Les employés informels, dont 97% dans l’agriculture, travaillent en moyenne annuelle 145 heures plus que les formels

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Un taux de féminisation de l'emploi qui demeure encore loin de la parité. La faible qualification des femmes actuellement en emploi et la concentration d'une grande partie du travail féminin dans les aides familiales du secteur de l'agriculture augmentent le risque d'inactivité avec la libération du surplus de main-d'œuvre agricole.

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Rabat, - Les employés informels travaillent en moyenne annuelle 145 heures de plus que leurs homologues formels, tout en recevant une rémunération moyenne cinq fois inférieure, a indiqué, mardi à Rabat, le Haut-Commissaire au Plan, Ahmed Lahlimi Alami.

La prédominance du travail informel entraîne d'importantes disparités en termes de durée de travail, de rémunération et de productivité, a souligné M. Lahlimi lors d’une conférence de presse dédiée à la présentation du Compte satellite de l’emploi (CSE), réalisé par le Haut-commissariat au Plan (HCP), en partenariat avec l’Organisation internationale du travail (OIT).

Les réallocations de l'emploi entre secteurs à faible productivité ne favorisent pas une transformation des structures de production de l’économie nationale et contribuent à une stagnation de productivité et à la faiblesse de la croissance économique tout en permettant un environnement favorable au développement d'une sphère informelle qui imprègne l'ensemble des branches d’activité, a-t-il fait remarquer.

Évoquant l’emploi des femmes, le Haut-Commissaire au Plan a fait savoir que les résultats du CSE font ressortir un taux de féminisation de l'emploi qui demeure encore loin de la parité, ajoutant que la faible qualification des femmes actuellement en emploi et la concentration d'une grande partie du travail féminin dans les aides familiales du secteur de l'agriculture augmentent le risque d'inactivité avec la libération du surplus de main-d'œuvre agricole.

Les résultats du CSE donnent une nouvelle illustration de la précarité de l’emploi féminin qui est sous représenté dans les emplois à forte qualification en termes qualitatif et quantitatif, où la proportion des femmes occupant des postes de cadres et de techniciennes ne dépasse pas 15% de la population féminine occupée, tandis que 71% sont des manœuvres.

Élaboré à partir de sources statistiques sur l’emploi, des enquêtes sur les structures auprès des entreprises et de sources administratives, le CSE permet d’affiner la mesure de la productivité et d’apporter de nouveaux éclairages sur la demande de travail et la rémunération salariale en relation avec la valeur ajoutée et les structures productives.

Ce compte constitue le cadre d’une base de données inédite au Maroc et en Afrique, conçue pour une meilleure compréhension du marché du travail en rapport avec les structures productives.

Le surplus de l’emploi agricole : Contributeur à l’expansion de l’informel et source de l’emploi précaire 

Les résultats du CSE, qui reflètent l'image de la structure productive, et mettent en exergue le rôle majeur que joue toujours le secteur de l'agriculture dans la détermination de la croissance et de l'emploi en contribuant à hauteur de 12% à la valeur ajoutée totale tout en employant 39,7% de l'emploi total. L'emploi dans ce secteur, qui ne s'améliore et ne se modernise que très faiblement, reste peu rémunéré et peu qualifié et majoritairement informel en représentant d’ailleurs 97% de l'emploi dans ce secteur. 

L’évolution de l'emploi dans le secteur de l’agriculture caractérisée par la réduction continue du nombre de personnes employées qui est devenue de plus en plus récurrente sous fond des conditions climatiques difficiles que connaît notre pays. La libération de ce surplus de main-d’œuvre a été traduite par une prolifération du secteur des services qui représente 41,3% de l'emploi total, et qui restent, en dehors de certaines activités modernes, dominés par les petits métiers dans le commerce et l’artisanat. 

De même, il en ressort que le taux de féminisation de l'emploi qui atteint seulement 29,7% au niveau national demeure encore loin de la parité. Ce taux risque de baisser encore avec les mutations de l'emploi agricole. En effet, la faible qualification des femmes actuellement en emploi et la concentration d'une grande partie du travail féminin dans les aides familiales du secteur de l'agriculture augmentent le risque d'inactivité avec la libération du surplus de main-d'œuvre agricole.

C’est ainsi que les résultats du CSE donnent une nouvelle illustration de la précarité de l’emploi féminin qui est sous représenté dans les emplois à forte qualification en termes qualitatif et quantitatif, où la proportion des femmes occupant des postes de cadres et de techniciennes ne dépasse pas 15% de la population féminine occupée, tandis que 71% sont des manœuvres.

