A ce train, on finira bien par achever l’hôpital universitaire public - Dr Anwar CHERKAOUI

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Sauver les CHU publics n’est possible que la mise en place d’une nouvelle forme de partenariat public/privé (PPP), à condition que tous et chacun y soient gagnants

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La mort lente, programmée, vicieuse et inéluctable de l'hôpital universitaire public continue de tracer son sinueux chemin morbide.  

Elle a débuté, il y a des années, avec le fameux temps plein aménagé (TPA), parti d'une noble intention du Roi défunt Hassan II. Permettre aux médecins universitaires de gagner un peu plus d'argent, tout en restant des médecins enseignants et pratiquants au sein de l'hôpital universitaire public. 

L’abus et le non-respect des horaires autorisées, l’avidité de certains, l'absence d'une instance de suivi et de régulation ont fait que le TPA a dévié de ses objectifs. L'hôpital universitaire public s’est vidé progressivement de médecins expérimentés censés former les médecins de demain. 

Le temps partiel d'exercice d’une forme de médecine libérale par des médecins universitaires est devenu la panacée et a même contaminé les médecins des hôpitaux publics. 

Cependant, il faut préciser que le TPA peut continuer de vivre mais sur des bases saines. Mettre en place une réglementation, permettant un véritable brassage entre la médecine universitaire et la médecine libérale. 

Ce sera une nouvelle forme de partenariat public/privé (PPP), à condition que tout le monde y soit gagnant : la santé des citoyens, les médecins universitaires, les établissements privés de soins et les organismes de remboursement des soins ( ANAM, CNSS et CNOPS), à travers une taxe d’exercice de la médecine Universitaire dans le secteur libéral à la charge de l’établissement des soins. 

La deuxième injection létale dans le corps de l'hôpital universitaire public fut la création de ces établissements semi public dits à but non lucratif. 

Les hôpitaux "Cheikh". On a pris les meilleurs médecins universitaires, on leur a conservé leurs salaires de la fonction publique ou plutôt le double salaire, celui du ministère de la santé et celui du ministère de l'enseignement supérieur et on leur a ajouté des primes. L'hémorragie continu et rend de plus en plus exsangues  les centres hospitaliers universitaires (CHU). 

Une sorte de régulation s’est ensuite enclenchée, mais elle est restée inaboutie. 

Il faut continuer d’assainir ces établissements qui sont dorénavant des acteurs incontournables sur la scène de l'offre de soins au Maroc. 

Le coup de grâce pour finir d'achever l'hôpital universitaire public, une méthode qui a pris ses galons en 2023, est de dissuader, d’une manière ou d’une autre, toute compétence qui veut briguer le poste de directeur d'un CHU. 

On a recours à la mise en place de commissions, dont les membres n’ont ni les compétences académiques ni l'expertise professionnelle qui leur octroient le droit de dire que tel ou tel est plus apte à occuper le poste de directeur d'un CHU du Royaume. 

Les éventuels prétendants se sentent ainsi bafoués voire transgressés : On ne peut être évalué et jugé par moins que soi. Les bons éléments ne postulent même pas. Des noms peuvent en témoigner.   

Il y a des purs sangs qui ont donné leurs heures de gloire aux CHU du Maroc et à la médecine universitaire marocaine. 

Ils sont encore de ce monde et capables de faire bénéficier leur pays de leurs expertises. 

Et, ils et elles sont à jour des dernières données médicales et bien qu’ils et elles préfèrent couler des heures paisibles, ne veulent pas rester les mains croisées en voyant couler le navire de la médecine universitaire publique. 

Ces purs sangs ont formé la grande majorité des médecins qui engrangent aujourd’hui des bénéfices conséquents dans le secteur médical libéral de notre pays. 

De grâce, les CHU ont besoin de coureurs de fond, des étalons. 

Ne contribuons pas à achever l'hôpital universitaire public, en désignant des commissions des béni-oui-oui, qui n'ont ni la compétence ni la latitude du bon choix. 

Ils sont sourds et muets et peu susceptible de dire : nous refusons d'être les témoins ou les auteurs de la chronique d’une mort annoncée de l'hôpital universitaire public.

La concurrence est rude à tous les niveaux. Les cliniques privées au Maroc sont en train de gagner en compétences et en crédibilité en termes de soins et de participation à des essais de recherche auprès d’institutions internationales. Et c’est une bonne chose pour l’image du Maroc. 

Les facultés de médecine privées sont en train de gagner en notoriété. 

Les CHU du secteur libéral qui accompagnent ces facultés se positionnent de mieux en mieux sur l'échiquier de l’offre de soins au Maroc. 

C’est ainsi, car la nature a toujours horreur du vide. 

D’autres acteurs de l’offre de soins sont en train d’affûter leurs armes, les Akdital, les différents réseaux des centres d’oncologie, le réseau des hôpitaux de la Fondation Mohammed V, dont quatre au moins seront construits durant les quatre prochaines années etc…

L’hôpital universitaire public marocain doit garder son statut de leader et rester le seul recours d’ascension sociale pour les couches défavorisées qui rêvent que leur fils ou fille devienne un jour un professeur de médecine. 

Il y a les audits financiers qui traquent ceux qui dilapident les deniers publics.

Il faudra mettre en place des audits des ressources humaines, qui délogent ceux qui apposent leurs signatures pour recruter des incompétents qui auront entre les mains des milliards pour gérer la formation et la recherche médicale universitaire et les soins tertiaires dans notre pays. 

L’état marocain continue de croire solidement en la nécessité des CHU et d’en renforcer le réseau à travers le pays, dont la meilleure illustration est l’inauguration très récemment de celui de Tanger par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Au moins accompagnons ces efforts sérieux par un bon management hospitalier universitaire

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