Science & tech
En Chine, l'essor des taxis sans chauffeur suscite à la fois crainte et ferveur
Photo prise le 1er août 2024 montre un écran à l'intérieur d'un véhicule autonome robotaxi sans conducteur, développé dans le cadre du projet de conduite autonome Apollo Go du géant technologique Baidu, à Wuhan, dans la province du Hubei, en Chine centrale. Faisant tourner les têtes lorsqu'ils passent devant les immeubles de bureaux et les centres commerciaux, les taxis sans chauffeur se répandent lentement dans les villes chinoises, suscitant à la fois l'inquiétude et l'émerveillement. (Photo P
"Comme dans un film de science-fiction !" : les taxis sans chauffeur se répandent dans les villes en Chine, où ils font se lever les têtes d'étonnement, suscitant toutefois autant l'enthousiasme que la méfiance.
Les géants de la tech et les constructeurs automobiles chinois ont investi ces dernières années des milliards d'euros dans la conduite autonome, dans l'espoir de rattraper les leaders américains.
La grande ville de Wuhan (14 millions d'habitants), dans le centre de la Chine, est devenue le plus grand laboratoire planétaire du secteur : 500 taxis sans chauffeur ("robotaxis") y circulent. Un record mondial.
Ils peuvent être sollicités avec une simple application mobile, comme une course normale.
"C'est un peu magique, comme dans un film de science-fiction !", déclare M. Yang, un habitant.
Tout le monde ne partage toutefois pas son enthousiasme.
Les craintes autour de la sécurité de cette technologie ont été relancées en avril lorsqu'un véhicule Aito (du fabricant d'électronique Huawei) a été impliqué dans un accident mortel en Chine. Selon l'entreprise, le système de freinage automatique ne s'était pas déclenché.
Une collision sans gravité entre un piéton et un robotaxi à Wuhan le mois dernier a ravivé les inquiétudes.
De leur côté, les conducteurs de taxis traditionnels et de VTC (voiture de transport avec chauffeur) craignent d'être progressivement évincés par cette technologie.
Les robotaxis de Wuhan font partie du projet "Apollo Go" du géant technologique chinois Baidu, lequel a reçu dès 2022 une première licence pour opérer dans la ville.
"Ils nous volent"
Sa flotte est désormais déployée sur 3.000 kilomètres carrés - soit plus d'un tiers de la surface de la ville.
En comparaison, le leader américain Waymo affirme que la plus grande zone qu'il couvre est de 816 kilomètres carrés, en Arizona.
Lorsqu'une voiture arrive au point d'embarquement, les passagers doivent scanner un code QR avec leur téléphone pour déverrouiller le véhicule.
Les tarifs sont volontairement réduits: un trajet de 30 minutes effectué par l'AFP n'aura coûté que 39 yuans (4,95 euros), contre 64 yuans s'il avait été effectué avec un taxi normal.
"Ils nous volent notre gagne-pain", peste Deng Haibing, un chauffeur de taxi de Wuhan.
Sa crainte : que les entreprises de robotaxis laminent la concurrence avec leurs tarifs réduits, avant d'augmenter à nouveau leurs prix une fois en situation favorable. Une tactique déjà employée par les compagnies chinoises de VTC dans les années 2010.
Les robotaxis ne constituent toutefois pour l'heure qu'une infime proportion des dizaines de milliers de taxis et VTC à Wuhan.
Mais un nombre croissant de villes chinoises ont lancé des politiques favorables à la conduite autonome, une tendance encouragée par le gouvernement afin de rivaliser avec les Etats-Unis.
Baidu et son rival chinois Pony.ai testent ainsi depuis de nombreuses années, souvent dans des zones industrielles, moins fréquentées que les centres-villes, plusieurs modèles de différents niveaux d'autonomie.
Ecran tactile
Shanghai a délivré en juillet de premières autorisations, provisoires, pour la circulation de voitures sans conducteur. Pékin a approuvé l'utilisation de robotaxis entièrement autonomes dans certaines zones périphériques.
Des projets pilotes sont également en cours à Chongqing (sud-ouest) et à Shenzhen (sud), capitale chinoise de la tech.
Mais il reste un long chemin à parcourir avant que ces véhicules deviennent omniprésents, selon Tom Nunlist, analyste au cabinet pékinois Trivium China.
"Tout le monde semble penser aujourd'hui que la conduite autonome est quelque chose d'inévitable", déclare-t-il à l'AFP.
Mais "pour l'instant, cette technologie (...) n'est tout simplement pas prête pour un déploiement à grande échelle", souligne-t-il.
Car même si les taxis Apollo Go à Wuhan peuvent repérer les obstacles et sont très prudents aux croisements, les courses sont toujours surveillées à distance par des agents en chair et en os.
Durant un trajet, l'un d'eux a ainsi contacté des journalistes de l'AFP via l'écran tactile présent dans l'habitacle, pour leur rappeler de boucler leurs ceintures.
Les robotaxis ne pourront toutefois jamais remplacer les humains sur certains aspects.
"Certains clients ont des handicaps et ces voitures sans conducteur ne peuvent pas les aider. Sans compter les passagers avec des objets volumineux", déclare M. Zhao, un chauffeur de VTC.
"Seul un humain pourra filer un coup de main."