Ces réallocations de l'emploi entre secteurs à faible productivité ne favorisent pas une transformation des structures de production de l’économie nationale et contribuent à une stagnation de productivité et à la faiblesse de la croissance économique tout en permettant un environnement favorable au développement d'une sphère informelle qui imprègne l'ensemble des branches d’activité. Cette sphère s'étend sur l’ensemble des activités à travers l'expansion du travail informel qui représente une part de 67,6% de l’emploi total.

La prédominance du travail informel entraîne d’importantes disparités en termes de durée de travail, de rémunération et de productivité. Les employés informels travaillent en moyenne annuelle 145 heures de plus que leurs homologues formels, tout en recevant une rémunération moyenne cinq fois inférieure. De plus, en termes de productivité apparente du travail, celle des employés formels demeure 3,7 fois supérieure à celle des employés informels.

La faible productivité et la pression sur la rémunération du travail

En conséquence de cette distribution de l’emploi et de ces écarts de productivité, la distribution des salaires par secteur devient de plus en plus dispersée. La rémunération moyenne par salarié dans l'agriculture est inférieure de 60% de celle de l’industrie et de 73% de celle des services.

De même, l'évolution des salaires en relation avec la productivité révèle le ralentissement de la croissance de la productivité, qui a évolué de 1,9% entre 2014 et 2019, sans qu'elle soit accompagnée d'une amélioration des salaires moyens réels, qui se sont au contraire détériorés d'environ 0,88%, et qui aura des implications importante sur la demande agrégée, principale moteur de la croissance durant ces vingt dernières années, via la détérioration du pouvoir d’achat et l’importance de la part des revenus salariaux dans le total des revenus des ménages.

Cette évolution différée de la productivité et de salaire est plus marquée dans le secteur primaire, de l'industrie et de transport où la productivité a augmenté de 4,4%, 1,1% et 0,2% respectivement, comparativement à une baisse du salaire moyen réel de 1,7%, 0,5% et 2,1% respectivement. Tandis que dans les quelques services « à forte valeur ajoutée », le salaire moyen et la productivité se sont détériorés, toutefois, avec une baisse plus importante du salaire réel moyen que celle de la productivité.

Transformations structurelles : Le grand défi de la croissance et du progrès social de notre pays

Les disparités significatives de productivité entre les différents secteurs d'activités et l'absence de secteurs moyennement productifs et intensifs en emploi témoignent de l’émergence d’un dualisme économique entravant les gains des réallocations de l’emploi libéré par le secteur agricole vers des emplois mieux rémunérés et plus productifs et limitant, ainsi, la contribution de la mobilité intersectorielle de l’emploi dans l’accélération du processus des transformations structurelles de notre économie et l’amélioration de sa productivité totale.

Cette situation qualifiée de désindustrialisation prématurée remet en question le rôle de l’industrie manufacturière dans la création d’emplois et son rôle de levier d’une croissance soutenable. Les données sur l’emploi du secteur de l’industrie reflètent les symptômes de cette désindustrialisation à travers sa faible part dans l’emploi total s’élevant à 11% et sa part dans la valeur ajoutée de 22%. En outre, la faible intégration des activités manufacturières dans le tissu productif domestique et sa forte dépendance en inputs importés entraînent un affaiblissement de ses liens intersectoriels et en conséquence contribue à la réduction de son intensité en emploi et l’affaiblissement de ses effets multiplicateurs.

Relever le défi de l'emploi au Maroc est plus pressant que jamais. Notre pays bénéficie encore d'une manne démographique considérable concrétisée par l'entrée d'un nombre important de personnes en âge de travailler sur le marché du travail. Cette opportunité, une fois qu’elle est perdue, pourrait se transformer en un fardeau qui pèse lourdement sur les équilibres sociaux si l'on ne parvient pas à accroître la productivité et générer une croissance intensive en emploi. Cela reste tributaire de la réussite des transformations structurelles de l’économie nationale favorables à l'émergence d'une industrie moyennement productive et étroitement intégrée à l'économie domestique, et aussi à la création d'un environnement propice pour l'amélioration de la compétitivité et l'expansion des petites et moyennes entreprises formelles. Cela nous permettra non seulement de réduire la taille de l'économie informelle, mais aussi de valoriser le travail, d’intensifier les qualifications par le Learning by Doing, et de promouvoir une allocation optimale de l'emploi.

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