une mauvaise grippe, saisonnière, tous les 7, 8 ans, pour nous protéger du mauvais œil, voter une bonne nouvelle loi antiterroriste, serrer quelques boulons aux mauvais islamistes, resserrer un peu les rangs… Si vous avez envie de visiter le Maroc en toute sécurité c’est le bon moment, vous êtes tranquilles pour les 7, 8 ans à venir.
Oui, mais. Les victimes de 2003 à Casablanca sont mortes dans un espace confiné, la même chose pour celles d’Argana à Marrakech en 2011, même si l’on a vu leurs photos, elles n’ont pas le même impact, peut-être leur effet s’est-il estampé avec le temps qui passe.
Louisa et Ueland, c’est autre chose.
Leur sourire. Radieux, d’autant plus éblouissant qu’il est mort. Leur fraicheur qui irradie le bonheur de vivre dans l’amour de la nature, des maitresses de la belle étoile, des amantes du grand air qui n’est jamais aussi vital que quand on prend de la hauteur, aussi enivrant que quand il se raréfie avec l’altitude.
Tuées dans les flans des montagnes de l’Atlas par la soulerie fanatique, gueulante de bois, qui trinque du matin au soir, d’assobh au icha’a, avec l’ignorance nourrie aux sources des frustrations les plus dégradantes qui croient trouver leur salut dans une nostalgie qui n’a existé que grâce aux lumières de gens qui ont su séparer dans la religion le bon grain de l’ivraie.